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MUSIQUE & SOCIÉTÉ

LES POUVOIRS DE LA MUSIQUE, SES INFLUENCES À TRAVERS LES ÂGES

Développement cérébral, motivation, mémoire, créativité... la musique regorge de « pouvoirs ». Depuis vingt ans, les chercheurs ne cessent de prouver ses vertus à chaque âge de la Vie. Aujourd’hui, ce sont 86 % des Français qui en écoutent quotidiennement, et 15 % qui savent jouer d’un instrument. (1)


LA MUSIQUE EST AUSSI UNIVERSELLE QUE LA PAROLE

En 1993, une étude avait fait grand bruit et contribué à créer une rumeur urbaine toujours coriace, l'effet Mozart : écouter ses œuvres permettrait d'amplifier les performances intellectuelles, pensait-on. En fait, les bénéfices de la musique, indéniables, pour les enfants comme pour chacun de nous, ne dépendent pas d'un style ou d'un compositeur. Au travail, en voiture, pendant un jogging, elle occupe une place primordiale dans nos vies : nous en écoutons en moyenne 1 h 30 par jour (sondage BVA). Une omniprésence qui ne date pas d'hier, comme l'a prouvée la découverte en 2008, dans une grotte allemande, d'une flûte en os de vautour vieille de 35 000 ans.

Selon certains chercheurs, la musique a peut-être facilité la communication entre les premiers hommes et joué un rôle dans le développement du cerveau en le préparant au langage parlé. L'homme a-t-il chanté avant de bavarder ? Le débat reste ouvert...

La musique, aussi universelle que la parole, pourrait bien être le seul langage sans frontières. « Les études anthropologiques révèlent que toutes les cultures la pratiquent et en écoutent », confirme Hervé Platel, professeur de neuropsychologie à l'université de Caen. En 2009, des chercheurs allemands ont fait écouter des mélodies à des Mafas, un peuple camerounais qui n'avait jamais entendu une note de musique occidentale. Or ces derniers y ont reconnu sans ambiguïté les émotions de joie, de peur et de tristesse. En revanche, « tous les êtres humains ne ressentent pas la musique de la même façon », indique Hervé Platel.

Les Beatles, Bach, Justin Bieber, peu importe... 3 à 5 % de la population n'éprouvent aucun plaisir physique à écouter un air, même s'ils différencient un morceau mélancolique d'une mélodie guillerette. Quant aux personnes atteintes d'amusie congénitale (2), elles sont dans l'incapacité de distinguer la hauteur des notes et, de fait, de reconnaître des airs très connus comme la Marseillaise. Des exceptions qui confirment la règle. Car, dans leur majorité, les êtres humains aiment la musique. Et elle le leur rend bien !


L’INFLUENCE DE LA MUSIQUE N’ATTEND PAS LE NOMBRE DES ANNÉES

Alors qu’il a été prouvé qu’au dernier trimestre de la grossesse, l'oreille et le cerveau du bébé commencent à être suffisamment développés pour entendre les sons venant du monde extérieur, des chercheurs finlandais de l'université d'Helsinki se sont aperçus que les bébés sont en mesure de se souvenir d'une mélodie perçue in utero plus de six mois après la naissance même s'ils ne l'ont pas écoutée entre-temps.

On sait depuis un certain temps qu’écouter de la musique stimule l'activité cérébrale. « Des circuits neuronaux se développent dans tout le cerveau du fœtus », indique Emmanuel Bigand, professeur de psychologie cognitive à l'Université de Bourgogne. « Après la naissance, ces réseaux seront ensuite affectés à des fonctions précises, comme le langage. » Autrement dit, la musique prépare l'émergence des facultés Cognitives de l'enfant.

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L’APPRENTISSAGE DE LA MUSIQUE

Si la musique ne rend pas plus intelligent, sa pratique aide à développer différentes aptitudes. « L'apprentissage d'un instrument suppose une bonne coordination d'activités mentales, motrices, visuelles et mémorielles », souligne Emmanuel Bigand. Par exemple, un violoniste en herbe doit contrôler la position de ses doigts, vérifier la justesse des notes, ajuster le rythme, etc. Ainsi, les connexions neuronales se multiplient.

La musique stimule plusieurs régions du cerveau, ce qui profite à une large palette de capacités empruntant les mêmes réseaux neuronaux. « Après six mois de conservatoire, les enfants augmentent leur mémoire de travail, leur capacité d'attention et ont de meilleures performances visuo-spatiales », note Hervé Platel. C'est d'autant plus vrai si l'enfant débute avant 7 ans, âge où la plasticité cérébrale atteint des sommets (même si les effets s'observent aussi quand on commence à 14 ans). À la clé, des facilités pour apprendre la lecture, les langues et même les maths.


LA MUSIQUE, UN CODE POUR LES ADOLESCENTS

D’après le neuroscientifique américain Daniel Levitin, les goûts musicaux se fixent entre 14 et 24 ans. Pendant l'adolescence, l'écoute de musique est souvent une forme de revendication, un signe d'appartenance à un groupe, et participe à la construction de l'identité. Grâce au développement neurologique et au déferlement d'hormones, les airs aimés s'enracinent durablement dans le cerveau.

