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JAZZ ET INFLUENCES


JEAN-LUC PONTY, MUSIQUES JAZZ-ROCK ET VIOLON ÉLECTRIQUE

Cette page est la seconde partie de JEAN-LUC PONTY, PORTRAIT DU VIOLONISTE DE JAZZ


JEAN-LUC PONTY ET LES DISQUES JAZZ-ROCK

1975 est une année importante pour Jean-Luc Ponty. Dès lors, il entreprend une sérieuse carrière discographique en signant avec Atlantic. La société d’édition lui laisse une totale liberté d’entreprise. Il forme son propre groupe et sa propre maison de production. Le premier album, Upon The Wings Of Music (1975), témoigne de ce virage surprenant. Les rythmes binaires appuyés de Fight For Live ou de Polyfolk Dance alternent avec des envolées sonores semées d’écho où seul le violon intervient, Echoes Of The Future. Si le style des compositions se veut personnel et la virtuosité souvent présente, et si le son surprenant de ses violons électriques explose aux oreilles des auditeurs, sur le fond, le violoniste demeure avant tout, et malgré la mode, un authentique musicien de jazz.

Les albums qui suivent sont de la même veine, tout aussi inspirés : Aurora (1976), Imaginery Voyage (1976), Enigmatic Ocean (1977), Cosmic Messenger (1978), etc. Le titre New Country issu de l’album Imaginery Voyage sera fréquemment diffusé sur les ondes des radios américaines. Un véritable succès que le violoniste jouera en rappel lors de ses concerts. Dans l’album Imaginery Voyage, il tente l’aventure de la suite orchestrale avec succès. L’archange du violon électrique reconduira cette approche notamment dans l’album Enigmatic Océan où figureront deux suites : Enigmatic Océan et The Struggle Of The Turtle To The Sea. Douze albums seront enregistrés chez Atlantic de 1975 à 1985. La production est conséquente, soignée et typiquement jazz-rock. La plupart des disques se vendront bien, surtout aux Etats-Unis où ils figureront en bonne place dans le hit-parade jazz du Billboard américain.

Au fil des albums, Ponty impose ses qualités de compositeur, évitant dans la mesure du possible les démonstrations techniques convenues dans lequel le style jazz-rock aurait pu facilement l’enfermer. Le violoniste façonne ses compositions dans un esprit de groupe. En studio, le re-recording est rare, ce qui apporte une plus grande spontanéité à l’écoute. Les écritures sont construites de façon à pouvoir être reproduites sur scène, quitte à ce que le violoniste délaisse par moment son instrument fétiche pour jouer quelques harmonies au synthétiseur.

Si la musique de Jean-Luc Ponty est structurée, avec des parties écrites que les musiciens doivent respecter scrupuleusement, le violoniste est également un compositeur qui donne sa chance aux musiciens en leur apportant des espaces de liberté. Dans les improvisations, ils ont la possibilité de s’exprimer avec leur technique, leur personnalité et leur culture, tout en ayant le devoir de réintégrer l’exigence des écritures dans l’instant qui suit. Un véritable jeu d’équilibriste qu’il faut apprendre à doser sans s’emballer.

La course à la technique propre au jazz-rock n’est pas ici ennuyeuse, car le violoniste joue sur plusieurs tableaux afin d’en atténuer la démonstration. Ponty conserve une part de son héritage classique dans la construction mélodique qu’il mélange à la force brute des rythmes rock. Quant aux improvisations, bien qu’ayant parfois recours à l’artifice des gammes pentatoniques, elles ne font pas oublier l’ancien jazzman des années 60. Jean-Luc Ponty : « Je me suis investi dans la musique fusion parce que c’était une possibilité pour moi qui suis Européen et Français d’amener ma culture musicale et d’en faire une synthèse avec la musique américaine. Mon côté mélodique et harmonique est très français, très européen, par contre le côté rythmique, je l’ai appris aux États-Unis. Ce style de musique m’a donc permis de réaliser en fait ce que j’avais envie de concevoir musicalement… Casser les barrières, c’est cela que j’adorais et je suis parti à fond là-dedans, y compris avec l’instrument… Cela en a choqué quelques-uns, mais je ne regrette rien ! »

