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CHANSON

PATRICIA KAAS OÙ COMMENT PERCER DANS LA CHANSON

Dans le domaine artistique, le lancement d’une carrière est souvent aléatoire. Construit autour de quelques compromis ou la chance joue un rôle certain, le parcours d’un artiste n’est jamais tracé par avance. Si pour la majorité des chanteurs et chanteuses, c’est l’expérience scénique qui prévaut, pour d’autres, ce sera une rencontre ou un passage télévisé qui viendra gratifier leur talent. Comme tant d’autres, la chanteuse Patricia Kaas a dû, elle aussi, soulever des montagnes pour voir un jour ses efforts récompensés. Entre doute, remise en question et certitude, son parcours illustre parfaitement ce que peuvent être les premiers pas d’un artiste.


PATRICIA KAAS, VARTAN ET DALIDA

À l’adolescence, le rêve imprime le désir, celui de vivre des rencontres, des expériences en se prouvant à soi-même que l’on est capable de tout assumer, de tout surmonter. Dès lors, on marque son territoire, sa différence. Pour Patricia Kaas, cet « espace légitime » sera la musique. Elle l’a dans la peau. Ce qu’elle aime tout particulièrement, c’est chanter.

À chaque occasion qui se présente, elle se lance. Ses parents, au lieu d’être réticents, l’encouragent au contraire à poursuivre. À l’école, devant ses camarades, mais aussi lors de concours de chant ou dans les fêtes de village. Toutes les occasions sont bonnes à prendre pour cette benjamine issue d’une famille de sept enfants.

Résidant à Forbach en Moselle, la chanteuse va rencontrer sa véritable première expérience scénique non loin de là, en chantant tous les samedis soir dans une petite boîte de Sarrebruck, le "Rumpelkammer". Du haut de ses treize ans, sa voix va résonner sur la petite scène de ce cabaret durant sept années. Son répertoire est essentiellement axé sur des artistes français comme Dalida, Sylvie Vartan ou Claude François. Le public entend les mélodies qu'il aime, mais il remarque aussi la voix rauque de cette frêle adolescente à l'aisance scénique troublante. Les encouragements sont là, et Patricia Kaas a le sentiment qu’il faut persévérer, qu'elle est sur la bonne voie.

La chanteuse est une autodidacte. Les quelques cours qu’elle suit afin de contrôler sa respiration et d’améliorer sa technique n’auront aucune conséquence fondamentale sur sa façon de poser sa voix. Patricia Kaas chante avant tout à l’instinct : « Je ne me disais pas : mon métier, c’est d’être chanteuse. J’avais d’autres envies et chanter le samedi soir me suffisait. » (1)

Le plus difficile pour un artiste n’est pas d’accéder à une technique, car une technique peut toujours s’apprendre, se perfectionner, non, le plus difficile est de se construire une personnalité autour de projets concrets, qui tiennent la route et qui sont porteurs d’avenir. L’artiste amateur comprend vite que dans les métiers artistiques, les promesses et les engagements non tenues sont légions. On s’enflamme à la performance d’un artiste, puis le feu s’éteint aussi vite qu’il a pris.

Patricia Kaas n’échappera pas à tout un tas de propositions bidons, jusqu’au jour où un architecte lui promet de l’aider. Grâce à sa bonne volonté, Patricia Kaas va obtenir une audition chez Phonogram. La chanteuse, qui n’a que 17 ans, découvre pour la première fois Paris. Accompagnée de sa maman, elle se retrouve dans un petit studio d’enregistrement...

L’ambiance n’est pas à la fête. C’est comme s’il fallait passer une audition pour un rôle, du genre « Si vous n'êtes pas contente, il y a en d’autres qui attendent leur tour ! ». L’adolescente se lance alors dans l’interprétation de deux chansons ; la première étant Lui de Michelle Torr et la seconde New York, New York, rendue célèbre par l’interprétation de Liza Minnelli. Deux chansons qui nécessitent de pousser la voix. Tant pis, il faut y aller ! Aussitôt la bande placée sur le magnéto, Patricia Kaas se lance…

« On vous recontactera » lui lance-t-on d’un ton sec quelques minutes plus tard. Quand vous entendez une telle phrase, soit vous repartez déçu et vous commencez à douter de votre performance, soit vous devenez un brin fataliste en gardant une parcelle d’espoir que l’on se souviendra de vous. Talent et hasard doivent alors faire bon ménage.


JALOUSE... UNE PREMIÈRE TENTATIVE POUR PERCER DANS LA CHANSON

Quelques jours après l’audition, Patricia Kaas est prévenue que Gérard Depardieu souhaite produire son premier 45 tours. « J’ai cru à une blague ! » dira-t-elle. Le microcosme, le macrocosme, enfin peu importe, du monde artistique avait frappé à sa porte. Jalouse deviendra le premier titre gravé par la chanteuse. Le compositeur et chanteur François Bernheim, ami de Gérard Depardieu, avait écouté la bande studio et était tombé sous le charme de la voix « bluesy » de la chanteuse. Depardieu, à l’écoute, avait craqué à son tour. Patricia Kaas : « J’avais très peur. Tout cela était nouveau pour moi. De plus, mon accent allemand me donnait des complexes, et Gérard Depardieu avait une apparence vraiment macho. » (1).

