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MUSIQUE & SOCIÉTÉ

LA CRÉATION MUSICALE SOUS VICHY

En complément de deux articles parus et concernant les visages de la musique à l'époque du IIIe Reich ( La chanson française sous l’occupation et La musique jazz sous le IIIe Reich), il manquait un sujet qui aborde la création musicale classique sous Vichy.


CES COMPOSITEURS QUI NE PORTAIENT PAS DE MUSELIÈRE

Durant l'Occupation, Vichy musela l'avant-garde, bannit les juifs et encouragea une création rétrograde. Mais des musiciens résistaient en sourdine… « Dans le domaine musical, ces messieurs verts ont été moins atroces que pour les écrivains et, relativement, on a fait ce qu'on a voulu », reconnaîtra Francis Poulenc, dans une lettre de janvier 1945. Le compositeur des Animaux modèles est l'un des artistes qui a traversé avec une droiture exemplaire les années sombres de l'Occupation. Souvent retiré dans sa propriété de Touraine, il adhère très tôt au "Front national de la musique", l'un des comités clandestins du mouvement de résistance lancé, en mai 1941, par le Parti communiste. La section musicale a été fondée par un ancien membre du groupe des Six, le compositeur Louis Durey, sa consœur Elsa Baraine, ancien Prix de Rome, et le chef d'orchestre Roger Désormière, auréolé du prestige de son enregistrement du Pelléas et Mélisande de Debussy, en 1941, avec l'équipe de l'Opéra-Comique.

Leurs consignes étaient nettes : pas de contribution aux émissions musicales de Radio Paris, contrôlée par l'occupant, ni de participation aux manifestations officielles de rapprochement des musiques françaises et germaniques, comme celles que l'Institut allemand et l'ambassadeur de Berlin à Paris, Otto Abetz, aimaient à programmer. Le métier - et le gagne-pain - d'un compositeur n'en est pas moins de... composer, avec l'ambiguïté que ce verbe revêt dans la langue française : créer, mais aussi s'arranger avec, s'accommoder. Installé dans le Midi, Georges Auric, pour ne pas dépendre des subsides officiels, n'écrira que des musiques de films - notamment L'Éternel Retour, tourné en 1943 par Jean Delannoy.


QUAND LE GOUVERNEMENT DE VICHY ENCOURAGEA LA CRÉATION

Poursuivant une politique inaugurée par le Front populaire, le gouvernement de Vichy, pour encourager la création, passe de nombreuses commandes, comme il soutient l'activité éditoriale et discographique, favorise la pratique du chant choral et l'écoute de concerts (les "Jeunesses musicales de France" sont créées en 1942 par René Nicoly).

Officiellement, aucune contrainte esthétique n'est imposée, sauf le critère racial : aucun musicien juif ne peut figurer à l'affiche d'un concert - Darius Milhaud, qui s'est exilé aux États-Unis dès 1940, en est victime. Les commandes de l'État bénéficient néanmoins aux compositeurs les plus académiques, les plus favorables aux idéaux rétrogrades de la « révolution nationale ». D'où, via le haut-commissaire à la musique - Alfred Cortot, pianiste aussi actif que zélé pétainiste -, une affligeante floraison de ballets et d'opéras-comiques (promus genre français par excellence), inspirés du folklore et des vieilles légendes du terroir. À l'exemple du Rossignol de Saint-Malo, de Paul Le Flem.

Le compositeur le plus fêté pendant l'Occupation est le Suisse Arthur Honegger, qui a imprudemment accepté un voyage officiel à Vienne en l'honneur du cent cinquantième anniversaire de la mort de Mozart. En 1942, pour saluer ses 50 ans, ses œuvres bénéficient d'une semaine de concerts, notamment sa Jeanne d'Arc au bûcher, mystère lyrique créé en 1938, qui retrouve une actualité dans la mythologie maréchaliste.

En revanche, Olivier Messiaen, jugé trop avant-gardiste, ne reçoit aucune commande à son retour de captivité, en 1941, alors qu'il est de règle d'en passer une à la libération de tout musicien fait prisonnier. Grâce au directeur du Conservatoire de Paris, l'auteur du Quatuor pour la fin du temps se voit attribuer une classe d'harmonie, rue de Madrid, où se forme une jeune génération de compositeurs, Pierre Boulez en tête, qui, dès la Libération, fera table rase de cet interlude peu reluisant de la création musicale.

Par G. Macassar

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(Cadence Info - 07/2016)


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