'LAWRENCE D'ARABIE', UN FILM D'AVENTURE AU CŒUR DU DÉSERT JORDANIEN
En 1962, Maurice Jarre a déjà signé quelques musiques des films prometteuses : Les yeux sans visage, Le président et Le jour le plus long. Cette année-là, le collaborateur de Georges Franju signe la BO Les Dimanches de Ville d'Avray de Serge Bourguignon ; un film vaguement inspiré par le cinéma japonais et d’une portée mélodramatique qui lui permit de remporter la 'Mostra de Venise' et l’Oscar du meilleur film étranger en 1963. La musique discrète et épurée qui accompagnait le film de Serge Bourguignon intrigua tout particulièrement le réalisateur David Lean et le producteur Sam Spiegel…
Le film Lawrence d’Arabie, adapté du roman de Thomas Edward Elliott, Les 7 Piliers de Sagesse, est une fresque cinématographique librement inspirée de la vie de Thomas Edward Lawrence, surnommé « Lawrence d’Arabie ». L’action se déroule durant la Première Guerre mondiale. Lawrence d'Arabie - incarné à l’écran par Peter O’Toole – est un officier anglais de liaison dont la principale mission est de conseiller aux Arabes du chérif Fayçal Hussein de se révolter contre les Turcs de l'Empire ottoman afin de fonder une nation arabe indépendante.
Malgré les 40 heures de rushes filmées dans le désert jordanien, rien n’est encore définitivement arrêté concernant la musique. David Lean, aussi soucieux de soigner l’image qu’il a d’exigence concernant la musique, songera un temps à faire appel à l’anglais William « Turner » Walton, puis au vétéran Malcolm Arnold, célèbre compositeur de la musique du Pont de la rivière Kwai, avant de proposer à Maurice Jarre de s’en charger. Pour le compositeur français, c’est une véritable aubaine, d’autant que le chef d’orchestre Benjamin Britten et le compositeur russe Aram Khatchaturian, également pressentis, déclineront à leur tour l’invitation.
Jarre tente l’impossible, sachant qu’on lui accorde seulement 6 semaines pour signer la BO du film. Le visionnage des rusches illustre parfaitement le désert, les étendues sableuses de la Jordanie, une véritable vision lyrique chargée d’émotion. C’est le déclic. À Londres, à des kilomètres de ces images enchanteresses, Maurice Jarre se sent comme transporté. L’inspiration est là, son imaginaire s’adaptant déjà au cinéma contemplatif du réalisateur anglais.
LA MUSIQUE DE 'LAWRENCE D'ARABIE'
De son parcours réalisé en France, Jarre a conservé en mémoire son apprentissage des musiques concrètes d’Olivier Messiaen et de Pierre Schaeffer, tout comme celle des musiques arabes qu’il a étudiées au Conservatoire National de Musique à Paris. De sa féconde créativité, le compositeur ne tarde pas à démontrer aussi son habileté à peindre les vastes paysages désertiques à grand renfort d’envolées orchestrales. L’âme voyageuse est là, et si l’on retient de la BO son thème principal, mélodique à souhait et devenu culte pour tout amateur de musique de films, Jarre a surtout pensé à diversifier les orchestrations tout au long de la BO, passant chaque thème à travers quelques filtres instrumentaux rigoureusement sélectionnés : timbales et joujoukas dans Overture, ondes Martenot dans Sinaï desert ou plus classiquement en utilisant des cuivres de fanfare dans la marche militaire de The Voice of the guns.
L’esthétique classique portée par les cordes du London philharmonic Orchestra dans laquelle se mêle un orientalisme mesuré donne à cette BO une certaine majesté. Face aux images, le spectateur est happé par cette oasis orchestrale où interviennent des cuivres dominateurs, des timbales, des harmonies arabisantes et une mélodie conquérante.
