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INSTRUMENT ET MUSICIEN

LA MAO ET SON DÉVELOPPEMENT, UNE RÉPONSE À LA CRÉATIVITÉ

Conceptualisée dès les années 50 dans des laboratoires de recherche, la musique assistée par ordinateur constitue un tournant capital dans l’évolution de la musique contemporaine. La dénommée MAO n’a eu de cesse de se développer et de se singulariser pour devenir une ressource inépuisable dans le domaine de la production musicale…


LA MUSIQUE ASSISTÉE PAR ORDINATEUR À L’ESSAI

La MAO est de nos jours si répandue dans les musiques actuelles qu’elle en est devenue extrêmement banale. Aussi à l’aise pour concevoir des œuvres musicales élaborées que pour apprendre à jouer d’un instrument avec des programmes spécifiques, elle rallie autant l’amateur que le professionnel.

On commence à l’évoquer dans les années 70, au moment où la multiplication des synthétiseurs analogiques soulève la question de l’édition sonore et de la communication entre instruments (la norme MIDI n’existant pas encore). Pour les compositeurs peu farouches, le synthétiseur représentait déjà une première aubaine en garantissant la possibilité d’éditer toutes sortes de sonorités. Il éliminait manifestement le besoin de maîtriser les instruments qu’il était censé remplacer. Le synthétiseur rendait d'étonnants services quand il s’agissait d’enregistrer toute une orchestration à l’aide d’un magnétophone multipistes. Dans le domaine de la créativité, il peut être considéré comme le point de départ à un changement de cap vers une production musicale autonome. À la décennie suivante, comme un tour de passe-passe, tout s’accélère.

© Bikanski (pixnio.com) - La seconde grande évolution de la micro-informatique, la portabilité. Ici avec un Mac.

Dans les années 1980, les bases de la programmation sur ordinateur sont là, mais la micro-informatique n'est pas aussi perfectionnée et stable qu'aujourd'hui. Les bugs sont fréquents. Cependant, les marques américaines et japonaises passent à l’offensive (Mac, Apple, Atari), comprenant que l’usage des synthétiseurs, des boîtes à rythmes et autres arpégiateurs deviennent essentiels à l'évolution du langage musical.

Grâce à l’essor des technologies matérielles et logicielles lié à la puissance exponentielle des processeurs, la micro-informatique produit une véritable petite révolution. La MAO accouche de divers programmes de plus en plus efficaces à l'usage parfois complexe et archaïque. Pour la majorité des musiciens, une chose est sûre : le véritable tournant est survenu avec l’implantation de la norme MIDI, celle qui autorise la communication synchrone du matériel, par exemple entre deux synthétiseurs ou d'un synthétiseur avec une boîte à rythmes. D’abord implantés dans les appareils récents du marché, les ports MIDI In et Out seront par la suite accueillis par les ordinateurs, avant de se voir généraliser comme une norme établie.

Dans un premier temps, le séquenceur et la multiplication de pistes serviront de fil conducteur à de nombreuses créations. Parallèlement à leur usage, qui allait provoquer quelques années plus tard l’extinction progressive des outils analogiques (dont le magnétophone multipistes), la MAO donne naissance à des effets indépendants, allant même jusqu’à intégrer la possibilité pour le musicien de travailler l’audio et pas seulement à travers le MIDI. Le traitement de l'image, du montage et de la synchronisation avec le son seront pris en compte.

La sauvegarde, véritable maillon faible, encore précaire et limitée avec les disquettes (2 Mo maxi), passe à un stade supérieur avec l'arrivée du disque dur. Dès lors, les mégaoctets se transforment en gigaoctets pour faire face à des fichiers toujours plus lourds. Les fichiers Midi Files sont bannis et la course à l'échantillonnage devient la priorité.

Bien plus rapidement que dans tout autre domaine, le monde numérique est comme une course sans fin, dans lequel la vitesse est le maître-mot. Ainsi, la possibilité de produire des sonorités réalistes sans instrument et de savantes orchestrations se multiplient. Dans un univers informatique impliquant des procédés virtuels, le compositeur, équipé d’un puissant ordinateur et de quelques programmes, le tout piloté par un clavier maître, parvient à une indépendance totale.

En arrivant au tournant du 21e siècle, La MAO venait de remporter la partie en faisant sauter les derniers verrous qui s'opposaient à son expansion. Soucieuse d'entretenir son autorité naissante, des formations diplômantes et des écoles du son sont apparues avec pour mission de professionnaliser le créateur dans ses projets, et ce, quelle que soit leur nature, comme si l'attitude honorable n'était plus celle du musicien formé sur le tas, avec le nez dans les docs.


LA MAO, UN SOUTIEN POUR LE MUSICIEN ADEPTE D'ÉLECTRO

Le net avantage apporté par la MAO n’est pas uniquement d’ordre technique. Grâce à ses innombrables possibilités, elle propose à l’amateur comme au professionnel un champ d’action très vaste, quasiment illimité. La musique assistée par ordinateur est autonome, ce qui signifie qu’il est possible de composer une musique du début à la fin en solitaire, jusqu’à la touche finale.

Cette façon d’aborder et de produire de la musique en toute indépendance est désormais une source d’inspiration et d'énergie créatrice incontournable. De là, ont découlé des musiques populaires d’un nouveau genre. Timorée au départ, maladroite parfois, puis de plus en plus intrusive et performante, la musique électronique s’est installée durablement dans le paysage musical jusqu’à rivaliser avec les œuvres purement acoustiques.

© pxhere.com - Aujourd'hui comme hier, tout passe par l'écran de contrôle.

Les vétérans vous diront que par le passé les musiques acoustiques et électroniques se faisaient face, que chacune luttait pour imposer sa vision et sa suprématie. Une dualité qui s’est effacée progressivement comme une logique implacable. Dorénavant, les deux « mondes parallèles » collaborent efficacement, de manière quasi naturelle. Les musiciens ont saisi toute l’opportunité d’unifier les qualités respectives des deux camps plutôt que de les confronter dans une lutte qui, finalement, n’aurait pas grand sens.

La musique électronique, via la MAO, s’est développée parce qu’elle autorise aussi chez le musicien un sentiment de liberté qu'il ne peut rencontrer ailleurs, au point que les « artistes traditionnels » l’explorent également dans leurs productions. Comment résister d’ailleurs à cette inflation matérielle quand il suffit de pousser quelques boutons pour que naissent des effets sonores saisissants, pour que chacun, chacune, nuances et modules à volonté sa musique ou celle d'autrui ?

Cependant, en se dématérialisant, la musique s’est engagée dans une voix délicate qui autorise la production à outrance et les errances de toutes sortes. Elle est entrée dans la banalité, puisque tout en chacun peut désormais concevoir une musique en étant assistée (le mot n'est pas ici déplacé, mais au contraire révélateur du fait). De fait, la redondance des solutions cadrées, voire automatisées, s’oppose à la créativité pure, et il faut beaucoup de volonté, d’originalité et de perspicacité dans les intentions de l'artiste pour que celui-ci parvienne à s’extraire du flot musical continu du Web. Aujourd’hui, même si la dématéralisation ne représente pas encore un fléau, cela pourrait le devenir au nom d’une consommation musicale toujours plus pointilleuse et d'une créativité avide de renouvellement !

Par Elian Jougla (Cadence Info - 05/2022)

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