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CHANSON

GILLIAN WELCH, LE FOLK SONG D’AUJOURD’HUI

Gillian Welch est une chanteuse américaine de folk song et de bluegrass. Elle fait partie de la génération des artistes qui ont tenté dans les années 90 de ressusciter la chanson à texte, telle que l’exprimaient les vétérans Bob Dylan, Neil Young et Woody Guthrie. Depuis le premier album (Revival – 1996), la jeune femme a toujours produit des chansons singulièrement familières et en quête d’authenticité.


GILLIAN WELCH ET DAVID RAWLINGS POUR UN FOLK SONG REVIVAL

Gillian Welch forme avec son compagnon et guitariste David Rawlings un duo épatant qui porte à bout de bras les messages d’un certain ‘folk song revival’. Elle, sous la lumière, chantant au rythme de sa guitare, et lui, plus en retrait, se chargeant d’œuvrer dans les contre-chants et autres solos de guitare. Sur scène, l’émotion est au rendez-vous et le public retrouve dans ce duo la couleur sonore des chansons folk d’autrefois. Leur complicité est merveilleuse et on pense aussitôt à un autre couple célèbre de la scène country, Emmylou Harris et Gram Parsons.


LES PREMIERS PAS DE GILLIAN WELCH

Fille naturelle d’un musicien et d’une étudiante, mais élevée par des parents adoptifs à Los Angeles, Gillian Welch est à l‘adolescence une jeune fille timide qui s’enferme souvent dans sa chambre pour écouter des disques de Bob Dylan et de Paul Simon. Déjà, elle ressent le désir de s’exprimer en s’accompagnant d’une guitare et rêve en catimini d’une vie plus souriante. Sa première tentative musicale s’intitulera Carolina Child. Le texte de la chanson évoque déjà la misère des laissés-pour-compte, mais révèle également la plume d’un auteur sensible. « Je suis une orpheline sur l’autoroute de Dieu », chante-t-elle.

Au fil du temps, sa culture s’épanouit auprès de quelques figures légendaires du bluegrass : Carter Family, The Stanley Brothers et Bill Monroe. Pour elle, ces artistes vont devenir en quelque sorte le fil conducteur d’une musique à laquelle elle veut appartenir…

Après avoir suivi des études de photographie et de songwritting à l’Université de Californie de Santa Cruz, Gillian décide de se perfectionner en composition au Berklee College of Music de Boston. C’est là, qu’elle rencontre son futur compagnon, David Rawlings, qui va s’impliquer de plus en plus dans sa carrière. Le guitariste va devenir tour à tour un musicien accompagnateur, un conseiller et un complice avisé, avant de devenir le producteur de ses disques.

Leur passion commune pour la musique et la chanson va précipiter les événements. En 1992, après avoir obtenu son diplôme, Gillian part s’installer avec David à Nashville, le haut-lieu de la musique country. Les débuts sont difficiles. Se faire un nom dans une telle ville n’est pas une chose facile. Gillian Welch a conscience que de chanter avec un sourire aux lèvres ne reflète pas vraiment sa personnalité. De plus, elle ne possède ni le physique avantageux de Dolly Parton, ni le tempérament enflammé de Linda Rondstadt. Gillian appartient à la catégorie des cœurs brisés. C’est une chanteuse mélancolique. « Il a fallu que je me persuade qu’il n’y avait rien de mal à être une fille à la voix triste… », précise-t-elle.


LE PREMIER DISQUE

En 1993, une première porte s’ouvre à l’échelon local quand elle remporte un concours organisé par la ville, le Chris Austin Songwriting Contest. Destiné à faire connaître les auteurs compositeurs dans le cadre d’un festival bluegrass, cette récompense est pour elle l’occasion de signer un contrat avec la société d’édition Almo/Irving Music et un jeune label Almo Sounds.

Le premier album, Revival, est alors enregistré à Nashville sous la haute protection du producteur T-Bone Burnett. Si cet ancien musicien de Bob Dylan a eu une carrière musicale discrète, en revanche, il est devenu un producteur efficace, flairant le talent quand celui-ci vient frapper à sa porte. Revival sera un album remarqué au point d’être nommé aux Grammy Awards dans la catégorie du meilleur album de folk en 1997 (l’album Time (The Revelator) sera également nommé.)