MAURICE JARRE : LAWRENCE D’ARABIE (SUITE)
Les vastes étendues désertiques superbement filmées par David Lean et les aventures épiques de ce lieutenant britannique conquis par les us et coutumes des bédouins apportent à ce film fleuve de près de quatre heures, une dimension à la fois onirique et historique. Le décor musical est certes symphonique, toutefois Maurice Jarre apporte quelques nuances dans son discours. Son utilisation parcimonieuse d’instruments parfois inusités comme la cithare ou les ondes Martenot apportent à sa musique un relief particulier, à contre-courant de l’esthétisme musical hollywoodien d’alors. Pour autant, le compositeur n'a pu éviter quelques poncifs en s’appuyant sur des mélodies arabisantes de circonstance.
© MGM
Outre Lawrence d’Arabie pour lequel le compositeur français a reçu son premier Oscar en 1963, sa filmographie témoigne de son aura dans le 7e art. Citons : Le jour le plus long (1962), Le Train de John Frankenheimer (1964), Le Docteur Jivago de David Lean (1965), Paris brûle-t-il ? de René Clement (1966), L’étau d’Alfred Hitchcock (1969), Les Damnés de Luchino Visconti (1969), Jésus de Nazareth de Franco Zeffirelli (1977), Shogun de Jerry London (1980), Le Lion du désert de Moustapha Akkad (1981), Witness de Peter Weir (1985), Gorilles dans la brume de Michael Apted (1988) ou encore Le Cercle des poètes disparus de Peter Weir (1989) et Ghost de Jerry Zucker (1990).
Par Elian Jougla (Cadence Info - 11/2019)
Lawrence d'Arabie, d'après le roman de Thomas Edward Elliott, Les 7 Piliers de Sagesse
Réalisation : David Lean
Année : 1962 - Grande-Bretagne
Musique Maurice Jarre
Durée du film : 216 minutes (première version cinématographique)
Principaux acteurs : Peter O'Toole (T. E. Lawrence), Omar Sharif (Sherif Ali Ibn el Kharish), Alec Guiness (Prince Feisel), Anthony Quinn (Auda Abu Tayi) et Anthony Quayle (Colonel Brighton)
LES THÈMES DE LA BO 'LAWRENCE D’ARABIE'
- 01. Overture (4:14)
- 02. Main Title (1:54)
- 03. Miracle (3:08)
- 04. Nefud Mirage (2:20)
- 05. Rescue of Gasim & Bringing Gasim into camp (5:46)
- 06. Arrival at Auda's camp (2:01)
- 07. The Voice of the guns (1:58)
- 08. Continuation of the Miracle (2:13)
- 09. Suns Anvil (3:04)
- 10. Lawrence & body guard (2:04)
- 11. That is the Desert (2:51)
- 12. End Title (1:05)
À CONSULTER
MAURICE JARRE, PORTRAIT DU COMPOSITEUR
'BANDES ORIGINALES', LA MUSIQUE DE FILMS VUE À TRAVERS SES PÉRIPÉTIES (LIVRE)
Écrit par Thierry Jousse, le livre 'Bandes Originales - B.O. ! Une histoire illustrée de la musique au cinéma' - aborde de long en large l'histoire de la musique de films à travers ses paradoxes, ses réussites et ses difficultés. Cet ouvrage de près de 300 pages s'accompagne de portraits de compositeurs français et internationaux, ainsi que de précieux documents photographiques.
MAX STEINER : 'AUTANT EN EMPORTE LE VENT' ET SA MUSIQUE
Produit par David O. Selznick et réalisé par Victor Fleming, le film aux dix oscars 'Gone with the wind' (Autant en emporte le vent) est servi, concernant sa musique, par Max Steiner, un talentueux compositeur à qui l'on doit entre autres la musique du film 'King Kong'.
ALEX NORTH ET SPARTACUS
Le compositeur Alex North est choisi par les producteurs bien avant l’arrivée de Kubrick. Le metteur en scène qui émet des réserves sur sa présence devra faire avec…