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MUSIQUE DE FILMS

BIOGRAPHIE PORTRAIT DE MAX STEINER, COMPOSITEUR DE MUSIQUE DE FILMS

Compositeur incontournable dans l’histoire de la musique de films, Max Steiner fut l’un des premiers à lui donner ses lettres de noblesse. Outre la musique immortelle de Autant en emporte le vent, le nom de Max Steiner apparaît au générique de nombreux autres grands films hollywoodiens : Casablanca, King Kong, La charge de la brigade légère, Arsenic et vieilles dentelles ou encore L’intrigante de Saratoga et Le grand sommeil.


LE SON ET L’IMAGE

Quand la carrière de Max Steiner démarre au cinéma en 1929, le parlant n’en est qu’à son balbutiement. L’idée d’associer une bande son à l’image est reçue dans le milieu cinématographique comme un séisme, une onde de choc qui est à même de provoquer de multiples bouleversements dans la façon de filmer, de monter les séquences et de mettre en valeur le jeu des acteurs. Le preneur de son comprend que la première des difficultés à résoudre est celle d’avoir toujours à disposition des dialogues audibles. La transition du muet au parlant sera catastrophique pour les comédiens. Le son dévoilant sans ménagement tout manque d’élocution et d’assurance, un grand nombre de stars issues du muet renonceront à continuer et seront vite remplacées par de nouvelles étoiles montantes.

La musique qui, jusqu’alors occupait le moindre des silences, devait à présent cohabiter avec des dialogues et autres bruits ambiants. Personne ne songeait à supprimer la musique, car celle-ci pouvait toujours jouer un rôle majeur. Toujours est-il que certains producteurs et metteurs en scène, soucieux de ne pas avoir à dévaloriser le dialogue des acteurs, songeait déjà à placer la musique à l’arrière-plan, comme un accessoire de décoration. Certes, la musique peut être majestueuse, belle, imagée, mais dans le cadre du parlant et mal employée, elle devient rapidement envahissante au point de mettre en péril la portée d’un dialogue entre comédiens où en discréditant quelques bruits naturels lors d’une scène d’action.

Les producteurs hollywoodiens comprirent rapidement que la place de la musique dans le cinéma allait rapidement devenir un problème cornélien. Fini le temps du pianiste qui improvisait face à l’écran, fini l’orchestre qui accompagnait le film dans la salle, ce nouveau cinéma ne devait surtout pas faire regretter l’époque du muet. Cette modernité affichée mettait à l’épreuve tous les compositeurs qui se présentaient. Leur obligation était de produire une musique sophistiquée, mais suffisamment « cadenassée » pour ne pas trop déborder de l’image. C’était ça l’ambition musicale des grands studios hollywoodiens des années 30/40.

© filmmusicnotes.com - Max Steiner

Ce cinéma-là, grandiose et novateur, avait aussi une autre priorité, une mission éducative : faire oublier au spectateur l’absence systématique de musique du début à la fin du film. Le 7e art devait apprendre à rebondir dans de nouvelles directions. Au silence et aux intermèdes devait s’installer une musique adéquate, ni trop envahissante, ni trop surfaite. Sur cette route difficile, les compositeurs travaillant pour les studios apprenaient le plus souvent sur le tas. Par manque de préparation, de concertation avec la production, il arrivait parfois que des scores entiers soient rejetés.


MAX STEINER, L'UN DES MAITRES DE LA MUSIQUE HOLLYWOODIENNE

À l’époque du tournage de Autant en emporte le vent, à la fin des années 30, un compositeur viennois est pressenti. Il s’appelle Max Steiner. Le musicien a déjà fait ses preuves et montre un certain don quand il s'agit d'écrire de belles mélodies. Enfant, il a suivi des études musicales à la "Hochschule fuer Musik und Darstellende Kunst" de Vienne avant de consolider ses connaissances auprès de Gustav Mahler. Ses dispositions pour la composition se révèlent très tôt, dès l’adolescence (à l’âge de 14 ans, il écrira une première opérette).

Face à une Europe qui commence à se déchirer, Steiner quitte le Royaume-Uni en 1914 pour émigrer aux États-Unis comme son compatriote Erich Wolfgang Korngold. Le compositeur est d’abord actif au théâtre où ses talents de chef d’orchestre et d’orchestrateur font merveilles. À Broadway, il rencontre George Gershwin avec qui il collabore comme arrangeur. Il travaille également avec le compositeur de chansons Jerome Kern et se lie d’amitié avec le producteur de Broadway Florenz Ziegfeld. C’est la "RKO Radio Pictures" qui est la première société de production indépendante à se rapprocher du compositeur… De 1929 à 1936, Max Steiner signera soixante-dix scores pour cette compagnie.