Après Revival, d’autres disques vont suivre : Hell Among the Yearlings, en 1998. Le déjà nommé Time (The Revelator) qui devient le premier disque produit par Rawlings, en 2001. Et Soul Journey, en 2003. Des collaborations voient également le jour. C’est l’occasion pour Gillian de chanter avec une de ses idoles, la chanteuse Emmylou Harris, pour la BO du film O’Brother des frères Cohen (BO nommée Meilleur album de l’année 2000) et avec le guitariste Mark Knopfler (Speedway at Nazareth et Prairie Wedding issus de l’album Sailing) la même année.

Si ses disques sont appréciés en France par de nombreux amateurs de musique folk et country, dans son pays, Gillian Welch n’a pas toujours eu la même reconnaissance. À ses débuts, certains critiques doutaient de son authenticité. Ses origines ne se mariaient pas très bien avec les personnages de la grande dépression, souffrants et abandonnés, qu’elle dépeignait dans ses textes. « Si l’on croit à ce que je chante, alors il y a là une vérité. Je n’ai rien d’autre à prouver, tout est dans les chansons » Réponse sans ambages qui montre là une prise de position, mais également un caractère et une détermination à toutes épreuves.


GILLIAN WELCH : THE WAY IT GOES (live 2011)

UN DÉGOÛT D’ÉCRIRE

Pour chaque disque, l’inspiration est au rendez-vous, précieuse comme un sésame. Rien ne semble devoir altérer la solide complicité artisanale du duo. Avec une constante ferveur et une même sens du détail, les chansons de Gillian Welch deviennent en quelques années une référence dans le domaine de la chanson folk et bluegrass américaine.

Sa carrière semblait alors suivre les traces d’une autre étoile filante de la musique folk, la violoniste Alison Krauss, quand la panne d’inspiration, le fameux ‘writer’s block’ de l’écrivain est arrivé. Ennemi redoutable qui ne prévient jamais, capable de déstabiliser et de mettre dans le doute n’importe quel auteur, même le plus fécond. Pour Gillian, la panne sèche se traduira plutôt par un dégoût d’écrire… « Je n’arrivais plus à trouver ce qui sonnait juste. David et moi, allions de déception en déception. »

C’était en 2006. Le couple n’était plus en mesure de retrouver les éléments, les ingrédients, qui construisaient la base, mais aussi la force de leurs chansons. Gillian : « Nos chansons ne se limitent pas à un seul genre ou style : traditionnelles et moderne à la fois, narratives sans être trop simples. Il nous faut tous ces éléments-là, sinon ça tombe à plat. »

THE HARROW AND THE HARVEST

Tous les artistes ou presque connaissent des passages à vide, surtout ceux qui mènent leur carrière en tant qu’auteur-compositeur-interprète. Rappelons-nous les moments solitaires de Bob Dylan ou de Leonard Cohen dans les années 80. Les auteurs compositeurs payent souvent très cher ce genre d’impasse. Dans un premier temps, ils doivent renouer le contact avec leur public qui, parfois, les a oubliés, et dans un second temps, ils doivent être en mesure de présenter de nouvelles chansons pour susciter un regain d’intérêt.

Pour Gillian Welch, le passage à vide aura duré cinq années. Cinq longues années pour réaliser The Harrow And The Harvest (2011). Mais pour elle et son compagnon, ce long intermède leur a été également salutaire… « Ce fut une longue épreuve, mais je pense que nous y avons gagné une nouvelle maturité, une nouvelle assurance. Jamais nous n’avons eu de réactions aussi fortes qu’avec cet album. », confie-t-elle.

Ce nouveau disque garde le même cap musical. Tout y est simple. On pense bien sûr à la musique de Neil Young. Chaque mélodie est épurée, basée sur seulement quelques accords à la guitare. Quant aux textes, s’ils peignent les mêmes décors, les mêmes personnages campagnards, c’est toujours sur des mots simples qu’ils s’appuient. La qualité d’écriture et les tournures de phrases, souvent originales, sont capables de décrire la misère humaine sans en forcer le trait, de nous faire découvrir la face d’un monde marginal, sans enrobage inutile, en toute simplicité. Quand elle nous invite à voyager au cœur de l’Amérique profonde, nous en repartons troublé, touché par autant d’authenticité. Gillian Welch est un personnage sincère, mais pas atypique. Vous l’apprécierez certainement si votre penchant musical n’ignore pas des artistes comme Joan Baez ou Emmylou Harris.

par Patrick Martial (Cadence Info - 01/2012)


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