Au milieu des années 70, Jean-Luc Ponty s’impose comme un des grands leaders du jazz-rock. Le musicien sillonne la planète, mais vient rarement en France, ce qu’il regrette. Il aimerait se produire bien plus souvent chez nous, mais à l’époque, la star du violon électrique jouit d’une renommée bien plus importante aux États-Unis qu’en France. Les festivals de jazz français continuent d’ignorer sa musique même quand celle-ci reçoit un accueil chaleureux dans d’autres pays.


LE VIRAGE TOUT ÉLECTRONIQUE

Album après album, la place des claviers électroniques et autres machines devient de plus en plus envahissante. Jean-Luc Ponty ira jusqu’à être le maître d’œuvre des différentes parties jouées sur l’album Individual Choice en 1983. Pour aérer l’album, il fait appel sur quelques plages à d’anciens compagnons de route : le guitariste Allan Holdsworth et le claviériste George Duke. Individual Choice est un album très différent des précédents. Un album diablement provocateur qui ne mise plus sur le jeu en groupe, mais qui fait essentiellement appel à des séquences mises en boucle.

Il ne faut pas oublier que dans le domaine musical, le début des années 80 coïncide avec l’explosion des home-studios et de la musique assistée par ordinateur. Ponty, séduit par cette nouvelle révolution musicale, va exploiter tout le potentiel de cette technologie pour relancer sa carrière dans une nouvelle direction, conscient que la musique jazz-rock de ses débuts est à un tournant (le titre Individual Choice sera à la base d’un clip promotionnel révolutionnaire qui marquera les esprits par sa technique utilisée, produisant des images très accélérées).

Les albums Open Mind (1984), Fables (1985), The Gift Of Time (1987) et Storytelling (1989) exploiteront sensiblement la même approche musicale. Les rythmiques deviennent plus mécaniques tandis que les sonorités profondes du Synclavier s’imposent. Sur ces albums-là, Ponty conserve toujours un ou deux titres possédant des contours mélodiques plus attractifs comme Betwen Sea And Sky dans l’album Gift Of Time ou Tender Memories dans Storytelling. Si Jean-Luc Ponty joue des claviers sur ces albums, il ‘midifie’ également son violon pour poursuivre ses investigations sonores.

Auprès de nombreux violonistes, son style fait école, bien que les master class de l’artiste soient fort rares. Sa carrière avec son groupe et ses activités de compositeur ne l’empêchent pas cependant de se produire en soliste avec des formations classiques : orchestres symphoniques de Montréal, Toronto, Tokyo ou avec le Radio City Orchestra de New York.


LES RYTHMES AFRICAINS DE 'TCHOKOLA'

Autre album à mettre entre parenthèse dans sa carrière, l’album Tchokola (1991). Nettement inspiré par des rythmes d’Afrique de l’Ouest, Jean-Luc Ponty s’entoure alors des musiciens qui lui ont suggéré cette musique, dont le bassiste Guy N’Sangué et le percussionniste Moustapha Cissé qui continueront l’aventure au-delà en intégrant de façon durable le groupe du violoniste en 2001 …

Jean-Luc Ponty : « J’étais supposé être musicien classique au départ, j’ai fait du jazz, ensuite j’ai joué avec des groupes de rock et à chaque fois ça a été des rencontres inattendues. Ainsi, lorsque j’étais en tournée en Europe avec mon groupe américain en 1988, j’ai entendu dire qu’il y avait des musiciens africains extraordinaires à Paris. Cela m’a intrigué. J’en ai rencontré et on a joué ensemble. » Dès lors, le violon électrique s’installe pour un temps aux côtés des mélodies et des rythmes du Sénégal, du Cameroun et de la Guinée. Dans l’album suivant, No Absolute Time (1993), des plages comme Dance Of The Spirits ou Speak Out poursuivront la même direction rythmique, mêlant aux rythmes du séquenceur les rythmes africains.

