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CLASSIQUE / TRADITIONNEL

PORTRAIT DE LUCIANO PAVAROTTI,
LE TENOR DE LÉGENDE

Ses concerts télévisés, ses duos avec des artistes populaires ont fait de Luciano Pavarotti le ténor le plus célèbre de la fin du 20e siècle, le maître de cérémonie d’une musique classique qu’il a rendu accessible au plus grand nombre. Retour sur cet artiste hors norme.


PAVAROTTI, LA VOIX D’UN OPÉRA POPULAIRE

« Si l’on me demande qui je suis ? Je suis un chanteur d’opéra. J’en suis sûr sans aucun doute… Je donne des récitals en étant accompagné au piano. Et puis, je chante seul avec un orchestre. Je fais aussi des concerts avec des chanteurs « pop ». Pourquoi pas, puisque j’y prends du plaisir ! »

Le 21 avril 1961, un jeune maître d’école monte sur scène à Reggio Emilia et devient ténor. Son premier enregistrement honore La Bohème de Puccini. « J’ai toujours choisi La Bohème pour faire mes débuts dans une salle. Mes débuts à Milan avec Karajan, c’est l’un de mes plus beaux souvenirs. C’est comme ça que j’ai débuté, à San Francisco, à Chicago, à Coven Garden, au Metropolitan de New York, à Paris. » La carrière est lancée. En 1965, il chante à Modène au côté de Mirella Freni, en 1977 au Metropolitan Opera avec Renata Scotto.

© Pirlouit (wikimedia) - Luciano Pavarotti au Vélodrome de Marseille (2002)

Parcours classique et élogieux que le ténor va bousculer par ses prises de position, à travers une carrière qui, malgré l’époque, va surprendre les plus grands amateurs d’opéra. Une publicité pour la carte American Express ? Pourquoi pas ! Pavarotti cultive l’humour et ne s’en prive pas chaque fois que l’occasion lui est donnée. Quant à la musique chevaleresque de La donna è mobile, du Rigoletto de Verdi, elle lui va comme un gant. « Quand la télévision est rentrée en jeu et qu’elle jouait avec nous, elle m’a beaucoup apportée, parce que la caméra révèle mon visage. En gros plan, on voit mes véritables expressions. Je ne bouge pas très bien sur scène, mais mon visage est très expressif. »

Au fil des années, Pavarotti devient le porte-drapeau d’un opéra démocratique. Relayé par la télévision, ses prestations dans de grandes salles, comme le Madison Square Garden de New York ou dans les stades, comme le Hyde Park de Londres, ont permis à un grand nombre de personnes de découvrir un opéra récréatif et ludique. « Quand on chante à l’Opéra, il y a 4 000 personnes qui reviendront vous écouter, mais à Central Park (New York), il y avait un demi-million de gens… Quand on s’adresse à un public si vaste, surtout à la télévision, on endosse une immense responsabilité, et si l’on pense trop à l’impact du concert, on n’en dort plus. »

Musique classique, chansons populaires italiennes ou mélodies « pop », qu’il chante le soleil resplendissant ou la tempête qui gronde, quel que soit le répertoire, Pavarotti est capable d’habiller et de transfigurer la moindre mélodie en un somptueux ballet de notes amovibles. Comme de nombreux autres grands ténors : Caruso, José Carreras ou Plácido Domingo, le natif de Modène a toujours été attiré en priorité par les chansons napolitaines et ses mélodies éternelles. « La voix du ténor est celle d’un animal sauvage. Ce n’est pas la voix de celui qui chante sous la douche. Elle est d’une autre facture. C’est très excitant parce que c’est très dangereux… Plus dangereux que pour un baryton. »


LUCIANO PAVAROTTI, L’HOMME PHILANTHROPE

Comme de nombreux Italiens, Luciano Pavarotti aime la méditerranée, ses pêcheurs, il aime les contacts simples et chaleureux. Entre deux tournées, il part se ressourcer à Modène, là où il est né et a grandi. « Peut-on avoir plus le mal du pays que les Italiens ? C’est possible, mais personne ne le chante autant que nous. Où que je chante dans le monde, j’interprète toujours une des chansons célèbres qui évoque la nostalgie de l’Italie. La chanson "Torna a Surriento" parle de Sorrento (Sorrente), une ville magnifique sur une falaise qui domine la mer au sud de Naples. »

Dans les dernières années de sa carrière, Pavarotti côtoie de nombreuses stars éminemment populaires : Stevie Wonder, Sting, Eric Clapton, Mick Jagger, Jon Bon Jovi, Liza Minnelli, Céline Dion… Le fait de chanter de la « variété » ne le dérange absolument pas. Il est même plutôt fier de pénétrer dans ce monde très différent de l’opéra quand chaque rencontre donne lieu à des moments uniques et merveilleux. Quand il propose un duo, personne ne refuse l’offre. « Quand Pavarotti vous appelle, on y va ! » dira Liza Minnelli.

L’homme est un fin observateur du monde d’aujourd’hui. Il constate avec tristesse que les conflits armés ne sont pas près de s’éteindre. « Le monde m’a tant donné. Ma voix m’a donné tant de satisfaction, alors on se met à réfléchir : Qu’est-ce qui est important dans le monde aujourd’hui ? Pourquoi ne pas essayer de donner en retour ? »

En 1995, l’occasion de lever des fonds pour sauver des enfants de Sarajevo durant la guerre de Bosnie se présente à lui. Le ténor rejoint la cohorte d’artistes qui concède de leur temps pour aider les plus démunis. « Je me souviens quand on a été bombardé pendant la guerre, on était à la cave et on chantait. » dira-t-il pour justifier son accord aux côtés de Bono, Brian Eno, de Duran Duran ou de Zucchero.

Le concert "Pavarotti And Friends" en soutien au War Child charity a lieu à Modène. C’est à cette occasion qu’est écrite la chanson Sarajevo. Basée sur un fait authentique, elle évoque le concours de "Reine de beauté" que les habitants de la ville organisèrent pour ne pas basculer dans la folie. Pavarotti jouera le « jeu » à fond, sans faire semblant, et le fait de côtoyer Eric Clapton ou Sting ne lui posera aucun problème.

Disparu en 2007, Pavarotti aimait plus que tout la vie et sa richesse. C’était un être philanthrope et généreux. Aux détracteurs de tout poil qui voyaient dans ces chemins de traverse une trahison musicale, Pavarotti répondra : « Désolé d’être arrogant... La musique, c'est comme le sport, elle est faite pour tout le monde ! »

Par M. Beaufort (Cadence Info - 01/2015)
(source : Archivmaterial – Unitel Classica)

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