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INSTRUMENT ET MUSICIEN

HISTOIRE DU SAXOPHONE : M. SAXO RACONTE SES AVENTURES

Plutôt que de présenter le célèbre instrument à travers un discours classique mettant en relief ses différentes qualités sonores, mettons-nous à rêver et imaginons un court instant son histoire et ses péripéties racontées par l'instrument…


LE SAXOPHONE, L’INSTRUMENT AUX MULTIPLES FACETTES

M. SAXO : parmi les instruments à vent, s’il en existe un qui possède bien une place à part, c’est bien moi. Depuis mes premières années d’existence, j’ai eu souvent l’occasion de venir ensoleiller de nombreuses musiques…

On m’aime surtout lorsque je joue ‘la star’ en soliste, car c’est dans ces moments-là que je donne le meilleur de moi-même. Quand j’improvise, lorsque je déploie toute ma puissance de jeu, je démontre à mes amis auditeurs, que mes nuances sonores et la richesse de mes timbres ne sont pas qu’une légende, mais bien une réalité…

Si j’aime bien m’exprimer en solo, je suis également capable de partager la musique avec d’autres instruments ! Lorsque je m’insère au sein d’une grande formation, j’arrive toujours à me glisser, sans trop de problèmes, aux côtés de mes amis TrompettesTrombones et Tubas. Je suis, sans aucun doute, l’instrument à vent le plus expressif, celui qui se rapproche le plus de la voix humaine… et j’en suis très fier !

© pixabay.com

Pourtant, à ma naissance en 1846, ma vie a fort mal commencé ! Les musiciens ne m’aimaient pas. Mon apparence, mais aussi ma sonorité et ma puissance sonore étant toutes nouvelles, on se méfiait de moi. Mon père, M. Sax, a même été obligé d’inventer des joutes d’instruments pour m’imposer et gagner la confiance de ses amis musiciens.

À mes débuts, la majorité des compositeurs classiques ne voulait pas m’écrire des concertos, comme c’était le cas pour mes confrères, M. Piano et M. Violon. J’avais un rôle secondaire dans les orchestres. Toute ma personnalité était comme éteinte. Je ne devais surtout pas me faire remarquer et devenir tout comme M. Hautbois ou M. Cor, un instrument discipliné. Quelle misère ! Heureusement, la musique jazz est arrivée. Ce fut pour moi comme une seconde vie, une délivrance. J’allais enfin pouvoir laisser éclater ma joie de vivre et mes cris de colère.


QUAND LE SAXO FLIRTE AVEC LE JAZZ

C’est au début des années 20 que la musique de jazz a bien voulu de moi. À cette époque, même si je ne montre pas encore toute l’étendue de mes possibilités, j’étais heureux, car je me sentais beaucoup plus libre que par le passé. Personne ne venait me dire que je jouais trop fort ou que j’étais indiscipliné. D’ailleurs, je suis vite devenu indispensable en jouant aux côtés de M. Cornet et de Dame Clarinette, au point que cette dernière deviendra même jalouse de ma fulgurante ascension !

Les musiciens de jazz ne me lâchaient plus et j’étais souvent au centre de leurs joutes, dans des bœufs interminables s’éternisant souvent très tard dans la nuit… Je croyais mon avenir tout tracé, quand patatras les big bands sont arrivés ! Tout de suite, j’ai pensé redevenir un instrument anonyme, noyé parmi les autres, comme autrefois dans le classique. Fort heureusement pour moi, l’esprit d’équipe qui anime les jazzmen m’a empêché de m’endormir à nouveau. Leur philosophie a toujours été de mettre en valeur les instruments qu’ils chérissent. M. Batterie, M. Piano, M. Trompette ou Mme Guitare, point de mesquinerie, tout le monde a toujours son moment de liberté dans la musique jazz !

Jusqu’à l’arrivée du jazz bop dans les années 40, si je suis installé en rang avec mes autres cousins à vent, je continue à briller de mille feux, car sous la plume d’un Duke Ellington inspiré ou dans les thés dansants de l’entre deux-guerres, j’impose ma sonorité caractéristique dans les orchestres. Il est hors de question que l’on m’ignore ! Ce n’est pas parce que je m’éclipse de temps en temps pour jouer avec mes amis, M. Piano, Mme Contrebasse et M. Batterie, qu’il faut me bouder ou m’oublier.

