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CHANSON


QUAND WILLIAM SHATNER SE MIT À CHANTER...

Si vous êtes un fan des séries télévisées américaines très kitch, vous connaissez certainement James T. Kirk, un capitaine apoplectique à la tête d’un vaisseau interplanétaire du nom de Enterprise. Derrière le masque impassible du héros de Star Strek se cache un comédien canadien, William Shatner, mais aussi un chanteur méconnu dont la renommée aurait pu très bien servir une radio comme ‘Bides et chansons’… D’ailleurs, c’est déjà fait !


À L'OMBRE DE 'STAR TREK'

À présent, revenons à William Shatner et creusons le scénario… D’abord, le chanteur/comédien ne manque pas d’humour puisqu’il apparaît dans le 2e volet de Y’a-t-il un pilote dans l’avion ? où il incarne le chef d’une station lunaire. Pour ce rôle, il n’hésite pas à reprendre sous une forme encore plus parodique le rôle de la série Star Trek, mais sous les yeux attentifs de Abrahams et Zucker, réalisateurs bien-aimés des films parodiques où les gags s’enchaînent à tour de bras.

Ce que l’on sait moins, c’est que le comédien William Shatner – qui a tout de même tourné dans d’autres séries que Star Trek – a osé l’irréparable en se lançant dans la chanson à une époque ou les cheveux et barbes n’arrêtaient pas de pousser. C’était la période Hippie, une période qui a vu naître des moments magiques dans le domaine de la musique, mais également quelques ersatz aujourd’hui incontournables parce qu’insaisissables.


BOB DYLAN ET LES BEATLES INSPIRENT SHATNER

Shatner, pour faire branché, donna à son premier disque un titre plutôt parodique : The Transformed Man (L’homme transformé). Parmi les titres figurant dans l'album, deux tubes de l’époque sont enregistrés : Mr. Tambourine Man de Bob Dylan et Lucy in the Sky with Diamonds des Beatles.

Ce qui est hallucinant dans ses reprises n’est pas tant la voix de Shatner, quoique !… Mais plutôt l’adaptation artistique, devenu aujourd’hui un objet culte un rien céleste, une vénération sur l'autel des musiques kitsch. Quand on écoute ses deux titres, on pense à d’autres réalisations encore plus bancales : l’image d’un Bernard Tapie qui chantait ‘Je ne crois plus les filles’… ou à un Long Chris et ses compagnons Les Daltons. Non messieurs (et mesdames), nous ne vous oublions pas, vous qui avez œuvré dans les coulisses du showbiz, afin de propager la bonne parole d’une chanson kitsch made in France.

Je sais qu’il est facile de se sentir inspiré face à des nanars… Alors je ne m’en prive pas pour continuer…

Toutefois, il ne faut pas mettre en parallèle les originaux avec ceux interprétés par Shatner, surtout pas ! Notamment si l’on veut pouvoir rire sans se moquer. D'abord, Shatner savait ce qu'il faisait. Ce n'était pas un novice. La musique, il la connaissait depuis longtemps. Il y a chez le comédien une autodérision acceptée. En posant sa voix comme il le fait, il crée son style, un style qu'il va reconduire sur les disques suivants.

Pour Mr Tambourine Man, le dépouillement orchestral de la version Dylan devient chez Shatner un arrangement quelque part indéfinissable, navigant entre musiques jazz et soul, sur laquelle vient se poser une voix parlée qui se veut très persuasive. Dans l’autre transcription intergalactique et cosmique Lucy in the Sky with Diamonds, l’auditeur ne peut se référer aux initiales du LSD pour mieux comprendre ce qui se passe ! Même scénario. On se demande, face aux intonations de la voix, si le message de la chanson a été compris… mais la reprise est shakespearienne, alors ! Ce qui est remarquable, c’est l’écho à bande qui intervient à deux reprises. Un must dans le surdosage studio raté, mais qui finalement donne un effet bien rétro à la chanson.


L’AUTRE OPUS : HAS BEEN

Vingt ans se sont écoulés. Une compilation voit le jour, intitulée : Spaced Out : The Very Best of Leonard Nimoy and William Shatner. Ode à l’homme aux longues oreilles et à son compagnon d’armes. Passons vite sur cette galette lancée par on ne sait qui, ni pour qui ! Bref, on croyait en avoir fini, quand en 2004, l’homme revient à 73 ans avec une autre œuvre plus ambitieuse, mais aussi assez ambiguë si l’on en juge par son titre : Has Been (à été). L’âge est respectable pour un rocker qui ne se prend pas pour Johnny. Cette fois, il s’entoure de quelques acolytes célèbres venus l’encourager pour quelques duos : son ami Ben Folds, l’extraterrestre Joe Jackson et le mutant Henry Rollins… l’homme qui a mis Hubert Selby Jr. en musique.

L’enregistrement se déroule dans un studio mythique pour avoir été fréquenté par un certain Elvis Presley. L’album a des allures de concept. William Shatner a participé aux écritures et les onze titres évoquent quelque part la confession d’un homme que la vie n’a pas épargné.

Sous les doigts de Joe Jackson, la musique est rock. La chanson d’ouverture Common People est jouée à un train d’enfer, la voix de Shatner a du mal à suivre derrière les guitares saturées, puis la voix de Joe Jackson prend le relais et le duo s’installe. Drôle de cohabitation quand on connaît un peu l’univers de Joe Jackson !

La chanson suivante, It Hasn't Happened Yet est en revanche une heureuse surprise. La voix de Shatner a des intonations à la Barry White, et la musique fait corps avec elle. Dans la chanson You'll Have Time, Shatner s’essaye à un blues aux allures de gospel… quand ce n’est pas un slow qui surgit avec Familiar Love. Un bon point pour la chanson That’s Me Trying chantée en compagnie de Aimee Mann et Ben Folds.


WILLIAM SHATNER : IT HASN'T HAPPENED YET


Has Been est un album cohérent et musicalement intéressant, utilisant des habillages sonores classiques se mêlant aux dernières technologies, comme des samples passés à l’envers (Together). Rien à voir avec ce qui fut réalisé en 1968. La détermination à en finir avec son personnage de justicier intersidéral s’exprime dans le dernier titre Real : « J’aimerais en savoir aussi long que vous l’imaginez / J’aimerais changer le monde, le rendre meilleur / Mais je mange, je dors, je respire, je saigne / Navré de vous décevoir / Mais je suis réel. »

La chanson aurait-elle assez de pouvoir pour chasser certaines idées tenaces ? Sait-on jamais !... Pourtant l’homme de l’espace reprend du service en 2011. À 80 ans, Shatner enregistre Seeking Major Tom. Un casque de cosmonaute vissé sur la tête, Shatner utilise la même tonalité, celle d’une voix souvent parlée, langoureuse. Toute une flopée d’artistes a répondu présent. Excusez du peu : Steve Miller, Johnny Winter, Ian Paice, Lyle Lovett, Ritchie Blackmore, Steve Hillage, Peter Frampton, Sheryl Crow, Ernie Watts, Edgar Froese, etc. Si le personnage du capitaine Kirk n’est jamais allé réellement dans l’espace, le comédien et chanteur William Shatner aura joué le jeu jusqu’au bout, jusqu’au bout de ses rêves, pour le meilleur comme pour le pire.

Par Elian Jougla (Cadence Info - 08/2013)


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