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SON & TECHNIQUE

CHANTER FAUX N’EST PAS UN MAL INCURABLE

Si vous estimez que vous chantez comme une « casserole », est-ce pour autant une fatalité ? Chanter faux, c’est-à-dire ne pas être « raccord » avec les bonnes notes, ne dépend ni des gênes ni à priori de l’oreille. Sauf l’existence d’un problème fonctionnel avéré, une éducation musicale bien conduite peut corriger les écarts de justesse en quelques cours…


UNE PRÉDISPOSITION NATURELLE

Au départ, dans le domaine du chant, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. Pour certaines personnes, chanter juste ne tient pas du miracle, c’est juste comme une évidence. Ces amoureux du chant découvrent souvent ce « don » très jeune et l’entretiennent en grandissant. Les soirées de karaoké illustrent parfaitement le propos. Le spectacle auquel on assiste permet d’évaluer rapidement les différences de niveau d’interprétation, notamment dans la façon de s'emparer de la mélodie : diction, nuances, phrasé, vibrato...

Techniquement, quand un son est émis, l’air vibre à une certaine fréquence (hertz). Chanter juste peut se résumer à faire correspondre la bonne vibration en face de la bonne note. Cette relation directe de cause à effet justifie pleinement la sensation gratifiante qu’éprouve alors le chanteur qui devient maître de ses cordes vocales.

Les cordes vocales justement, de leur longueur dépend la hauteur de la note et l’amplitude de la tessiture admise. Ainsi, chanter dans les aigus exige de les étirer davantage et, à l’inverse, de les raccourcir pour aller dans le grave. C’est donc à travers une sorte de perpétuelle gymnastique que les cordes vocales s’exercent au moment de chanter.

© Hinnerk Rümenapf (flickr.com) - Soirée karaoké dans un pub irlandais (2004)

Prenons l’exemple d’un ballon de baudruche. Une fois gonflée, si l’on maintient fermement l’orifice tout en laissant s’échapper de l’air, la pression à l’intérieur du ballon produit à la sortie une dépression. Les bords de l’embouchure étirés par les mains se mettent à vibrer à une fréquence liée à la tension de la membrane.

Les cordes vocales agissent un peu de la même façon, sauf que la sensation produite est finalement inconsciente parce qu'acquise dès le plus jeune âge. L’oreille n’intervient qu’au moment de contrôler le rapport à la vibration. C’est elle qui permet d’évaluer et d’ajuster le son de la note demandée. Chanter faux n’est pas, de ce fait, un problème d’oreille, bien que par principe, elle agisse comme un accordeur et comme un outil éducatif.


LA PROPRIOCEPTION

Mais alors d’où vient la difficulté de chanter juste ? Cela peut se résumer en un seul mot : la proprioception… c’est-à-dire la perception que l’on a de son propre corps et de ses mécanismes. Ainsi, si l’on chante faux, c’est que le plus souvent on n’a pas appris dès le berceau à effectuer les bons gestes au bon moment.

Jusqu’à l’âge de quatre ans, chanter est très intuitif. Après, de quatre à huit ans, la mémoire de travail s’établit et se renforce, mais à partir de huit ans, il y a parfois des mécanismes qu’il faut réapprendre et qui s’accentuent avec l’âge. De plus, à l’âge adulte, l’audition, la mémoire ou l’anxiété accumulent la difficulté à programmer un son au niveau cérébral et à le reproduire correctement.

Au départ, l’un des remèdes est de chanter des notes sans précision particulière. Dans cet exercice, il ne faut pas craindre de chanter faux. Dans le nombre, certaines notes seront justes et d’autres pas. L’ajustement nécessaire qui s'ensuivra se fera progressivement par élimination.

Ensuite, la notion de justesse étant relative, on prend souvent conscience de la bonne hauteur d’une note qu’au moment où la suivante est chantée… quand on ressent le bon intervalle qui chemine entre deux notes : seconde, tierce, quarte, etc. De fait, et par voie de conséquence, rien n’interdit de chanter juste toute une mélodie sans la produire à la bonne hauteur, c’est-à-dire au diapason. On ne doit tenir compte du « La 440 Hz » dès que l’on s’exprime avec des musiciens ou dans une chorale. (1)

1 - Par le passé, jusqu’au 18e siècle, il n’existait pas de moyen pour calculer une fréquence précise. La façon de s’accorder était différente selon les pays et les époques. Ce n’est qu’en 1953 que l’on a imposé une fréquence de 440 Hz au diapason, la même que la tonalité du téléphone d’alors. Toutefois, la référence au « La 440 Hz » n’exclut pas encore aujourd’hui quelques variations. C’est ainsi que les orchestres symphoniques français s’accordent généralement sur un « La 442 Hz » tandis qu’en Allemagne la règle admise est parfois de l’élever à 444 Hz.

© Ivil (flickr.com)


LA VOIX, TEL UN INSTRUMENT

La voix doit être considérée comme un instrument, et comme n’importe quel instrument, elle réclame un entraînement régulier pour se maintenir à flot. Si rien n’est fatal et si tout peut s’éduquer, bien plus qu’un professeur de chant, le phoniatre est la personne toute indiquée pour corriger les cas les plus désespérés. Luciano Pavarotti le premier - dont on ne pouvait mettre en doute les qualités vocales -, faisait de temps en temps des rééducations auditives pour corriger certaines faiblesses sur des notes bien précises. Autre exemple bien connu, mais différent, avec le chanteur Gilbert Bécaud qui avait pris conscience de certaines faiblesses auditives et qui plaçait une main contre une oreille afin de mieux percevoir la justesse de la note qui sortait de sa bouche.

Sans tomber dans l’exercice obligatoire des vocalises, on peut prendre du plaisir à chanter tout en progressant, en travaillant la respiration ou en maîtrisant l’art du vibrato. En se rapprochant d’un professeur de chant compétent et à l’écoute, outre l’apprentissage d’une technique, ces recommandations sont souvent utiles pour dynamiser la confiance en soi, surpasser sa timidité et sauter le pas en chantant devant un public.

D’autre part, pour chanter juste, l'une des priorités est d’avoir conscience de ses compétences techniques comme de ses forces et faiblesses vocales naturelles. Il ne suffit pas d’y croire pour que cela fonctionne vraiment car, si tel était le cas, certains artistes n'auraient certainement pas recours à des coachs vocaux pour progresser. En revanche, ce qui peut être rassurant, c’est qu’il n’existe pas de limite d’âge pour apprendre à chanter juste ou pour chanter des notes simplement en les lisant sur une partition. Ce sont des mécanismes qui s’acquiert au cours d’un entraînement facile à mettre en œuvre et où seule la persévérance est l'assurance d'obtenir le résultat souhaité.

Par Elian Jougla (Cadence Info - 06/2020)

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