C’est vrai, je ne cohabite pas souvent avec mes amis Mme Flûte ou M. Hautbois, mais ils n’ont pas, comme moi, mon charme ravageur qui fait chavirer la gent féminine. Si des musiciens veulent m’utiliser pour ma sonorité sensuelle, ce n’est tout de même pas ma faute !

M. PIANO : c’est facile pour lui d’en imposer, avec sa silhouette, sa beauté étincelante, avec ce son qui flotte au-dessus des autres. Moi,  quand je joue les mélodies, presque personne ne me remarque. Il n’y en a que pour lui !

M. BATTERIE : et que devrai-je dire, moi, avec tous mes fûts et cymbales… On dit que je fais trop de bruit, que je dérange les gens du premier rang, et que pour ces raisons-là, il faut parfois m’utiliser avec des balais… Quant à ma voisine Mme Contrebasse, même si sa corpulence exige le respect, parfois je ne l’entends même pas !


QUAND LA VIE DE M. SAXO EST BOUSCULÉ…

Toute l’histoire du jazz suit ainsi à la trace M. Saxo, car c’est bien cette musique qui l’a lancé et popularisé dans les différentes strates de la musique contemporaine. Que ce soit à travers le swing, le bop ou les musiques aux accents funky, M. Saxo a toujours su lire et interpréter brillamment les notes qu’il était chargé de transmettre…

M. SAXO : je me sens à mon aise partout, c’est vrai ! Et si je suis souvent à l’honneur, tel un héros, c’est que j’ai l’art de savoir me glisser entre les notes puis, comme pour la voix, d’avoir un pouvoir de séduction universel. D’ailleurs, l’histoire de la musique jazz a toujours honoré chaque membre de ma famille en lui attribuant de fidèles serviteurs : Coleman Hawkins, Lester Young, Charlie Parker, Stan Getz, Cannonball Adderley, Dexter Gordon, John Coltrane, Gerry Mulligan, Wayne Shorter, Gato Barbieri, Michael Brecker… excusez du peu !


STAN GETZ ET JOHN COLTRANE : HACKENSACK (1960)
deux écoles d'improvisation qui s'affrontent au saxophone (à noter la présence d'Oscar Peterson au piano)

Un jour le swing a laissé sa place au bop, j’ai su m’adapter sans problème.

Ce que j’aime bien dans cette musique, c’est quand les harmonies osent rompre leurs amarres. Dès que les notes montent ou descendent, j’arrive toujours à suivre la cadence qui m’est imposée. C’est l’époque du grand amour entre moi et M. Trompette.  Tous les deux, on n’arrête pas de se rencontrer. Il faut dire que nous nous entendons bien. Notre mariage sonore est souvent réussi. Nous sommes indispensables, car c’est le temps où nous jouons dans de nombreuses petites formations… C’est le temps où nous visitons également les clubs de jazz enfumés. À cette époque, je me rappelle que certains de mes utilisateurs avaient une sale manie, celle de me considérer comme un cendrier, en me coinçant une cigarette entre deux clés !

Je suis surtout reconnaissant à mon ami le jazz, de m’avoir permis de voyager un peu partout sur la planète. Ainsi, quand j’ai l’occasion de me rendre dans les pays latins, lors de tournées, j’aime bien donner le change, rentrer dans la danse aux sons des maracas, des timbales et des congas. Cet exotisme qui est à la mode me va bien et me réussit très souvent.

Durant mon existence aux États-Unis, dans les années 50, mon univers sonore va encore s’élargir quand la musique rock’n’ roll va s’emparer de moi. La guitare électrique va devenir alors ma grande copine.

À côté de la gymnastique cérébrale imposée par le jazz bop, le rock’n’roll et ses trois accords aurait dû être beaucoup moins contraignant, du moins en apparence… car, côté acrobatie, j’ai été servi !  On m’a remué et secoué dans tous les sens. Et vas-y un coup à droite, un coup à gauche… je n’étais plus seulement un instrument, mais un danseur qui suivait la cadence ; tout ça pour jouer juste quelques notes, sans queue ni tête !

Cependant, même si on cherchait à m’humilier, même si on expérimentait de nouvelles façons de me faire sonner, les musiciens ne savaient pas encore de quoi j’étais capable…

À la même époque, du côté jazz, un nouveau courant venait de contrecarrer les ambitions du bop, c’était le ‘jazz cool’. J’aime bien cette période-là, quand M. Stan Getz m’employait. Au moins lui, il savait me respecter, il ne me secouait pas dans tous les sens !


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