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MUSIQUE DE FILMS

MAX STEINER : 'AUTANT EN EMPORTE LE VENT' ET SA MUSIQUE

Travaillant pour le cinéma hollywoodien dès le début des années 30, Max Steiner avait un certain don pour émouvoir le public avec ses belles mélodies. En 1939, le célèbre producteur David O. Selznick allait faire appel à ses services pour illustrer l’adaptation du roman de Margaret Mitchell, Gone with the wind (Autant en emporte le vent).


L’HISTOIRE DE LA BO ‘GONE WITH THE WIND’

© doctormacro.com (source wikipedia) - L'affiche originale du film 'Gone with the wind'.

À l’aube de l’histoire des films hollywoodiens, il n’y avait pas que les acteurs et actrices à signer des contrats d’exclusivité, les compositeurs devaient également avoir l’accord pour travailler avec d’autres studios. Ils devaient être « prêtés ». Le compositeur Max Steiner n’échappera pas à cette "règle tacite". Le manque de liberté et d’autonomie, tout comme le refus de lui accorder une augmentation de salaire, allait précipiter son départ de la RKO pour laquelle il travaillait depuis 7 ans. Cette séparation avait été encouragée par son désir de travailler avec David O. Selznick et son offre alléchante : la réalisation de la musique d'un film qui allait devenir « the greatest screen epic of all times » (la plus grande épopée sur écran de tous les temps).

Adapté d'un roman-fleuve écrit par Margaret Mitchell, 'Gone with the wind' (Autant en emporte le vent) décrit à travers ses quatre principaux personnages, Scarlett O’Hara (Vivien Leigh), Mélanie Hamilton (Olivia de Havilland), Ashley Wilkes (Leslie Howard) et Rhett Butler (Clark Gable), une histoire d’amour tragique semée de rivalités et de rebondissements avec en toile de fond la guerre de Sécession et la fin de la « société sudiste. » (1)

Pour ce chef-d’œuvre, qui demeure encore aujourd’hui l’une des grandes références des films épiques hollywoodiens, Max Steiner se dépense sans compter. Contrairement à ses autres confrères, le compositeur souhaite écrire la musique une fois le film achevé pour préserver, selon lui, sa musique d'être trop décorative. À ses yeux, il était important qu'une musique de film soit remarquée ; un avis que le producteur indépendant et visionnaire O. Selznick partageait.

Pour la réalisation de la musique, de grosses sommes sont engagées et O. Selznick lui confie la lourde tâche d’écrire et d’orchestrer le film. Pour le producteur, cette marque de confiance ne souffre d’aucunes ambiguïtés : « Je ne vois pas de meilleur moyen de dépenser plusieurs milliers de dollars pour améliorer le film que d'avoir un score adéquat et mon opinion est : qu'il n'y a personne dans ce domaine qui arrive à la cheville de Max Steiner. » O. Selznick venait d'officialiser en une phrase toute l'admiration qu'il porte au compositeur, alors que le film n'est encore qu'au stade du projet.

À sa sortie, la sortie du film Gone with the wind sera suspecté d'avoir une vision révisionniste de l’histoire des États-Unis.


MAIN TITLE (le thème de Tara, ouverture)
orchestre dirigé par Max Steiner (Original Motion Picture Soundtrack)

Trois mois sont nécessaires à Max Steiner pour écrire la musique de ce film fleuve, alors qu'il travaille en parallèle sur la musique de deux autres longs métrages, Four Wives (Quatre jeunes femmes) et We are not alone (Nous ne sommes pas seuls). La tâche est difficile, d'autant que la pression exercée par O. Selznick n’est pas une simple vue de l'esprit. Le producteur est d'une grande exigence et gare à celui ou celle qui ne partage pas ses points de vue. L’histoire de Hollywood se souvient encore de ses colères et de ses comportements tyranniques. Il n'était pas rare qu'il mette à la porte les acteurs et les réalisateurs. Max Steiner en avait conscience, de même que ses collaborateurs. Il savait que jusqu'à l’ultime clap de fin, il pouvait intervenir pour modifier les détails les plus infimes.

