« LES PIANOS DE GAINSBOURG », ÉCLAIRAGE
© Pochette de l'album 'Les pianos de Gainsbourg' (2021)
Alors que le mois d’octobre de cette année verra les 40 ans de la disparition de Georges Brassens, le 2 mars dernier, les médias rappelaient à notre mémoire l’héritage artistique laissé par Gainsbourg disparu en 1991, il y a 30 ans.
À tort ou à raison, si l’on a tout dit et tout entendu à propos de « l’homme à tête de chou », il y a un point sur lequel la plupart des musiciens et interprètes s’accordent : ses qualités d’auteur et de compositeur. Or, le plus souvent, la plupart des admirateurs de l’artiste consentent leur faveur que sur une partie de son répertoire, non-pas que le reste soit indigeste, mais la diversité musicale de sa carrière est certainement trop diversifiée (et trop ciblée) pour convenir à la majorité, ce qui explique notamment qu’entre le « classicisme » des débuts, l’audace « pop » des années 70 et l’ultime virage « funk » des années 80 tout un public n’ait pas répondu « présent » avec la même ferveur.
Au-delà de la commémoration de la disparition de l'artiste, André Manoukian a sûrement pensé à tout cela au moment de la conception de son album Les pianos de Gainsbourg. Sur les douze titres que comprend l'album, le pianiste a sélectionné dix chansons marquantes des années 60, de celles qui ont un penchant « jazzy » (si le mot n’est pas trop fort). Manoukian les reprend et les adapte façon 'piano bar', sans toutefois tomber dans les clichés que suggère le style.
ANDRÉ MANOUKIAN : ‘JE SUIS VENU TE DIRE QUE JE M’EN VAIS’ (instrumental)
DES INTERPRÉTATIONS FÉMININES TRÈS CLASSES
Si Manoukian a choisi d'enregistrer les chansons de Gainsbourg avec renfort de contrebasse et de balais à la batterie (L’eau à la bouche, L’Anamour, Le poinçonneur des Lilas…), la force de cet hommage provient surtout des interprétations féminines ; un beau casting puisque outre d’Isabelle Adjani (Sous le soleil exactement) - pour qui Gainsbourg avait placé l’actrice dans « un état proche de l’Ohio » en 1983 avec l’album Pull Marine -, l'album nous gratifie de cinq autres interprètes talentueuses : Melody Gardot (La javanaise), Camélia Jordana (Black trombone) et les non moins Camille Lellouche (Baby Alon in Babylone), Élodie Frégé (Ce mortel ennui) et Rosemary Standley (La chanson de Prévert).
ANDRÉ MANOUKIAN : ‘CE MORTEL ENNUI’ (voix Élodie Frégé)
© Flick.fr - Serge Gainsbourg
La relecture des titres proposés pourra peut-être décontenancer ceux qui connaissent déjà les originaux, même si André Manoukian a pris soin de livrer ces quelques pépites de Gainsbourg avec moult précaution et dans une tonalité que l’artiste disparu n’aurait certainement pas dédaignée. Pour autant, la grande différence s’entend surtout dans les versions chantées...
Prenant à contre-pied, par un dépouillage rythmique non ascensionnel, mais retenu, naît la mélancolique « javanaise » traduite par Melody Gardot, une chanteuse qui a déjà prouvé à maintes reprises ses aptitudes à traduire les ambiances feutrées, à l'image de son dernier album, Sunset in the blue. La version de Baby Alon in Babylone chantée à l’origine par Jane Birkin, se prête aussi très bien à la voix de Camille Lellouche avec ce balancement d'accords inspiré par le ‘Summertime’ de Gershwin. Et que dire de la version Sous le soleil exactement dont le souvenir reste si bien attaché à l'interprétation de la regrettée Anna Karina et qui est ici repris par une déchirante Adjani ? L’arrangement d’une grande légèreté, soulignant le rythme de la mélodie en pointillé, trouvera très certainement grâce à des oreilles reconnaissantes.
Les chansons les plus envoûtantes de sa « période bleue » que la jeune génération commence à découvrir sont là. Un album, qui, au fil des plages, capture notre attention à travers des mélodies devenues cultes et dont la traduction par André Manoukian et ses interprètes féminines ne peuvent laisser insensible l’auditeur par autant de sensualité et d’élégance.
Par Elian Jougla (Cadence Info - 05/2021)
ANDRÉ MANOUKIAN : ‘SOUS LE SOLEIL EXACTEMENT’ (voix : Isabelle Adjani)
LES TITRES
- La javanaise (voix melody Gardot)
- L'eau à la bouche (instrumental)
- Ce mortel ennui (Élodie Frégé)
- Black Trombone (Camélia Jordana)
- Le poinçonneur des Lilas (instrumental)
- Baby Alone in Babylone (Camille Lellouche)
- L'anamour (instrumental)
- Sous le soleil exactement (Isabelle Adjani)
- Elaeudanla Téïtéïa (instrumental)
- La chanson de Prévert (Rosemary Standley)
- La femme des uns sous le corps des autres (instrumental)
- Je suis venu te dire que je m'en vais (instrumental)
LES MUSICIENS
- André Manoukian : piano, arrangement
- Gilles Coquard : contrebasse
- Pierre-Alain Tocanier : batterie
- Inor Sotolongo : percussion
- Fidel Fourneyron : trombone
- Hervé Gourdikian : saxophone
- Guillaume Latil : violoncelle
André Manoukian
Album 'Les pianos de Gainsbourg'
chez 'Universal Music Division' : 'Decca Records'
Sorti le 23 avril 2021
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