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INSTRUMENT ET MUSICIEN

LE SOLFÈGE, CE MAL AIMÉ DE LA MUSIQUE

La musique demeure avec la parole l'un des moyens essentiels développés par l'homme pour communiquer. Depuis ses origines, le musicien est confronté à deux choix : soit créer, soit reproduire ce que d'autres ont conçu. Dans ce dernier cas, l'écriture a permis de mémoriser à la note près des œuvres musicales pour préserver, dans le respect des idées, le talent des compositeurs.


DE LA COMMUNICATION ORALE À LA COMMUNICATION VISUELLE

L'écriture musicale provient de l'occident et le solfège, qui traduit son langage, a pour avantage de faciliter la mémorisation des morceaux et de permettre à un musicien d'interpréter des pièces qu’il n’a jamais entendues auparavant.

Or, ce qui fait foi en Occident ne l'est pas nécessairement ailleurs. Il reste encore des parties du Monde, notamment en Afrique et en Asie, dans lesquelles les musiques faites de tradition se transmettent oralement, souvent plus par habitude que par nécessité d'ailleurs. Une partie considérable de l'éducation reçue repose alors sur de l'imitation, du maître à l'élève.

© Pavel Danilyuk (pexels.com) – Lire les notes tout en jouant ne s’acquiert qu'au prix d’efforts soutenus.

Dans bien des cultures orientales, surtout en Inde, l’instrumentiste a davantage de liberté dans l’interprétation d’une musique. Cette simple constatation a conduit à concevoir différentes écoles de notation et, au-delà, à développer un autre « système tonal  » ne reposant pas sur les douze demi-tons égaux de la musique occidentale. La communication orale vise, dans ce cas, à enseigner empiriquement des gammes à ceux qui ne savent pas déchiffrer la musique. Chaque pays développe alors son propre langage : l'Inde par « Sa, Ri, Ga, Ma, Pa, Dha, Ni  » ou le Bali par « Ding, Dong, Deng, Dung, Dang », par exemple.

Nous avons également en Occident une notation qui s'est élevée contre le dictat des écritures : la tablature. Les chansons populaires et traditionnelles peuvent se voir enseigner oralement via cette ressource qui conjugue à la fois des schémas mémorisables d'accords et une grande liberté d'interprétation. La tablature peut traduire succinctement le relevé d'une musique à l'oreille pour se diriger ensuite vers d'autres développements. Ce système de notation, prisé notamment par les guitaristes, tente de fournir une réponse à la pérennité d'une musique en préservant sa couleur harmonique originale.

Dans l’absolu, la notation occidentale a surtout permis de sauvegarder l'intégrité des œuvres et de conserver un patrimoine musical avec le respect qui lui est dû. On ose sans peine imaginer ce qui serait arrivé à une musique de Mozart ou de Beethoven si elle avait été transmise oralement au fil des générations ! Toutefois, cette idée de transmettre fidèlement la musique a commencé à vaciller avec l'arrivée du 20e siècle et des premiers outils enregistreurs capables de remettre en question la nécessité ou l'obligation des écritures et, à travers elle, de tous les musiciens qui en faisaient usages. La partition, avec ses conventions si essentielles, venait de perdre une grande partie de son autorité.

Partant de là, et grâce à l'enregistrement, il devenait élémentaire d'établir des comparaisons, d'opposer des points de vue sur des interprétations et de comprendre par ce biais ce que les compositeurs des siècles passés avaient noté avec minutie et précision. La portée de l'écriture devenait ainsi un sujet de discussion visant à réinterpréter les fondamentaux de son histoire. À cela, ajoutons la reconsidération de la musique improvisée, naturelle et spontanée, et dont les musiques dites « vivantes  » sont le porte-drapeau.


LES CODES DU SOLFÈGE

Pour bien des personnes, lire la musique, c'est un peu comme apprendre une langue étrangère avec ses codes et son alphabet. C'est accessible, mais cela impose une pratique constante. Le solfège rime avec lenteur, et c'est cette « lourdeur  » qui conduit souvent à ne pas poursuivre. Pour rester honnête, l'apprentissage visuel ne garantit pas les mêmes avantages que celui basé sur l'oral et inversement. Cette aptitude, qui consiste à jouer ou à chanter un morceau dès la première lecture et que l'on nomme le « déchiffrage à vue », ne s’acquiert qu'au prix d’efforts soutenus. Il est ainsi nécessaire de s’y exercer quotidiennement en prenant bien son temps.

