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JAZZ ET INFLUENCES


LES PIANISTES QUI ONT JOUÉ AVEC JOHN COLTRANE

Les pianistes ayant joué aux côtés de John Coltrane furent nombreux, mais l’histoire n’a retenu que quelques noms, dont McCoy Tyner, disparu récemment, et qui reste l’accompagnateur qui a su épouser au mieux le discours « coltranien ».


LES DÉPOSITAIRES DE L’HARMONIE

Au sein des petites formations de jazz (trio, quartette ou quintette), le pianiste occupe un poste central en distillant les harmonies. Avant que le nom de Coltrane ne se répande, ce sont les pianistes, les premiers, qui invitèrent le saxophoniste à jouer avec eux pour des collaborations éphémères de quelques mois, voire de quelques semaines.

Ces pianistes-là ont pour nom : Tadd Dameron (l’auteur de Soultrane), Elmo Hope, un pianiste au toucher délicat, Tommy Flanagan, le fidèle accompagnateur d’Ella Fitzgerald, qui devait immortaliser – non sans mal – le redoutable standard bien connu des pianistes de jazz : Giant Steps.

Citons aussi le hard bopper Cedar Walton, le pianiste Kenny Drew, à l’esthétique blues, le fougueux Cecil Taylor et George Russell, pianiste théoricien, chef d’orchestre et précurseur de l’utilisation des gammes modales, bien avant Bill Evans, et qui offrit au saxophoniste l’occasion de servir un superbe solo dans Manhattan, extrait de l’album New York, N.Y. (1958). N’oublions pas non plus Mal Waldron, pianiste au jeu expressif, qui contribua à dynamiser le jeu de Coltrane, le poussant même à jouer deux notes à la fois sur son sax ténor !

© Dave Brinkman - John Coltrane recevant un prix 'Edison Award' pour son album Giant Steps (Amsterdam, le 20 novembre 1961)


LES INCONTOURNABLES

Puis, il y a les autres. Ce que l’histoire a retenu pour service rendu…

D’abord, le délicat Bill Evans, celui qui harmonisa de sa lumière bien des mélodies. On retiendra notamment son passage chez Miles Davis, le temps d’enregistrer Kind of Blue en 1959 avec un Coltrane qui faisait tout ce qu’il pouvait pour se retenir face au nerveux Cannonball Adderley. Ensuite Red Garland, qui précéda Bill Evans dans le quintette de Miles, et qui offrit à Coltrane un environnement sonore parsemé de « block chords ».

De cette liste émerge aussi quelques noms pour le moins inattendu, à commencer par Duke Ellington. Partout où le « Duke » agissait, quel que soit le contexte, avec son grand orchestre, en petite formation ou en duo, le respect allait de soi. Coltrane le considérait comme la ‘figure de proue’ du jazz, au point de s’exclamer sur sa rencontre avec l’illustre personnage : « J’étais mort de peur ! »

Autre personnage atypique de ces rencontres pianistiques, Thelonious Monk. Coltrane et Monk jouèrent durant une vingtaine de semaines en 1957 au 'Five Spot', un club de jazz situé à New York. Entre Monk et Coltrane, un monde les séparait. Pourtant, Coltrane sera reconnaissant d’avoir pu jouer avec ce maître du piano bop : « Jouer avec Monk m’a amené à un très haut niveau musical. Avec lui j’ai progressé dans toutes les directions : sensiblement ; théoriquement et techniquement. Il m’a donné une liberté absolue. »


JOHN COLTRANE : NAIMA (1964)

La grande référence arrive avec McCoy Tyner. Durant cinq années, de 1960 à 1965, avec Jimmy Garrison à la contrebasse et Elvin Jones à la batterie, le pianiste va permettre au saxophoniste d’asseoir pour la première (et unique) fois de sa carrière un quartette qui sera d'une grande stabilité. Le jeu percussif, les ostinatos comme les accords en tension survolent alors le discours de Tyner au piano, partageant avec son leader la même flamme, le même esprit d’aventure.

Mais à la fin de 1965, Coltrane, une fois de plus, n’a qu’un désir : s’échapper encore et toujours. Aux confins du free-jazz, ses improvisations s'éternisent et poursuivent les traces laissées quelques années plus tôt par quelques défricheurs, Ornette Coleman et Don Cherry pour ne citer qu'eux.

Détail de la pochette du disque 'Ballads' (1962)


L’APRÈS TYNER

Tyner n’étant plus là, c’est Alice McLead, future Alice Coltrane, qui prend le contrôle de l’instrument délaissé, mais avec un talent qui fera regretter amèrement la présence de Tyner. La pianiste, livré à elle-même, ne devait jamais sortir le « grand jeu », ne délivrant que des accords surchargés en pure perte. La seule excuse à lui accorder sera d’avoir suivi son mari sur sa voie mystique jusqu’à la fin.

L’enregistrement du Live At The Village Vanguard Again!, en mai 1966, qui comprend deux titres réputés du répertoire de Coltrane : My Favorite Things et Naima, seront aux encablures du précédent quartette. Coltrane, se sachant condamné, eu juste le temps de mettre au point les derniers détails de son album posthume, Expression. Trois jours plus tard, le 17 juillet 1967, il décédait d’un cancer dû à une infection aiguë du foie.

Par Elian Jougla (Cadence Info - 08/2020)


JOHN COLTRANE : MY FAVORITE THINGS (1961)

À ÉCOUTER

  • Elmo Hope : Informal Jazz (1956 - Prestige)
  • Tadd Dameron : Mating Call (1956 –Prestige)
  • Kenny Drew : Camber’s Music (1956 – Fresh Sound)
  • Tommy Flanagan : The Cats (1957 – Prestige)
  • Red Garland : All Mornong Long (1957 – Prestige)
  • Mal Waldron : Mal 2 (1957 – Prestige)
  • Thelonious Monk : Thelonious Himself (1957 – Riverside)
  • Bill Evans : Miles (1958 – Columbia)
  • George Russell : New York, N.T. (1958 – Decca)
  • Cecil Taylor : Driving Jazz (1958 – Blue Note)
  • Duke Ellington : Duke Ellington & John Coltrane (1962 – Impulse!)
  • McCoy Tyner : Featuring My Favorite Things (1963 – Impulse!)
  • McCoy Tyner : A Love Suprme (1964 – Impulse!)
  • Alice Coltrane : Expression (1967 – Impulse!)

À CONSULTER

JOHN COLTRANE, LE SOUFFLE MYSTIQUE DU JAZZ

John Coltrane servira de relais entre le langage inauguré par Charlie Parker et la nouvelle liberté baptisée 'Free Jazz'. Auprès de Miles Davis, son lyrisme s'échappa un jour. De cette rupture, le free donnera un sens spécial à sa vie et à son œuvre.


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