UNE QUESTION D'ACOUPHÈNES ?
Bien connu des ORL, les acouphènes produisent un sifflement plus ou moins intense et qui se prolonge pour une durée variable d'un sujet à l'autre (1). Pression artérielle, modification du flux sanguin, déséquilibre ionique, font partie du lot d'hypothèses suggérées quand se produisent ces syndromes. Les acouphènes se remarquent fréquemment en l’absence de bruit ambiant. Leurs origines sont multiples, cependant, il existe un lien de cause à effet entre le taux des décibels reçus et leurs apparitions. Les lieux bruyants (discothèque, concert), mais aussi l'utilisation de casques ou d'écouteurs (walkman, smartphone) et d'outils mécaniques (marteau-piqueur, tronçonneuse...) sont les premiers responsables de ce fléau. Pour se prémunir, l'utilisation de casques anti-bruits ou de bouchons adaptés est recommandée.
© pixabay.com - Les concerts représentent un danger pour les oreilles.
En octobre 2022, une énième étude portant sur le sujet et publié par la revue américaine "BMJ Global Health" faisait état d'un bilan dramatique concernant la jeune génération des 12/34 ans. Cette méta-analyse portait à notre connaissance que dans un avenir proche, plus d'un milliard d'adolescents et de jeunes adultes éprouveraient certainement une perte d'audition sévère. Cette estimation se réfère à trois bases de données issues d’études scientifiques publiées entre 2000 et 2021. D'après l'OMS, ce sont présentement 430 millions de personnes dans le monde qui souffrent d'une perte d'audition invalidante.
1. D'après des études récentes, les acouphènes ne seraient pas incurables. Le plus fréquemment, ils sont produits par une hyperactivité neuronale d'une partie des voies auditives. Les expérimentations actuelles préconisent la stimulation cérébrale par champ magnétique pour stopper les acouphènes de façon temporaire. Toujours est-il qu'il est possible de se familiariser de leurs présences en les mettant à « distance » par des exercices appliqués tels que le sport, la méditation ou en faisant diversion par l'utilisation accrue des autres sens, voire par l'utilisation de leurres sonores.
SE PRÉMUNIR DU BRUIT
L'écoute de la musique, serait-elle devenue dangereuse ? « Oui », a répondu Lauren Dillard, l'auteur qui a conduit l'étude, à la chaîne télévisée CNN. Cependant, nuançons ce propos, car la première cause relève bien entendu des mauvaises habitudes prises par l'auditeur. Pour lutter contre des dommages irréversibles du niveau auditif, il existe des solutions.
L'écoute au casque : comme prisonnier de la bulle sonore qui l'enveloppe, le porteur d'écouteurs cherche généralement à s'isoler des sons ambiants. Son réflexe sera alors d'augmenter le volume. Or, les outils nomades peuvent libérer jusqu'à 100 dB de pression acoustique, voire plus ; un niveau qui dépasse allègrement le seuil d'alerte des 80 dB tolérés par la Haute Autorité de Santé. L'autorité publique indépendante préconise même de réduire le volume de moitié (soit 50 dB) quand l'écoute se prolonge plusieurs dizaines de minutes. C'est en effet un niveau sonore élevé conjointement associé à sa durée d'exposition qui est dangereux pour l'oreille interne.
© pixabay.com - Le casque peut « acclimater » l'oreille interne à un volume dangereusement élevé.
Les enceintes : ne pas s'en approcher, car la pression sonore vécue produit les mêmes effets sur la santé que le port des écouteurs. Pour préserver ses oreilles, la HAS recommande, au préalable de tout événement bruyant (concert, musique en boîtes de nuit, etc.), le port de bouchons anti-bruits à titre préventif. Ne jamais oublier que dans ce genre de situation, le système auditif est agressé et qu'il est recommandé de réaliser des pauses dans un lieu calme. La HAS suggère 30 minutes toutes les deux heures.
LA MISE EN DANGER DE L'AUDITEUR
Si l'écoute incombe à l'auditeur, il demeure des raisons pour lesquelles sa responsabilité n'est pas totalement engagée. C'est le cas avec les discothèques dont certaines, du moins en France, flirtent souvent avec les 100 dB et plus sans qu'aucune poursuite ne soit véritablement engagée. Et comme ces pics se renouvellent des dizaines de fois durant toute la nuit, les oreilles de la clientèle sont directement attaquées par un déluge de décibels. Les pays limitrophes, comme la Belgique et la Suisse, sont plus regardants en ne dépassant en aucun cas les 90 dB en pics.
L'autre phénomène plus inquiétant est le son compressé. Le but de ce stratagème technique est de niveler, par le haut, le son en sortie, c'est-à-dire en réduisant l'amplitude entre les sons faibles et ceux plus forts. La conséquence est de tendre vers un niveau sonore constant, sans phase de respiration (niveau faible). De fait, les répercussions peuvent devenir désastreuses. Face à un flot de décibels continu, élevé et imprévisible, les oreilles de l'auditeur ne font que subir, mettant en péril sa fragile réactivité auditive, notamment en n'agissant pas sur le réflexe stapédien (1).
Enfin, le phénomène insidieux qui conditionne les oreilles à « vivre » dans un environnement sonore bruyant est un piège pour quiconque souhaite apprécier la musique dans des conditions optimales. Nos oreilles sont « subjectives » et ne peuvent nous mettre toujours en garde si un danger menace. Elles s'habituent face à un niveau acoustique que nous aurons jugé comme agressif durant les premières minutes. Un véritable piège ! En ce sens, les casques et écouteurs sont nuisibles en isolant d'une part l'auditeur d'un environnement sonore naturel et d'autre part en acclimatant l'oreille interne à un volume dangereusement élevé.
1. Le réflexe stapédien sert de protection de l'oreille interne. Il correspond à la contraction du muscle strapédien de l'oreille moyenne avec intention d'atténuer le niveau des sons transmis. Néanmoins, à cause de sa latence de contraction (150 ms), le réflexe stapédien ne peut pas protéger l'oreille contre les bruits forts, soudains et imprévisibles.
Par Elian Jougla (Cadence Info - 06/2023)
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