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MUSIQUE & SOCIÉTÉ


LES CONCERTS À GRAND SPECTACLE D'HIER À AUJOURD'HUI

Les spectacles musicaux d’hier, très cadrés et très conventionnels, laissent aujourd’hui parler la technologie dans de vastes espaces. Face à des shows démesurés où seuls comptent les effets spéciaux, les jeux de lumières grandioses et des décors pharaoniques, le ressort musical devient accessoire. Dénommé « XXL » dans le milieu artistique, ce genre de spectacle directement inspiré par les tournées américaines des grands groupes de rock n’a eu de cesse d’évoluer et de se transformer…


VOUS AVEZ DIT « XXL » ?

Le show « XXL » est un spectacle qui se déroule dans de vastes salles ou en plein air et qui rassemble plusieurs milliers de personnes. L’encadrement de ses shows demande un important travail en amont, une technologie de pointe, et surtout des moyens financiers très importants qui se comptent généralement à travers les semi-remorques qui accompagnent le spectacle sur les routes.

Quand les moyens financiers sont là, on peut imaginer et déployer différents scénarios sur scène : fabriquer des décors somptueux, produire un feu d’artifice, inviter des ami(e)s de l’artiste à venir sur scène pour créer la surprise et renforcer l'émotion, avoir davantage de musiciens, voire un grand orchestre de plus de 40 musiciens. Dans le cadre d’un show XXL, le chanteur qui se présenterait seul, la poursuite braquée sur lui, et s’accompagnant d’un piano ou d’une guitare n’aurait aucun sens. Le public attend autre chose. Il attend l’émerveillement. La qualité artistique, le charisme, ne suffisent pas si le « tour de chant » n’est pas accompagné d’une vision exceptionnelle.


LES PREMIERS SIGNAUX EN FRANCE

L’arrivée des cheveux longs conjointement associés à une amplification toujours plus puissante donne déjà une première indication des spectacles à venir. En 1964, la Beatlemania est le premier témoignage des shows à grande échelle. Une véritable révolution dans le monde du spectacle. Les salles de 500 personnes passent la barre des 2 000 personnes. L’Amérique montre la voix et la France ne tarde pas à être aspirée à son tour par cette première révolution scènique.

Dans la France des années 60, le music-hall est encore très présent. Avant le tour de chant de la grande vedette, les spectateurs ont droit à des premières parties. La vedette anglaise ou américaine, chère à l’Olympia, permet à un quasi inconnu d’avoir la chance d’exprimer son talent devant un public nombreux. Pour l’artiste, ce court passage est déjà une reconnaissance de la profession, même si son nom s’écrit en tout petit au bas de l’affiche. Mais aujourd'hui, cet assortiment de numéros qui permettait de découvrir des chanteurs, des imitateurs ou des artistes de cirque appartient au passé. La raison directe de ce désœuvrement est liée au coût technique, mais également à cause du public qui boudait de plus en plus ce genre de spectacle fourre-tout. Progressivement, la première partie suivra le même chemin que le cinéma en étant tout simplement supprimée. L’artiste vedette deviendra alors la seule personne à assumer l’ensemble de la soirée.


L’OLYMPIA

En France, l’Olympia reste la référence. C’est le lieu magique où les artistes rêvent de passer. On ne compte plus le nombre de spectacles qui a donné lieu à des éditions discographiques et à des vidéos. Jusqu’aux années 70, l’Olympia était la seule salle française capable de rassembler toute la grosse artillerie internationale du show-business.

En 1993, le lieu est classé au ‘Patrimoine culturel français’. Quatre ans plus tard, un lifting est réalisé en respectant l’élégance des anciens décors ; une rénovation attendue, mais qui n’a en rien altéré son côté magique et attractif. Les artistes rêvent toujours de « faire l’Olympia ». Ce n’est pas le stade de France ou Bercy, mais dans une carrière d’artiste, la salle mythique occupe une place à part. Personne n’a oublié qu’une grande partie de l’histoire de la musique du 20e siècle s’est déroulée dans ses murs.

L’Olympia est encore à taille humaine avec ses 1 800 places, tout comme le Casino de Paris, mais qu’en est-il du Palais des Sports avec ses 4 500 places ? Robert Hossein envahira le lieu en 1975 en proposant Potemkine, un premier show taillé XXL et répondant aux désirs du metteur en scène : la présence d’un nombre important d’artistes, des décors imposants et une scène suffisamment vaste pour que chaque théâtre parisien culpabilise de leur étroitesse.

L’arrivée du spectacle « Made in Robert Hossein » modifie en profondeur le visage du spectacle. Dès lors, le mot « grand spectacle » devient une réalité. Œuvre humaniste, interaction avec le public, fresque épique ou biblique, décors somptueux seront les ingrédients servant les objectifs de Robert Hossein.