Quand on a reçu une éducation musicale classique, généralement, l'avantage est d’avoir appris la lecture à vue en même temps que l'on apprend à pratiquer l'instrument. Par contre, chez le musicien autodidacte, le désir de savoir lire la musique doit être relativisé et vraiment justifié, puisqu'il l'aborde alors qu'il maîtrise déjà en grande partie son instrument. Les ouvrages traitant du sujet, de même que les enseignants qui les encouragent, ont beau déclarer qu’il est possible de réaliser des progrès significatifs en peu de temps, lire des notes s'oppose à l'immédiateté de la débrouillardise : le relevé à l'oreille et l'improvisation.

© Yan Krukau (pexels.com) – Les tablatures sont un moyen de communiquer l'apprentissage des accords sans connaître les notes.

Aujourd'hui à l'heure de l'intelligence artificielle, la pratique du solfège doit être relativiser, disent certains enseignants connectés. À cause du changement de perception de la musique, de ses valeurs et des moyens mis à la disposition des jeunes enfants, remettre tout à plat serait peut être nécessaire. Pourtant, ce n'est pas faute d'avoir évolué depuis que les Grecs attribuèrent aux sons des notes, allant même jusqu'à développer les premières théories musicales. Pythagore, le plus célèbre, n'avait-il pas apporté à la musique ses premières valeurs mathématiques et le découpage de l'octave ?

L'histoire des écritures a été remise en question de nombreuses fois. La notation n'a jamais été parfaite. Celle de la Grèce antique refera surface en Europe mille ans plus tard, à une époque où l’Église s’inspirait librement des travaux de Platon et d’Aristote pour projeter les bases de la pensée occidentale moderne.

Notre système de notation provient d’une écriture remontant au 9e siècle, à l'époque du chant grégorien, et que l'on nomme les « neumes  ». Ces premiers signes précisaient le sens de la mélodie, vers le haut ou vers le bas, avant d'apporter plus tard des indications servant à suggérer une ligne mélodique plus précise. C'est grâce à cette approche encore peu conventionnelle, qu'un chanteur pouvait désormais interpréter des mélodies qu’il ne connaissait pas.

À notre époque, l'imperfection a laissé sa place à un désir de perfection, capable de répondre à la majorité des cas se présentant, mélodiques et rythmiques. L'envers du décor est d'avoir poussé l'interprétation face à un mur dans laquelle la part de liberté et l'acceptation sont soumises à des conditions préétablies. Les indications de jeu, par exemple, sont des ajouts relativement nouveaux qui informent le musicien quant aux changements de tempo et de dynamique survenant dans un morceau. Nous pourrions aussi évoquer la mesure, autre moment fort de l'évolution des écritures.

La pratique du solfège, et à travers lui la lecture de notes, est un vocabulaire peu complexe s'il s'accompagne d'une méthode de travail, mais il est toutefois astreignant si l'on souhaite qu'il devienne pour soi un langage courant. D'ailleurs, que celui qui n'a pas été tenté de renoncer un jour à sa pratique lève le doigt ! Et ce n'est certainement pas l'approche technique de chaque instrument (ancien et nouveau) qui permet d'y voir plus clair, ni même les stratagèmes des écritures de la musique contemporaine mise en place pour s'adapter à d'autres approches musicales qui changent quelque chose.

En conclusion, et même si aucune porte n'est refermée, il faut effectivement admettre que le système traditionnel actuel en vigueur, demeure à ce jour la seule traduction universellement acceptée par la majorité des musiciens pour lire et partager la musique. Bien sûr, d'autres tentatives d'écritures ont été testées, souvent pour adoucir les contraintes liées à l'apprentissage de la musique. C'est ainsi que sont apparus des codes et des conventions à base de couleurs, de numéros, de traits, de dessins ou de lettres alphabétiques. Mais toutes ces expérimentations ont été vaines... jusqu'à présent.

Par Elian Jougla (Cadence Info - 03/2023)

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