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CLASSIQUE / TRADITIONNEL

MOZART, LA DERNIÈRE ANNÉE DU COMPOSITEUR ET SON REQUIEM

1791. Mozart vit sa dernière année, mais aussi la plus féconde ; celle qui verra ses plus grands chefs-d’œuvre. Propulsé par le film populaire Amadeus de Milos Forman, une des légendes tenaces qui entoure la disparition du compositeur autrichien veut que ce soit un autre compositeur, Antonio Salieri, qui provoqua la fin brutale de Mozart.

Cette page est la suite de MOZART, PORTRAIT D'UNE VIE MUSICALE PEUPLÉE DE LÉGENDE


LA DERNIÈRE ANNÉE DE MOZART

Antonio Salieri, le maître de Beethoven, alors âgée, vit très mal la présence de ce jeune et talentueux compositeur. Sa foi lui porte à croire que Mozart est un envoyé de Dieu. Autant il est admiratif, autant il en conçoit une jalousie maladive, d’autant plus que les facéties et la gaieté de Mozart sont à l’opposé de son tempérament froid et inquiet.

ANTONIO SALIERI

Salieri, qui a l'aval de l’empereur et dont il tire une certaine fierté, occupe un poste important, celui de maitre à la cour. La présence de ce gamin mal élevé est comme un obstacle à son avenir. « Il a tout pour lui, et moi, je n’ai rien ! » Salieri vit cela avec un profond désespoir. Il jouera de son influence pour retarder, voire interdire la représentation de ces œuvres et fera en sorte que la critique vilipende sa musique. Petit à petit, l’image du compositeur de la Petite Musique de Nuit est ternie, salie. Le public assiste de moins en moins à ses opéras, ce qui ne permet plus à Mozart de se payer.

La jalousie, l’âpre rivalité de Salieri est si grande qu’il cherchera à espionner le jeune compositeur par l’intermédiaire d’un de ses élèves. Franz Xaver Süssmayr qui était très proche de Mozart et qui servait à l’occasion de copiste et de souffre-douleur. C’est à la fin de sa vie, dans un instant certainement de démence, que Salieri s’accusa d’avoir tué Mozart. Or, en raison de sa foi, Salieri ne pouvait pas se positionner en adversaire de Dieu. Il est beaucoup plus probable que ces aveux sont seulement le fruit de la rancœur tenace qui le poursuivit ; une souffrance qu’il chercha à conjurer jusqu’à son dernier souffle.

Dans les dernières lettres que Mozart écrivit à son épouse Constance, qui était alors en cure à Bâle, il fit mention d’un malaise intérieur qui le poursuivait, d’une tristesse incompréhensible, comme si une personne cherchait à l’empoisonner. Il avait le sentiment d’être progressivement envahi par une substance qui prenait possession de son corps et de ses émotions.

Une autre théorie, peut-être la plus surprenante, est liée à La Flûte Enchantée, où il serait question de divulgation de secrets maçonniques. Mozart serait alors devenu un frère « impur », un frère qui aurait brisé le sermon et qu’il fallait supprimer. La Flûte Enchantée explique cela en étant une œuvre maçonnique. C’est l’histoire d’une initiation, ponctuée d’épreuves et de rituels, qui sont ceux qui présidaient alors à l’entrée d’une loge. Historiquement, si la maçonnerie est alors en difficulté et qu’un édit de 1782 limite le nombre de loges maçonniques à Vienne, Mozart n’aurait jamais eu aucune intention de nuire, mais au contraire de valoriser, grâce à son talent, l’image de cette société. Cette thèse ne semble pas plausible.


LA COMMANDE ÉTRANGE D’UN REQUIEM

Dans les derniers mois de sa vie, Mozart est gravement malade. Il est toujours submergé par le travail quand lui arrive une commande. Étant endetté, il ne peut la refuser. Il se trouve alors en présence d’un personnage bien mystérieux qui lui commande un requiem. Mozart prend peur et pense aussitôt que c’est un message envoyé par les ténèbres ; que cette commande lui est destinée personnellement et qu’elle signe son arrêt de mort. Le Requiem en ré mineur devient "la messe des morts" en prenant un sens tout particulier, pratiquement métaphysique. Comme une vérité qui prend corps, Mozart n’aura pas le temps d’achever le Requiem ; il cherchera même à repousser sa touche finale, comme pour rejeter l’issue fatale qu’il sent arriver. La mort l'emportera sans qu'il sache qui se cachait derrière le mystérieux pourvoyeur.

Par la suite, on apprendra que c’est le comte Franz von Walsegg qui était à la source de cette commande. Cet aristocrate autrichien était un être très vil qui avait pour habitude d’acheter des œuvres de grands compositeurs en faisant croire qu’elles étaient de lui. C’est cette attitude machiavélique qui explique la prudence dont il fit preuve à l’égard de Mozart en conservant un parfait anonymat (Walsegg fera usage de ce Requiem maudit pour célébrer le premier anniversaire du décès de sa femme).

Salieri et sa jalousie, les francs-maçons et pour finir le Requiem… toutes ces hypothèses contribuent bien évidemment à fabriquer une légende autour de la mort de Mozart. En réalité, le compositeur s’éteindra d’une maladie que les médecins de l’époque ne savaient guérir : une insuffisance rénale, qui provoquait lentement l’empoisonnement du sang, une paralysie et un gonflement du corps.

Si toute la culture romantique du 19e siècle a fait de Mozart une tragédie, le compositeur a laissé un héritage qui dépasse de loin sa disparition physique. Les nombreux témoignages liés à sa musique, ses écrits et les correspondances de sa vie privée, semblent vouloir à tout jamais concilier le compositeur avec une histoire apaisée. De tout temps, à toutes les époques, les grandes figures historiques ont eu ce caractère merveilleux de transformer les faits par des inventions plus ou moins poétiques et populaires. Face à tout ce déploiement d'imagination fertile qui caractérise l'ensemble de son œuvre et l'histoire de sa courte existence, la littérature, le théâtre, le disque, puis le cinéma, ne pouvaient que suggérer à Mozart une vie éternelle. Nous ne pouvons que le remercier avec modestie.

Par Elian Jougla (Cadence Info - 12/2014)


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