Le 45 tours sort chez EMI, mais faute d’avoir été bien distribué, il passe inaperçu. Une promotion du disque est tout de même réalisée auprès de quelques médias. Les téléspectateurs français découvrent alors pour la première fois cette jeune chanteuse moselloise au hasard de quelques émissions comme "L’académie des neuf" ou "Les jeux de 20 heures", émissions de divertissement qui servaient occasionnellement à faire découvrir quelques nouveaux talents.

En participant à ces émissions, Patricia Kaas découvre le play-back, les coulisses des plateaux, ce que le téléspectateur ne voit pas ou ne sait pas. Chanter en play-back ne convient pas à la chanteuse, mais il faudra bien faire avec. À l’époque, les émissions en direct entraînaient des impondérables, des accidents techniques qui faisait que les bandes orchestres ne démarraient pas toujours au bon moment. C’était ce que l’on appelait les "accidents du direct". Pour Patricia Kaas, cette première promotion sera aussi accompagnée de quelque interview. « J’ai compris que le métier de chanteuse n’était pas aussi facile qu’on pouvait le croire, mais ce relatif échec m’a motivée. » précisera-t-elle.

Cependant, d'autres combats d'arrière-garde attendent la chanteuse. Lors des prestations scéniques ou dans les coulisses, il est bien connu que la gent féminine attire certains regards, des regards capables de juger la valeur d’une chanteuse autrement qu’en se basant sur ses seules qualités professionnelles. Si, côté artiste, la détermination à vouloir réussir laisse filtrer quelques heureuses surprises, elle provoque aussi des malentendus et des déceptions. Patricia Kaas rencontrera, comme beaucoup d’autres chanteuses, des hommes d’affaires, des producteurs mal intentionnés... Patricia Kaas : « À chaque fois que je voyais un producteur, il me disait : "vous avez une voie intéressante, mais je dois vous connaître d’un peu plus près". Je répondais : d’accord, mais pas de trop près… Et comme par hasard le rendez-vous suivant était annulé ! » (1)

PATRICIA KAAS 'CHANTE LE BLUES'

Deux ans plus tard, pour répondre au souhait d’une mère alors gravement malade et qui espérait voir un jour sa fille en haut de l’affiche, Patricia Kaas se sent prête à batailler de nouveau. La motivation intacte, grâce une fois de plus à l’intervention de François Bernheim, elle prend contact avec Didier Barbelivien. Le compositeur, qui écrit des chansons comme il respire - enfin presque -, n’a pas de mal à extraire d’un tiroir une vieille chanson intitulée Mademoiselle chante le blues.

Destinée au départ à Nicoletta, Mademoiselle chante le blues devient une mélodie providentielle, une mélodie qui colle parfaitement au timbre de voix de la chanteuse. Un je ne sais quoi qui, accent à l’appui, donne cette couleur si particulière et indéfinissable, et pourtant si blues. Mais peut-être justement en raison de ce choix, la chanson reçoit un accueil mitigé en n'étant pas assez commerciale aux yeux de certains.

Pas assez commerciale ! C’était mal connaître le tempérament de Patricia Kaas. La chanteuse persévère et profite de quelques jours disponibles pour faire le tour des radios. Jean-Louis Foulquier, alors animateur de l’émission "Pollen" à France Inter et défenseur d’une chanson de qualité (il sera l’instigateur des "Francofollies" en 1985), accroche à l’écoute du titre. Il ne sera pas le seul. Frédéric Mitterrand, l’invite à son tour dans son émission "Acteur Studio" pour connaître l’ingénue. Un pas, puis un autre, après un démarrage difficile, Mademoiselle chante le blues s’impose six mois après sa sortie. A force de se battre, la chanteuse a gagné. Succès aidant, la suite deviendra plus facile. Un premier album, puis un second. La carrière est lancée.


PATRICIA KAAS - MADEMOISELLE CHANTE LE BLUES (LIVE)

Patricia Kaas : « À quelqu’un qui veut se lancer dans ce métier, je donnerai ces trois conseils : croire en soi, montrer beaucoup de volonté, ne pas perdre patience. Pour obtenir quelque chose, il faut se battre. Si tu n’y arrives pas, au moins tu auras essayé et tu seras à quoi t’en tenir. » (1) Sincère, elle confie également que la chance intervient pour une grande part dans la réussite. Cette chance, qu’elle estime à 50% pour ce qui la concerne, donne un certain espoir à tous ceux qui continuent de se battre dans une profession où des mots comme "réussite" et "succès" recueillent à l’arrivée, hélas, bien plus de perdants que de gagnants.

Par Elian Jougla (Cadence Info - 05/2014)
(1) source : Artistes en « Têtes de gondole » - 07/1994

À CONSULTER

PATRICIA KAAS, BIOGRAPHIE EN FORME DE PORTRAIT

La chanteuse Patricia Kaas est avant tout une artiste qui a construit sa carrière grâce à la scène. L’année 2016 marque son grand retour avec la parution de son dixième album intitulé tout simplement 'Patricia Kaas'.


2e PARTIE. KABARET, BURN OUT ET CONQUÊTE. Après une parenthèse dans le cinéma et un album aux couleurs rock, la chanteuse monte un spectacle intitulé Kabaret...


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