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CLASSIQUE / TRADITIONNEL

AIR DE J.-S. BACH, L’ARIA DE LA SUITE ORCHESTRALE EN RÉ MAJEUR, HISTOIRE ET PARTICULARITÉ

Sa mélodie est mondialement connue. Pour vous mettre sur la voie, le plus simple serait de citer le groupe Procol Harum qui, en 1967, produira le hit ‘A Whither Shade of Pale’ en s’inspirant outrageusement de l’original ou, peut-être, en citant l’interprétation que proposa sept ans plus tôt le trio du pianiste de jazz Jacques Loussier. Composé sur un motif de « basse marchante », ce grand classique de la musique baroque appartient à l'Ouverture pour orchestre n°3 BWV 1068 composée par Jean-Sébastien Bach.


UN GRAND CLASSIQUE DE LA PÉRIODE BAROQUE

En Allemagne, dans les premières années du 18e siècle, la musique instrumentale française et en particulier les suites de danses sont une référence. C’est une source d’inspiration pour nombre de compositeurs. D’ailleurs, les titres des œuvres et des mouvements, rédigés en français, apportent une preuve indiscutable de leurs dominations.

© Bachhaus Eisenach (wikipedia) - Portrait de Jean-Sébastien Bach par le peintre Gebel, avant 1798.

À l’époque de la création de l'Ouverture pour orchestre n°3, vers 1720, Jean-Sébastien Bach occupe dans la ville de Köthen le poste envié - et très bien rémunéré - de Kappelmeister (directeur de la musique) auprès du prince Léopold d’Anhalt-Köthen.

Son mécène connaît bien la musique. Il pratique le clavecin, mais aussi la viole de gambe au sein de son propre orchestre. Ce qu’il demande au « maître de chapelle » n’est pas d’écrire de la musique sacrée (ce que Bach produira quand il séjournera à Leipzig), mais surtout de la musique instrumentale, pour solistes et orchestre. Bach, consciencieusement, ne pouvant refuser, n’aura d’autre choix que d’obtempérer pour satisfaire les exigences du prince.

Jean-Sébastien Bach a composé quatre suites pour orchestre, toutes portant le titre original d’Ouvertures ; un intitulé justifié par le premier mouvement qui prend la forme d’ouverture à la française. L’Ouverture n°3 BWV 1068 est la plus célèbre et comprend cinq mouvements ; cinq danses alternant entre mouvements rapide et lent. L’aria (Air on G String, en anglais) en est le second (Bach réemploiera l’intitulé pour le thème de ses Variations Goldberg écrites pour clavecin, lors de leur publication en 1741 : Aria avec différentes variations pour clavecin à deux claviers)


LES SPÉCIFICITÉS DE L’ARIA DE LA SUITE ORCHESTRALE N°3

Une de ses particularités est d’être écrite pour un ensemble à cordes avec un continuo, à la différence des autres mouvements qui font intervenir deux hautbois, trois trompettes et deux timbales ; une orchestration des plus classiques pour de la musique baroque (si ce n’est l’absence du clavecin). Toutefois, la musique de l’aria est adaptable. Elle peut être configurée pour une interprétation en effectif réduit comprenant, par exemple, quatre archets et un clavecin.

À l’écoute, pas d’hésitation, nous sommes bien au cœur de la musique baroque avec la présence d'une basse continue. Cette dernière joue d’ailleurs un grand rôle en produisant des ouvertures harmoniques. La « basse marchante » possède un mouvement caractéristique. Elle modifie la hauteur des notes pour éviter l’immobilisme et l’enchevêtrement des parties intermédiaires (alto). C’est simple, mais très efficace. Une véritable leçon d’harmonie pour nombre de compositeurs. Un zeste aussi de modernisme que Jean-Sébastien Bach ne cessera d’imposer et qu’il est difficile d’ignorer, même aujourd’hui.


J.-S. BACH : ARIA DE L'OUVERTURE POUR ORCHESTRE N°3 BWV 1068 (Air)
(orchestre sous la direction de Raymond Leppard)

Du point de vue technique, l’aria est loin d’être une pièce redoutable (surtout quand on connaît l’œuvre de Bach). Néanmoins, sa délicate interprétation repose avant tout sur sa lenteur dont chaque note doit être parfaitement négociée. Comme souvent chez le compositeur allemand, sa musique est très « harmonique »… donc subtile. Pour autant, elle n’en demeure pas moins très mélodieuse.

Grâce au tempo très lent, la ligne mélodique transporte sa tonalité majestueuse, tout comme la ligne de basse qui chante également, mais à une hauteur diamétralement opposée. La partie « chantante » exécutée par le premier violon est ainsi accompagnée de la basse continue qui procède par une suite de notes conjointes redoublées à l’octave. Le dialogue s’installe et se renforce avec le second violon, tandis que l’alto complète l’harmonie de façon magnifique.


PROCOL HARUM : ‘A WHITER SHADE OF PALE’
Dans la version du groupe Procol Harum, c’est l’orgue Hammond joué par Matthew Fisher qui personnifie l’esprit – mais pas la musicalité - de Jean-Sébastien Bach.

AIR ON THE G STRING

Si aujourd’hui l’aria est connu du grand public français, c’est qu’elle retentit parfois lors de certaines cérémonies (obsèques), voire en étant détourné de sa destination première en donnant plus de poids aux images d’un film ou d’un documentaire.

Dans le monde anglo-saxon, la composition de Jean-Sébastien Bach a trouvé une autre destinée depuis que le violoniste August Wilhelm (1845-1908) l'a arrangée pour violon et piano. Devenue ‘Air on the G string’, l’astuce de son adaptation est d’avoir changé la tonalité d’origine en la descendant d’un ton (de ré majeur à do majeur), ce qui a eu pour conséquence de permettre à un violoniste de jouer toute l’œuvre en utilisant seulement la première corde de son instrument, la corde grave de sol (d'où l'intitulé :'Air sur une corde en Sol'). Bach n’y avait certainement pas pensé. Toutefois, la question demeure et demeurera pour l’éternité !

Par Elian Jougla (Cadence Info - 10/2021)

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