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CLASSIQUE / TRADITIONNEL


LE DODÉCAPHONISME, SES RÈGLES ET USAGES EN MUSIQUE

La musique dodécaphonique est apparue après une période d’atonalité libre pour contrecarrer les règles du système tonal. Cette période de libération complète ne pouvait être que de courte durée, car elle aurait ouvert la voie à l’anarchie et au chaos.


ORIGINE DE LA MUSIQUE DODÉCAPHONIQUE

Le dodécaphonisme n’a rien d’arbitraire, mais possède plutôt une forme logique. On dit avec raison qu’Arnold Schönberg ne l’a pas inventé, mais trouvé. En effet, il ne l’a pas trouvée seul. Josef Matthias Hauer, Jefim Golyscheff et Edgard Varèse ont aussi découvert à peu près à la même époque cette nouvelle technique.

À la vérité, la musique dodécaphonique a acquis sa réputation quasiment uniquement grâce à Schönberg. La composition d’après la technique dodécaphonique commence par l’ordonnancement du matériau. Les douze demi-tons s’ordonnent en une suite réinventée pour chaque composition. Il en résulte une série (on peut en créer 479.001.600 à partir de douze notes). La série peut être utilisée en renversement, en mouvement rétrograde et en mouvement rétrograde d’inversion (ou inversion sur un mouvement rétrograde). Il existe pour chaque série quatre formes fondamentales.

La règle principale de la musique dodécaphonique est la suivante : toutes les notes doivent être jouées avant que la série puisse recommencer par la première note. Il est nécessaire d’observer cette règle de base, car lors de la répétition anticipée d’une note ou en supprimant quelques notes, un centre tonal pourrait émerger. Mais la musique dodécaphonique se veut atonale. La construction rythmique est totalement libre. Par elle, la série dispose d’une figure constamment changeante.

Par exemple, l’écoute du 42e concerto pour piano permet d’appréhender l’univers dodécaphonique avec ses envolées lyriques rompues et ses rythmes brisés. L’oreille ne peut s’installer dans un quelconque décor sonore pour se poser. Ici, tout est en suspension. De courts tableaux sonores tantôt calmes, tantôt agressifs se succèdent à un train d’enfer ! Pour apprécier cette musique, il ne faut pas suivre un quelconque chemin sonore, mais se laisser emporter par l’atmosphère étrange qui s’en dégage.


ARNOLD SCHOENBERG : PIANO CONCERTO OP.42

Par ailleurs, la série peut être transposée sur les onze autres degrés. Elle peut être employée mélodiquement ou harmoniquement. L’harmonie résulte donc de la série. Succession ou jeu parallèle, tout est lié à la série, tout part d’elle.

La musique écrite selon la technique dodécaphonique est finalement une incessante variation de la série. Les possibilités de réarranger la série sont quasiment illimitées. Schönberg utilisait cette nouvelle technique depuis 1923 environ. Ses élèves Alban Berg et Anton Webern l’ont suivi.


ÉVOLUTION DODÉCAPHONIQUE

Le dodécaphonisme est resté relativement inconnu jusqu’à la deuxième guerre mondiale. Dans l’embarras connu après des années de destruction, cette musique est apparue comme riche de promesses. Des mouvances dodécaphonistes ont vu le jour dans tous les pays. Wolfgang Fortner s’y est rattaché en Allemagne, Luigi Dallapicola en Italie, René Leibowitz en France.

La pensée dodécaphonique a été si puissante qu’en fin de compte presque tous les compositeurs modernes ont dû s’y pencher, même Stravinski. Mais son application n’est pas devenue stricte en tous lieux. En effet, elle tolère un nombre croissant d’exceptions. Par exemple, Dallapicola s’adonne à la cantabilité italienne même s’il se sert de la dodécaphonie. On a aussi composé tonalement en dodécaphonie. Ainsi, cette technique permet l’individualisation de son application.

De nombreuses contestations se sont soulevées contre le dodécaphonisme. La plus sérieuse est venue de nul autre que Theodor W. Adorno, un disciple passionné du compositeur. Mais la musique dodécaphonique a fait front à toutes les attaques. Elle répondait visiblement aux données de son temps, même si elle n’est pas toujours employée avec la rigueur orthodoxe du début. Aujourd’hui, on ne peut plus guère parler strictement de musique dodécaphonique.

par Patrick Martial (Cadence Info - 12/2010)

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