Contrairement aux idées reçues, « il n'y a pas un style musical meilleur qu'un autre, indique Hervé Platel. Ce n'est pas le rap ou la techno qui peuvent causer des dégâts, mais le volume sonore. De plus, les paroles des chansons sont parfois reçues avec décontraction, sans prendre garde à leurs effets inconscients ». Cependant, la musique réserve parfois quelques surprises…

Nicolas Guéguen, chercheur en sciences du comportement, a démontré par exemple qu'après l'écoute d'une chanson d'amour une jeune fille sera plus prompte à donner son numéro de téléphone. Un morceau aux paroles misogynes, quant à lui, peut rendre son auditeur plus agressif, selon une étude menée à la Kent University, dans l'Ohio. À l'inverse, certains morceaux (We Will Rock You de Queen en instrumental) permettent de stimuler la confiance en soi (grâce aux basses notamment).

La musique peut aussi atténuer la dépression, comme l'a montré une étude menée auprès de 251 jeunes de 8 à 16 ans qui ont suivi un atelier par semaine pendant trois mois. Bilan : une estime de soi en hausse et moins de symptômes dépressifs.


L’INFLUENCE DE LA MUSIQUE SUR LE TRAVAIL ET LA VIE QUOTIDIENNE

La musique décuple-t-elle la productivité ou nous déconcentre-t-elle ? Teresa Lesiuk de l'université de Windsor (Canada), qui a examiné ses effets sur des développeurs informatiques, a constaté que ceux travaillant en musique finissaient plus vite et apportaient de meilleures idées. La musique favorise en effet un mode de pensée plus abstrait, gage de créativité.

Une autre étude menée auprès d'étudiants placés en situation de stress (ils devaient, par exemple, faire du calcul mental et étaient interrompus par une sonnerie stridente) a montré que, grâce à la musique, le taux de cortisol — l'hormone du stress — baisse en quinze minutes.

Autre atout notable : la musique nous fait courir plus vite ! Selon des chercheurs de l'université Brunel (Royaume-Uni), piquer un sprint avec un casque sur les oreilles diminue de 15 % le chrono d'athlètes lors d'un 400 m ! Et peu importe le rythme, car si le tempo élevé (120 pulsations par minute) motive le sportif, une mélodie plus lente aide à atténuer la sensation de fatigue et augmente la tolérance à l'effort. « Le circuit de la douleur et celui du plaisir sont très proches, explique Emmanuel Bigand. La musique peut donc interférer avec la sensation de douleur. On peut d'ailleurs aussi l'utiliser pour l'anesthésie générale afin de réduire les doses de médicaments. »

Toutes ces informations recueillies à travers la musique démontre que tout notre corps est touché par les effets de la musique en se « synchronisant » avec elle. Souvenons-nous de la musique disco et de sa pulsation rythmique pensée scientifiquement. À l'écoute d'un morceau à un rythme de 130 pulsations par minute (le double d'une fréquence cardiaque normale), les ondes cérébrales se réorganisent, le rythme cardiaque et la respiration s'accélèrent pour se mettre au même tempo que la musique. À l'opposé, une mélodie jouée à 50 pulsations par minute entraîne un apaisement.

Quand un air qui nous plaît vient titiller nos oreilles, « la production d'hormones augmente, notamment la dopamine, impliquée dans le plaisir et l'action », explique Emmanuel Bigand. En général, elle grimpe de 6 à 9 %, et même jusqu'à 20 % ! Il s'agit d'un cocktail émotionnel pouvant produire un « orgasme de peau » : dès les premières mesures, la dopamine déferle dans une zone du cerveau impliquée dans la mémoire et l'anticipation de la jouissance, le noyau caudé. Au moment fatidique, une seconde libération importante d'hormones s'effectue dans le noyau accumbens, la zone du plaisir pur également activée lors de la consommation de drogue : c'est le frisson musical ! Une sensation réservée à 5 % d'entre nous.


LA MUSIQUE COMME AIDE-MÉMOIRE

À un âge avancé, la musique peut aussi apporter ses bienfaits. Emmanuel Bigand qui a conçu une méthode d'apprentissage de la musique via des instruments virtuels indique qu’il n'est jamais trop tard pour apprendre un instrument : « Après quatre mois de pratique musicale, la récupération cognitive (mémoire, attention) est plus intense que pour un senior ayant une activité physique régulière » ; et il suffit de quelques années de pratique pour diminuer le risque de maladie neurodégénérative.

Dans des cas pathologiques plus extrêmes, comme la maladie d'Alzheimer, la musique représente parfois le dernier espoir. A l'écoute d'un air apprécié autrefois, les malades se mettent à fredonner alors qu'ils ne connaissent plus leur prénom. « La musique ravive des souvenirs lointains, confirme Hervé Platel. Mais cela va plus loin. Même s'ils se trouvent à un stade avancé, des patients sont capables d'apprendre des mélodies qu'ils n'ont jamais entendues. » Et ils s'en souviennent toujours trois mois plus tard...

La musique soulage aussi la souffrance des personnes, spécialement en fin de vie. Dans le service de soins palliatifs de l'hôpital Sainte-Périne, à Paris, une violoncelliste joue du Schubert, du rock ou bien de la pop (selon les goûts des patients) dans les chambres des malades pendant les prises de sang, les poses de sonde, etc. Résultat, l'intensité douloureuse diminue de 10 à 30 %.

Par Szczygiel
(ext. source : ÇA M'INTÉRESSE – 03/2017)

1 - Étude SACEM/IPSOS.
2 - Agnosie auditive consécutive à une lésion cérébrale et consistant soit dans l'impossibilité de chanter ou de fredonner un air, soit dans l'incapacité de reconnaître les sons et les airs musicaux. (source Larousse
)

(Cadence Info - 07/2017)

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