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JAZZ ET INFLUENCES

BIOGRAPHIE ESBJÖRN SVENSSON, L’ÂME DU PIANO JAZZ SUÉDOIS

Voici un pianiste de jazz que, peut-être, vous n'avez pas connu : Esbjörn Svensson. D'origine suédoise, il était devenu l'un des musiciens de jazz les plus prospères de l'Europe au tournant du 21e siècle avant de mourir à l'âge de 44 dans un accident de plongée. Influencé par Chick Corea et Keith Jarrett, il jouait le plus souvent avec son trio le "Esbjörn Svensson Trio", communément connu sous le nom de E.S.T.

ESBJÖRN SVENSSON ET LA DÉCOUVERTE DU JAZZ

Le pianiste Esbjörn Svensson devient une star lorsqu’il publie son disque Viaticum en 2005. Avec ses amis Magnus Oström à la batterie et Dan Berglund à la contrebasse, le "Esbjörn Svenssoon Trio" forme une sorte de triangle parfaitement équilatéral. Avec Magnus, l’histoire ne date pas d’hier. Ils étaient des amis d’enfance et habitaient la même rue, dans une petite ville au nord de Stockholm, Västerås. Ils ont pratiquement grandi ensemble et ont commencé à faire de la musique quand ils n'avaient qu'une dizaine d’années en tapant sur tout ce qu'ils trouvaient.

Si Esbjörn est devenu un pianiste de jazz, ce n'est pas tout à fait par hasard, car dans la famille Svensson on aime beaucoup la musique. Sa mère pratique le piano, celui de Chopin à ses heures perdues, et son père possède une bonne collection de disques de jazz. Cependant, Esbjörn est plus attiré par la musique de son âge. La musique de Duke Ellington ou de Monk, il l'écoute de loin, sans trop la comprendre. Ce qu’il préfère, c’est écouter du rock et de la pop... Bref, tout ce qui passe à la radio.

Tout change un jour de Noël quand son ami Magnus reçoit pour cadeau des éléments de batterie. C’est à partir de ce moment-là qu'Esbjörn décide de découvrir la musique, mais de l’intérieur, en l'étudiant…

À l’adolescence, Esbjörn fréquente quelques groupes de rock avec des camarades de classe, mais pour apprendre la musique, il décide d'abord de l'aborder par la voie classique, simplement pour l’apprendre dans les règles de l'art. Le jazz, il n'y songe pas vraiment. À 16 ans, il rentre dans une école de musique où il prend des cours de piano. Ensuite, pour se perfectionner, il part étudier au Royal College of Music de Stockholm pendant quatre ans. Là, il développe son approche musicale du jazz en travaillant conjointement l’harmonie et l’improvisation.

Sa découverte du disque Now He Sings, Now He Sobs de Chick Corea finit par le persuader que le jazz est vraiment la musique qu’il veut faire. Dès lors, il accompagne des chanteuses, participe à l’occasion à des sessions pour des groupes de rock, tout en s’enrichissant au contact de ses aînés Herbie Hancock, McCoy Tyner, Teddy Wilson ou Art Tatum, sans oublier Keith Jarrett et Bill Evans, deux influences revendiquées. « En jazz, je n’ai jamais eu de professeur, à part moi. » dira-t-il, et de rajouter : « C’est vrai que j’ai beaucoup écouté Bill Evans. Pendant longtemps, j’ai joué ses morceaux, même si je ne m’en souviens plus aujourd’hui. » Toujours est-il qu’il gardera de l'époque Evans un goût certain pour les "voicing", et le toucher si particulier de son aîné.

Esbjörn Svensson avait une qualité, du moins une facilité, celle qui consiste à saisir les caractéristiques stylistiques des pianistes rien qu'en les écoutant. Les adapter selon sa propre vision musicale sur son piano, c'était ça son vrai plaisir.


L'AVENTURE DU "ESBJÖRN SVENSSON TRIO"

En 1990, Svensson constitue un duo avec son ami d'enfance Magnus aux percussions tout en étant à la recherche d'un bassiste. C’est seulement au bout de trois ans, en 1993, qu'ils rencontrent le contrebassiste idéal en la personne de Dan Berglund. L’aventure du trio débute, et pour Svensson et ses acolytes la suite tient lieu du success story : « Swedish Jazz Musician Of The Year » en 1995 et 96 ; « Meilleur compositeur » en 1998 (le public le découvre alors au festival de Montreux), puis plus tard « Révélation internationale de l’année » aux Victoires du jazz 2003. Avant que le pianiste ne disparaisse accidentellement, le trio aura eu le temps d'enregistrer une dizaine d'albums.

Ce jazz moderne venue du nord, aux multiples résonances, tout à la fois jazz, rock et pop, parfois bousculé par des éléments « électro » va trouver au fil des disques un écho largement favorable. Leur quatrième album, From Gagarin’s Point Of View en 1999, marque le début de leur collaboration avec le label allemand ATC et sonne l’heure de la consécration. Entre groove imparable, énergie vive et parfois déjantée, E.S.T. impose sa marque et creuse plus encore son sillon dans la jazzosphère : « Suivre le flot tout en gardant le contrôle de la musique » telle était la devise d'E.S.T.


E.S.T : SEVEN DAYS OF FALLING et ELEVATION OF LOVE
Festival international Jazzwoche Burghausen (Allemagne - 2 mai 2004)

Quand sortent les albums Good Morning Susie Soho (2000) et Strange Place for Snow (2002), le trio a déjà attiré l'attention du public américain et une tournée internationale est alors programmée, tournée qui va conduire le trio durant 9 mois de l'Europe aux États-Unis en passant par le Japon. Leurs albums suivants, Seven Days of Falling (2003), Viaticum (2005), et surtout Tuesday Wonderland (2006), avant-dernier album enregistré par le trio, recevront également de bons échos auprès des critiques, mais également auprès d’un jeune public amateur de jazz et d’électro.

En effet, peut avant la mort de Svensson, le trio travaillait sur un nouveau concept d’intégration des extensions sonores électroniques capables de s'insérer dans le contexte sonore d'un trio jazz. Parallèlement à ses recherches, Esbjörn Svensson collaborait aussi avec d’autres artistes, notamment Nils Landgren, Lina Nyberg et Viktoria Tolstoy.


QUAND SOUFFLE LE VENT DU NORD

Il faut se rendre à une évidence : le jazz novateur ne vient pas toujours des Etats-Unis. Le trio du pianiste Esbjörn Svensson en était un parfait exemple. Bien loin des influences de Corea ou de Jarrett, ils ont apporté au jazz, à force de disques et de prestations live remarquées, une identité sonore qui leur est propre. Entre clarté mélodique, densité sonore et soubresauts rythmiques parfois proches du hip hop, le trio E.S.T. a souvent fait la part belle à la simplicité des formes, particulièrement par l’entremise d’un piano plus classique qu’il n’y paraît. Malheureusement, la magie sonore du piano d’Esbjörn Svensson devait se taire à tout jamais en juin 2008 suite à son décès. Peut-être que demain, après-demain, certains de ses enregistrements seront redécouverts et deviendront cultes. Qui peut prédire le contraire... Allez savoir !

Par Elian Jougla (Cadence Info - 12/2014)


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