L'EUROVISION, LE CONCOURS DE LA CHANSON PLÉBISCITÉ PAR LES TÉLÉSPECTATEURS

Cette infrastructure d'échange entre les différentes chaînes européennes recherchait des sujets justifiant son utilité, et l'idée qu'une émission de variété internationale transite par ses antennes ne pouvait que la servir à une époque où la télévision des temps modernes était à inventer.

Cette idée lumineuse et audacieuse, Bezençon s'empressa de la communiquer à son confrère de la télévision italienne, Sergio Pugliese. Pour le président de l'UER, l'intention première était de se rapprocher du festival italien de Sanremo ; une émission populaire de la Rai qui, en écho, franchissait avec succès les Alpes depuis quelques années.

Après différentes négociations, en octobre 1955, le projet d'ouvrir la chanson à l'international obtenait l'aval de l'ensemble des délégués des membres diffuseurs de l’UER. L'année suivante, le 24 mai 1956, le premier "Concours Eurovision de la chanson" voyait le jour à Lugano, en Italie, et couronnait la Suissesse Lys Assia comme première candidate victorieuse.

Outre que ce réseau d'échange entre les différentes chaînes de télévision avait réalisé une prouesse technologique (diffusion en direct et en simultané par tous les pays diffuseurs), le concours avait surtout permis d'associer sept pays européens (Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas et Suisse) autour d'un projet commun, à une période où les incertitudes et les traces d'après-guerre étaient encore prenantes.

DES RÈGLES QUI ÉVOLUENT ET S'ADAPTENT SANS CESSE

Lors de son lancement, le règlement du concours était fort différent. Il était très permissif en tolérant que chaque membre du jury vote pour son propre pays. Les groupes n'avaient pas le droit de concourir et seuls les artistes individuels, accompagnés par un imposant orchestre, possédaient leur chance. Les candidats sélectionnés étaient obligés d'interpréter non pas une chanson, comme de nos jours, mais deux, dans l'intention de légitimer avec plus de véhémence les qualités artistiques de l'interprète.

Bien entendu, un tel fonctionnement, notamment à l'échelle internationale, se devait d'évoluer, non seulement parce que l'impact du concours allait prendre de l'ampleur, mais que pour durer, il lui fallait suivre, sinon devancer les tendances musicales du moment, tout en s'adaptant aux goûts des téléspectateurs de différents pays. Un premier changement interviendra en 1957, en ordonnant qu'une unique chanson soit interprétée par candidat, puis un second qui imposera à chaque pays vainqueur, la prise en charge de l'organisation de l’édition suivante sur son territoire.

D'année en année, le succès de l'Eurovision ne fait que se confirmer. D'autres pays viennent se greffer à la compétition et valorisent le potentiel du concours à révéler de jeunes artistes sur le plan international. En constituant une référence artistique incontestable, tout en bénéficiant de l'assurance de détenir une visibilité auprès d'un vaste public, le "Concours Eurovision de la chanson" devient pour de nombreux artistes encore inconnus un booster à même de lancer leur carrière. Des noms tels que France Gall, avec la chanson Poupée de cire, poupée de son en 1965, la participation de Julio Iglesias en 1970 ou encore le groupe ABBA, vainqueurs de l'édition 1974 avec Waterloo et Céline Dion, représentante de la Suisse en 1988, suffisent à justifier toute l'importance de ce rendez-vous annuel.

LES GAGNANTS DE l'EUROVISION DE 1956 À 2016
Pour les inconditionnels et les nostalgiques, cette instructive vidéo permet de saisir toute l'évolution du concours au fil des années : style musical et vestimentaire, décors, langues, etc.

LES ANNÉES 2000

Avec l'arrivée des années 2000, le concours Eurovision franchit un nouveau cap. Pour la première fois, il fait face à un changement de comportement majeur des consommateurs provoqué par l'arrivée du Web, puis des réseaux sociaux. Pour développer son audience, des pays extérieurs à l’Union européenne sont invités à participer au concours, à l'image de l'Australie. Toutefois, un constat s'impose. Cette diffusion à grande échelle, alliée à une abondance de technologie et d'actualités qui s'entrechoquent, ne permet plus comme par le passé à un artiste victorieux de se reposer sur ses lauriers.

Le monde de la chanson s'est professionnalisé outre mesure et le "Concours Eurovision" a fait de même en épousant le chemin du showbiz. Pour les participants, ce rendez-vous demeure une étape gratifiante, même si la flamboyance d'autrefois qui saluait la célébrité et servait de passeport pour justifier le prolongement d'une carrière a bien changé. Les différentes frasques artistiques apparues ces dernières années en attestent. Elles démontrent notamment que, contre toute attente, et pour un nombre accru d'artistes, il existe un véritable désir de se démarquer, d'échapper au conventionnel, avec l'espoir de laisser une trace de son passage face à un "Concours Eurovision de la chanson" en totale mutation.

SUITE AU COVID

Si en 2020, le show télévisé fut annulé à cause du COVID, les droits de diffusion ont depuis repris le dessus. Nullement érodée par le temps, la manifestation artistique ne donne pas l'impression de vouloir disparaître du PAF, bien au contraire ! Après une édition 2021 remportée par les rockers italien Måneskin (et une seconde place méritée par Kalush Orchestra et de leur titre Stefania. (1)

1. Vis-à-vis du conflit qui oppose la Russie à l'Ukraine, le pays victorieux de l'année 2022 n'a pu être le prochain organisateur du concours. Suite à une décision prise par l'UER, et en conformité avec le règlement, la 67e édition se déroula à Liverpool, au Royaume-Uni, pays arrivé deuxième de l'édition 2022.

Par Elian Jougla (Cadence Info - 05/2024)

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