Pour Autant en emporte le vent, le score écrit et enregistré par Steiner atteint plus de trois heures, pas autant que les 243 minutes du film, mais d'une durée suffisante pour inonder presque toutes les images de sa présence. Steiner dépeint avec tact les divers personnages du film ; des personnages qui sont ici contraires aux héros immortalisés par les films populaires d'alors. Sa musique est somptueuse et la marque de fabrique essentiellement symphonique. La mise en situation de chaque personnage est décrite par un thème qui s'y rapporte.

À sa sortie, le public retiendra surtout le thème de Tara, la plantation du clan O'Hara, qui sert à la fois d’ouverture et de conclusion au film. On retrouve d'ailleurs ce même procédé dans de nombreux films hollywoodiens, parfois même à l'excès en habillant de différentes façons un même thème, ceci dans l'intention de capturer l'attention du spectateur dans des scènes clés.

Avec ses dix oscars, le film 'Autant en emporte le vent' confirme un tournant dans l'histoire et l'essor du cinéma américain. Par sa puissance dominatrice et le déploiement de ses moyens financiers, le film de Victor Flemming prolonge parfaitement l’idée de la superproduction, du cinéma à grand spectacle, quand d’autres, comme le cinéma français, trouvait sa réponse dans l’intimité et la psychologie de ses personnages. Toutefois, si Autant en emporte le vent a écrasé la concurrence, c'est la musique signée Herbet Stothart pour le film Le Magicien d'Oz qui remportera, en 1940, la meilleure musique originale.


THE O'HARA FIMILY
orchestre dirigé par Max Steiner (Original Motion Picture Soundtrack)

MAX STEINER, UN COMPOSITEUR PRÉCURSEUR

Quand le compositeur viennois Max Steiner écrit ses premières musiques de films, le cinéma vient juste de devenir « parlant ». Ce changement n'ira pas sans poser quelques problèmes. Les spectateurs sont tellement habitués à voir jouer un orchestre ou un pianiste lors de la projection, que souvent les producteurs renonçaient à intégrer la musique dans la bande son. Ils avaient peur que le public, tout juste remis d'entendre « parler l'écran », ne comprenne pas d’où pouvait venir la musique. Trouvant cette crainte absurde, Max Steiner est l'un des premiers à se révolter pour que la musique de film devienne, au même titre que les dialogues, partie prenante de la bande son. Grâce à son intervention, la musique cessait d'être un élément d'appoint placé en dehors du cadre de l'image.

© Movie studio et MGM (source wikipedia) - Deux scènes du film 'Autant en emporte le vent' : à droite, Rhett Butler (Clark Gable) enlaçant Scarlett O’Hara (Vivien Leigh). À gauche Mélanie Hamilton (Olivia de Havilland) et Scarlett O’Hara (Vivien Leigh).

Max Steiner avait du tempérament et de l’expérience. Son génie n’attendra pas. En 1914, comme beaucoup d'autres gens en quête d'un nouvel Eldorado, il part aux États-Unis. Max Steiner a alors 26 ans et déjà quelques expériences, notamment dans les domaines de l’opérette et du théâtre. Sur le sol américain, son nom semble l'avoir précédé. Avant d’être engagé par la RKO, il rencontre et collabore avec ceux qui deviendront les étoiles de la comédie musicale de Broadway, les compositeurs Jerome Kern et George Gershwin, ainsi que le producteur de spectacle Florenz Ziegfeld.

Quand il entre aux services de la RKO, les premières musiques qu'il écrit innovent par leur dimension symphonique. Les scores de Max Steiner sont très travaillés, à l’image de Symphony of six million (L'âme du ghetto). Plus tard, en 1933, quand se présente le scénario du film Kong Kong, le résultat est époustouflant. Sa musique et sa prise de pouvoir sur l’image s'avèrent révolutionnaires. Son écriture est d’une conception toute nouvelle qui se détache du carcan théâtral pour coller aux scènes de la dramatique histoire de King Kong. Le compositeur enchaîne film sur film et, en 7 années de présence pour la RKO, il signera près de 70 films. Un record !


Par Elian Jougla (Cadence Info - 03/2022)

Max Steiner
Bande originale du film 'Autant en emporte le vent
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