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INSTRUMENT ET MUSICIEN


LA VOIX DE MICHAEL JACKSON À PAVAROTTI, UNE QUESTION DE RÉPERTOIRE

Parce que la voix est humaine, il en existe une infinie variété... ce qui ne nous empêche nullement de reconnaître parmi des dizaines d’entre elles celle de Michael Jackson ou de Pavarotti. Il n’y a dans cette constatation aucun mystère, car chaque voix humaine trouve sa place dans un répertoire pour lequel elle est prédestinée…


UN CLASSEMENT DES VOIX POUR S’Y RETROUVER

Dans le chant, les voix sont classées des plus aiguës aux plus graves et en fonction du sexe : haute-contre, ténor, baryton et basse pour les hommes ; soprano, alto et contralto pour les femmes. Or, comme ce premier classement n’est pas suffisant pour répondre à tous les répertoires proposés par la musique, il a été mis en place des types de voix aux contours plus précis.

Par exemple, la voix de soprano léger (ou colorature) sera très aisée dans l’aigu et doté d’une certaine virtuosité, alors que la mezzo-soprano lyrique sera plus à son aise dans les graves. Musicalement, cela se traduira par une mezzo soprano susceptible de chanter Carmen de Bizet, mais qui ne pourra pas chanter le rôle de la reine de la nuit dans La Flûte enchantée de Mozart, écrit à l’origine pour une voix de soprano colorature.

Carlo Broschi dit « Farinelli »

Ce genre d’exemple est un cas de figure très fréquent en musique classique, notamment dans l’opéra pour lequel la voix est attachée à un personnage bien précis. Le choix d’une voix s’applique également en fonction de sa « personnalité ». Par exemple, Tamino, le ténor léger du même opéra, possède une voix moins puissante et un timbre plus clair que le ténor dramatique du Lohengrin de Wagner. Le baryton-martin, généralement léger et aigu, requis pour Pelléas dans Pelléas et Mélisande de Debussy ne pourra pas aborder le rôle de baryton-basse du Don Giovanni de Mozart, à la fois plus sombre et plus grave.


LA VOIX DU BEL CANTO

Le point en commun qui peut unir Michael Jackson et Pavarotti, mais aussi Ray Charles et Sarah Vaughan est le goût pour le « beau chant », même si tous ne chantent pas forcément du "bel canto" comme on l’entend historiquement. Celui-ci, souvent synonyme d’envolée lyrique et de virtuosité, trouve dans l’opéra sa meilleure place, du moins en ce qui concerne la maîtrise du vibrato et du chant lyrique. Grâce à l’opéra, le "bel canto" devient le chant à la mode en étant personnifié par les castrats. Au 18e siècle, des noms comme Cusanino, Majorano et Farinelli rayonneront à travers toute l’Europe comme de véritables superstars internationales.

Sur scène, le castrat incarnait aussi bien des rôles masculins que de travestis sans réel souci de vraisemblance, car le public d’alors ne voyait là qu’une performance vocale. Il faut également rappeler que ce type de voix avait pris une place énorme dans l’art lyrique au moment même où l’église avait interdit aux femmes de se produire sur scène.

De nos jours, la voix de haute-contre - qui développe ce qu’on appelle la « voix de tête » - est venue remplacer la pure voix de castrat.


MICHAEL JACKSON ET PAVAROTTI, QUELLES DIFFERENCES ?

Sans aller chercher bien loin, nos chères oreilles sont à même de faire la différence entre le chant aigu et parfois strident de Michael Jackson avec celui beaucoup plus puissant et plus rond de Pavarotti. Toutefois, au-delà de cette écoute superficielle, il est évident que ces deux voix ne reposent pas sur la même technique. En effet, la voix du chanteur lyrique se caractérise par un fort vibrato et un timbre particulier très éloigné du « Roi de la pop ».

Quand on analyse les composants de cette voix, on découvre qu’elle comble un « trou acoustique » propre à l’orchestre symphonique. Ainsi, avant même toute considération esthétique et technique, la fonction première du timbre si particulier du chanteur d’opéra est de parvenir à passer l’orchestre en perçant le mur sonore des instruments afin de se faire entendre. Cette voix, sans l’aide du micro, n’a d’autre choix que de couvrir des dizaines d’instruments. Un simple retour dans le passé nous apporte l’explication…

Au 18e siècle, l’orchestre est encore réduit, cadré essentiellement par quelques cordes, un clavecin et quelques percussions discrètes, mais au cours du siècle suivant, l’avènement des cuivres et le « grossissement » de l’orchestre visant à répondre aux exigences des compositeurs vont provoquer une inflation de la puissance vocale. La voix doit alors être travaillée jusqu’à produire son effet, quitte à être beaucoup plus perçante en usant de composantes aiguës. Il est bien évident que dans des répertoires beaucoup plus légers comme celui de la chanson, le micro étant là, il devient inutile de vouloir à tout prix « transpercer » les murs !


LE CHANTEUR D’AUJOURD’HUI

Aujourd’hui, même le chant lyrique ne fait plus totalement abstraction des microphones. Un ténor d'opéra comme pouvait l’être Pavarotti s’en est même amusé à l’occasion, en reprenant quelques chansons populaires avec un micro positionné tout près. Résultat : sensation garantie ! Il est vrai que la suprématie du chant lyrique n’a plus cours comme autrefois, même si ses valeurs qui visent la performance, la perfection et la recherche de l’esthétique sont toujours bien présentes quand il s’agit d’interpréter le répertoire classique.

Grâce aux micros et aux artifices techniques des studios d’enregistrement, les voix d’aujourd’hui peuvent être amplifiées, dosés, contrôler jusqu’à être déformées. Toutefois, des artistes populaires comme Céline Dion ou Florent Pagny utilisent encore des techniques et des timbres inspirés du chant lyrique, ce qui n’est pas le cas de la grande majorité des chanteurs de variété ou de rock qui misent sur leur voix pour des raisons autrement commerciales et mercantiles. Seules les musiques classiques et jazz ont su repousser les limites de l’expression vocale en l’exploitant dans tous ses états, du murmure au cri et des onomatopées aux envolées « acrobatiques ».

Par Patrick Martial (Cadence Info - 01/2017)
(source : La musique classique - P. Charvet)

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