Albums compilations et albums live se succèdent. Entre-temps, Ponty retrouve la grâce du violon acoustique en s’entourant du guitariste Al Di Meola et du bassiste Stanley Clarke pour une série de concerts qui vont les conduire des Etats-Unis en Europe, en passant par l’Amérique du Sud et le Moyen-Orient. Sur scène, les trois musiciens éprouvent du plaisir à jouer, cela se voit et cela s’entend. Tour à tour, les compositions de chaque protagoniste sont méticuleusement arrangées et le public conquis, plébiscite le trio. Deux albums seront enregistrés. Le premier, paru en 1995, portera le nom du groupe ‘The Rite Of Strings‘ et le second en 2005, sera un album live enregistré à Montreux, à l’occasion d’une nouvelle tournée.


JEAN-LUC PONTY : AND LIFE GOES ON (2001)

LES ANNÉES 2000 ET LA SAGESSE MUSICALE

À partir de l’album Life Enigma (2001), une fois de plus, Jean-Luc Ponty a de nouveaux projets en tête et souhaite s’entourer de jeunes musiciens. Outre les deux instrumentistes africains issus de l’aventure ‘Tchokola’, Guy N’Sangé et Moustapha Cissé, le violoniste fait appel à deux musiciens français, le batteur Thierry Arpino et le pianiste Guillaume Lecomte (encore présent dans le dernier groupe en date). Avec cette formation, le violoniste retrouve quelque part ses racines musicales. La sonorité est globalement plus acoustique. La profusion des sons électroniques a minci à vue d’œil et son dernier album en date, The Acatama Experience (2007), en est le parfait exemple.

Les nouvelles compositions misent sur un certain raffinement esthétique et harmonique. Sur scène, les reprises d’anciens titres comme Imaginery Voyage ne perdent rien au change, bien au contraire. Jean-Luc Ponty : « Ce qui m’inspire dans la vie se reproduit dans ma musique. Il y a un côté poétique, un côté lyrique ; tout un pan émotionnel, allant de la compassion, de la tristesse à la joie. Mes préoccupations philosophiques et spirituelles dirigent mon style de musique et s’entendent dans mes compositions. »

La magie de ce nouveau quatuor est d’avoir trouvé un équilibre entre sonorités acoustique et électrique. Le public ne s’y trompe pas et le groupe reçoit le plus souvent des éloges dans les grands festivals où il se produit. Même le public hexagonal semble apprécier davantage les nouvelles orientations musicales du violoniste, en témoigne l’accueil chaleureux qui lui a été réservé à Avranches, sa ville natale, en 2001.

La musique qu’il produit aujourd’hui recèle toujours une part de mystère, celui d’un univers enchanteur qui nous porte toujours à rêver, une alchimie de mélodies et de rythmes épanouis. Sa musique est-elle plus mature que par le passé ? Possède-t-elle une certaine sagesse ? Peut-être ! Sans nul doute, elle possède la force du métissage stylistique, d’une ‘world music’ aux contours indéfinissables. Elle semble facile, mais il n’en est rien… Tout dernièrement, pour un concert exceptionnel saluant les cinquante années de sa carrière et qui a eu lieu le 11 avril 2012 au Théâtre du Châtelet à Paris, le violoniste a interprété quelques-unes de ses compositions jazz-rock avec un orchestre symphonique (orchestre Pasdeloup). Décidément, du haut de ses 70 printemps, ce maître du violon ‘moderne’ n’a pas fini de nous surprendre !

Par Elian Jougla (Cadence Info - 06/2012)

À CONSULTER

PONTY/CLARKE/LAGRENE FONT CHANTER LES CORDES

Le trio de jazz constitué de Jean-Luc Ponty au violon, Stanley Clarke à la contrebasse et Biréli Lagrène à la guitare se sont réunis pour enregistrer D-Stringz, un disque fait d'enthousiasme et de complicité.


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