LA RENCONTRE DE DEUX PERSONNALITÉS
Depuis quarante ans, Voulzy et Souchon se retrouvent dès que pointe à l'horizon de nouvelles idées de chansons. Malgré le temps, les modes et les époques, ce "vieux couple" de la chanson française ne s'est jamais réellement désuni. En 1974, année de leur rencontre, Alain Souchon espère réussir dans le métier en écumant les salles parisiennes et en interprétant les premières chansons écrites de sa main. Tout comme son ami, Laurent Voulzy, passe à l'offensive en publiant un premier 45 tours contenant le titre L'amour est un oiseau. Si la qualité artistique de l'auteur de Belle-Ile-en Mer, Marie-Galante est parfaitement maîtrisé avec sa voix douce enrobée de chœurs, le titre ne se hissera pas en tête des ventes, tout comme ceux qui suivront.
© Guy Delsaut (wikimedia) - Souchon et Voulzy ensemble sur la scène de Forest National, à Bruxelles (Belgique), le 20 juin 2015.
Souchon et Voulzy font cavalier seul, mais pas pour longtemps. Un jour, à l'occasion d'une réunion organisée par le PDG de leur maison de disques RCA Records, Voulzy et Souchon se retrouvent avec d'autres artistes comme Yves Simon et Antoine. La fidélité aux Beatles chez Voulzy est exemplaire, et le chanteur s'accroche si bien à leur mélodie, qu'il se sentira, ce jour-là, porté par le désir de livrer aux personnes présentes, sa "relation sentimentale" avec les quatre de Liverpool.
L'interprétation rimant avec perfection, Souchon, visiblement bluffé par la performance, savoure cet instant. Leur directeur artistique commun, Bob Socquet, perçoit alors qu'une relation constructive peut naître entre les deux artistes ; une idée qui va se révéler payante en les réunissant et en jouant collectif.
À première vue, il existe pourtant entre eux un fossé dans leur manière d'appréhender la création artistique. Voulzy est un perfectionniste, un méticuleux qui prend son temps, tandis que Souchon est un artiste un peu barré dont chaque idée se retrouve dans un condensé de mots rationnels, succincts et imagés. Souchon conçoit la chanson avec un détachement réel, alors que Voulzy l'aborde avec le regard d'un arrangeur né.
SOUCHON : "BIDON"
Souchon, sans être en panne d'inspiration, va vite comprendre que l'association avec Voulzy peut produire quelque chose de neuf. Ça tombe plutôt bien, car il est à la recherche d'un arrangeur pour finaliser son premier album. De son côté, Voulzy ressent effectivement que les musiques ont besoin d'un bon coup de pouce. Dès cet instant, les deux compères vont être liés par une amitié et une complémentarité artistique.
En 1974, le premier témoignage de leur collaboration va vite se retrouver matraqué par les radios. L'écoute de la chanson "J'ai dix ans" permet à Souchon, le premier, à imposer son nom dans un texte réellement original : « J'ai dix ans / Je vis dans des sphères où les grands / N'ont rien à faire, j'vois souvent / Dans des montgolfières, des géants / Et des petits hommes verts / Si tu m'crois pas, hé / T'ar ta gueule à la récré. » La chanson sera composée presque instinctivement en quelques heures (en s'inspirant toutefois du titre Bip bop de Paul McCartney).
UNE SUITE DE CHANSONS À SUCCÈS
Cette première tentative cosignée Souchon/Voulzy est une réussite. Souchon, le premier, comprend vite que le travail produit conjointement avec Voulzy aboutit à une belle réciprocité d'idées. Auparavant, il ne parvenait pas à "tourner ses textes" tels qu'il le souhaitait. Désormais, l'apport de Voulzy laisse éventuellement entrevoir des perspectives d'écriture à même de métamorphoser ses ambitions.
À l'aube de posséder la trentaine, Voulzy et Souchon savourent ce premier succès qui sera suivi deux ans plus tard par l'album Bidon : « Elle croyait que j'étais James Dean, américain d'origine / Le fils de Buffalo Bill, alors admiration / Faut dire qu'j'avais la chemise à carreaux, la guitare derrière dans l'dos / Pour faire le cow-boy très beau, mais composition / Elle me parlait anglais tout l'temps / J'lui répondais 2, 3 mots bidon / Des trucs entendus dans des chansons, consternation. » Encore un sujet qui trouve ses marques à travers la singularité de l'écriture, dont on remarquera la tournure rebondissante en fin de vers.
Avec le troisième album, Jamais Content, c'est la consécration pour Souchon. Publié en décembre 1977, l'album parvient à la première place et devient disque d'or. Outre le titre éponyme "Poulaillers'Song", "Y'a d'la rumba dans l'air" et "Allô maman bobo" sont de gros succès.
Juste retour des choses. Souchon signe pour son ami le texte d’une chanson nostalgique qui lui est destinée, "Rockollection", et dont la particularité sera d'intégrer de cours arrangements de titres pop/rocks des années 60. Pour Voulzy, cette réussite commerciale sera le point de départ au lancement de sa carrière.
VOULZY : "LE SOLEIL DONNE"
Pour autant, à travers ces échanges de bon procédé qui court maintenant depuis plusieurs décennies, ni l'un ni l'autre ne remettront en cause cette union. De "C'est déjà ça" pour Souchon à "Le soleil donne" pour Voulzy, leur aventure commune a toujours perduré sans faire de vagues, et ce, malgé les exigences de la profession ; les deux artistes ayant même fait le choix de sortir en 2014 un album commun sous le titre "Alain Souchon & Laurent Vouzy", pour bien nous faire comprendre que le temps n'a jamais eu raison ni de leur amitié, ni de leur créativité.
Par Elian Jougla (Cadence Info - 04/2023)
À CONSULTER
LAURENT VOULZY - TCHAT SUR LA SEPTIÈME VAGUE
Laurent Voulzy répond aux internautes à l'occasion de la sortie de son album 'La Septième Vague'. Voici la retranscription de sa discussion avec les internautes.
'SOUCHON DANS L’AIR', UN ALBUM DE REPRISES QUI PREND DE L’ALTITUDE
'Souchon dans l'air' est un album de reprises des plus belles chansons d'Alain Souchon. Les artistes Katerine, Benjamin Biolay, Oxmo Puccino. Izia et bien d'autres ont accepté de relever le défi de les interpréter pour lui rendre hommage.