QUAND LE SPECTACLE VOIT EN GRAND

Voyant que ce genre de spectacle séduit, des entrepreneurs et producteurs, à l’instar de Jean-Claude Camus ou Gilbert Coullier, s’engouffrent dans la brèche. La dynamique de ses agents du spectacle, alliée à des créateurs féconds capables de réaliser des shows grand format, va accélérer le désir de construire des salles contenant plus de 5 000 personnes. Un premier Zénith voit le jour en 1983 au Parc de la Villette. Si l’obédience est tout d’abord destinée au rock, les acteurs de la chanson française vont à leur tour trouver, dans ce vaste espace, une façon toute nouvelle de reformuler la définition du show sur scène. Le spectacle ne se déshumanise pas, mais devient une culture de masse.

Petit à petit, de nouveaux Zénith voient le jour un peu partout en France. Tout autour du spectacle s’installe un merchandising de plus en plus efficace. Le grand show pactise avec la démesure quand, en 1984, la salle de Bercy et ses 17 000 places invite le groupe Scorpion. Dès lors, le show propose son art façonné à l’américaine avec un maximum d’effets, un déluge de décibels, un véritable théâtre de l’émotion qui séduit un jeune public. La salle de Bercy deviendra en peu de temps un domaine taillé pour la musique, mais ouvert aussi à d'autres formules comme le sport ou la politique ; un véritable couteau-suisse capable de renouveler la stratégie du spectacle.


LES SHOWS « XXL » À LA FRANÇAISE

Les infrastructures « XXL », en étant implantées sur le territoire, conduisent les créateurs de spectacle à expérimenter avec succès un genre qui était impensable hier, la comédie musicale. Dès 1998, Notre Dame de Paris reçoit un triomphe. Ce sera le début d’une longe lignée de chansons théâtralisées avec parfois des réussites (Les dix commandements, Roméo et Juliette) mais aussi avec des flops (Les Mille et Une Vies d'Ali Baba, Cindy).

Si au début des années 2000, le show à la française trouve un chemin triomphant grâce à la comédie musicale, des artistes français sont déjà en mesure de remplir les grandes salles hexagonales et même au-delà. Jean-Michel Jarre sera le premier à sortir du « cadre exigu » des grandes salles de spectacle pour offrir ses shows gigantesques en plein air (Houston, La Défense, La muraille de Chine, Pékin, Moscou…). Le pionnier français de la musique électro à l’intelligence de réaliser admirablement l’adéquation parfaite entre sa musique et la dimension scénique qui doit la porter.

Le show devient laser et les images fusent et s’imprègnent des décors environnants. Jarre donne au mot « spectacle » son sens premier. Sa musique, il la garantit par une mise en scène étudiée dans les moindres détails, si bien que les acteurs de l’électro, dont de nombreux DJ, comprenant toute l’importance croissante du genre, chercheront à bâtir à leur tour des spectacles « sons et lumières » bardés de techniques pointues.

Années 80 : Mylène Farmer est la reine des clips. Années 90 : la chanteuse s’impose sur scène comme jamais. Farmer dévoile à ses fans un autre de ses visages construit autour d’une « com » efficace. Sur scène, elle occupe l’espace, allant de droite à gauche avec le micro-casque HF sur la tête (1) ; une liberté des mouvements qu’elle exploite habilement et qui rompt avec l’image de ses clips. Sur scène, tandis que le public a droit à quelques décors surdimensionnés (fontaines d’eau, bouddha géant…), la chanteuse s'esquive pour revenir dans une autre tenue en un temps record. Que l’on aime ou pas ses chansons, il faut reconnaître le professionnalisme du show, le moteur bien huilé qui tourne à plein régime pendant près de deux heures et qui n’ignore rien des dernières avancées technologiques.

1 - Aujourd’hui, cela n’étonne plus personne, mais il fut un temps où les premiers micros sans fil laissaient penser qu’il s’agissait de playback. Le public criait alors au scandale tandis que la presse s’en faisait l’écho.

Enfin, il reste Johnny Hallyday qui est l’incarnation du méga show à la française. Un spectacle à lui tout seul, bien éloigné de l’image de jeune-homme des débuts. Quand il pénètre sur scène, le chanteur a déjà derrière lui un palmarès qui donne le vertige : plus de 180 tournées, plus de 30 millions de spectateurs venus l’applaudir. Nul doute, l’artiste sait « allumer le feu » quand il le faut. Johnny a tout pensé : le feu d’artifice, les fumigènes, les entrées de scène à moto ou dans les airs ; le chanteur poussant même l’audace à ce que certaines de ses chansons soient spécialement écrites pour ses shows.

Comme pour la quasi-totalité des artistes, Hallyday favorise l’aspect visuel en fonction de la superficie du lieu. Chaque entrée de l'artiste est dotée de véritables mises en scène très étudiées, originales et inattendues, parfois très proche du cinéma comme celle du Stade de France en 2009. Tout comme Mylène Farmer, ce n’est pas tant la musique que l’on vient écouter ou les chorégraphies que l’on vient voir, mais la vedette que l'on tente d'approcher. À l'heure des selfies, communier entre fans l’instant magique devient essentiel et raconter des années plus tard : « J’y étais ! », un parfait alibi pour l'histoire.



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