En 1932, sa Symphony of Six Million innove et démontre par la même occasion que la musique ne doit pas être nécessairement le parent pauvre du cinéma. Les longues plages symphoniques qui occupent une grande partie du film s’intègrent pleinement à l’image sans oser se fourvoyer dans de quelconques futilités. Par la suite, le célèbre film dramatique et fantastique King Kong réalisé l'année suivante, lui donne enfin l’occasion de s’affranchir des codes stéréotypés hérités de la musique classique. Cette musique prenante, dramatique dans l’action, jamais sirupeuse, sert parfaitement l’image sans la dénaturer. Steiner vient d'inventer une norme qui fera école dans la musique de films. Avec Bernard Herrmann, Alfred Newman, Miklós Rózsa, Dimitri Tiomkin et Franz Waxman, le compositeur appartiendra au clan restreint de ceux qui ont joué un rôle majeur dans l'écriture de la musique des films d’avant-guerre et même d’après-guerre.


LOVE THEME du film LA CHARGE FANTASTIQUE (They Died With Their Boots On)

À l'intérieur d'une bande son n'évitant pas quelques clichés liés au genre (le western), on peut entendre cette superbe mélodie dont Max Steiner avait le secret.

AUTANT EN EMPORTE LE VENT

La toute jeune société américaine indépendante de production de films de cinéma "RKO Pictures" a, comme la "MGM" ou la "Warner Bros", beaucoup d’ambitions. Le tout nouveau cinéma parlant transporte dans ses bagages une multitude de scénarios mettant en scène de brillantes comédies, des aventures époustouflantes ou quelques fresques historiques et épiques. Max Steiner, qui réalise toute la portée de cette révolution artistique pour sa carrière, décide de quitter RKO pour des horizons plus offrant...

À cette époque, le producteur indépendant, visionnaire et tyrannique David O. Selznick a un projet pharaonique en tête : l’adaptation d’un roman-fleuve écrit par Margaret Mitchell sur la destinée d’un couple lors de la guerre de Sécession, Autant en emporte le vent (Gone with the wind). O. Selznick, qui veille à ce que son projet devienne « the greatest screen epic of all times » (la plus grande épopée à l'écran de tous les temps), rentre en contact avec Max Steiner pour lui en parler. O. Seklznick souhaite une musique flamboyante, tout à la fois classique dans la forme, mais avec des thèmes mélodiques assez forts pour que le spectateur en tombe amoureux dès leur première écoute.

Quand Max Steiner travaillait pour la RKO, le compositeur avait prit pour habitude de commencer à travailler sans avoir vu les rushes, mais avec Autant en emporte le vent Steiner opéra autrement en bouclant la musique bien après le tournage et le montage du film. Pour lui, face à cette tâche à accomplir, il était nécessaire d’avoir du recul, d'autant plus que si Steiner était vigilant, O. Selznick l’était encore plus !

Les deux hommes portaient un même regard sur le rôle joué par la musique à l’écran. Max Steiner fuyait la musique « décorative », celle que l’on qualifie aujourd’hui de « musique aux mètres ». Il préférait à cela une musique dans laquelle le discours émotionnel primait. « Certains disent qu’un bon score est celui qui ne s’entend pas, et moi, je me suis toujours demandé : à quoi sert-il, si on en le remarque pas ? », aimait à dire Max Steiner.

O. Selznick considérait Max Steiner comme le meilleur des compositeurs hollywoodiens de l’époque. Un éloge difficile à contester quand il émane d’un des plus grands producteurs de l’histoire du cinéma : Les chasses du comte Zaroff (1932), Les quatre filles du docteur March (1933), Le prisonnier de Zenda (1937), Une étoile est née (1937), Intermezzo (1939), Rebecca (1940), La maison du docteur Edwardes (1945) ou encore Le troisième homme (1949). Dans tous ces films, la musique a toujours une place de choix. Quelle soit signée Max Steiner, Victor Young ou par d’autres compositeurs rattachés à l’écurie « O. Selznick », elles ont toutes en commun d’être belle, sensuelle et profonde.

Steiner eut trois mois pour composer les différents thèmes de Autant en emporte le vent. Cette durée assez excessive s’explique par le fait que le compositeur travaillait également sur la musique de deux autres films We are not alone, un drame d'Edmond Goulding, et Four Wives, une comédie de Michael Curtiz. Steiner redoubla d'efforts pour satisfaire O. Selznick. Le producteur s’immisçait dans le travail de chacun, révoquant acteurs et réalisateurs quand le travail fournit ne correspondait pas à sa vision toute personnelle. Steiner, lui non plus, n’échappait pas à la règle. Deux semaines avant la première, Steiner dû réaliser quelques aménagements dans l'urgence pour répondre pleinement à ses exigences !

Une fois montée, la musique de Autant en emporte le vent dure plus de trois heures. Une musique somptuseuse pour un film fleuve et dans lequel chaque personnage où presque avait droit à un thème. Celui de Tara, qui ouvre et clôture le film, est l’un des plus majestueux du film. Si Max Steiner n’a pas reçu de récompense pour la musique de ce film, le compositeur viennois aura, à d'autres occasions, le plaisir d'être nommé. Le monde du cinéma lui décernera trois Oscars pour Le Mouchard (1935), Une femme cherche son destin (1942) et Depuis ton départ (1944).

Max Steiner était un compositeur respecté, capable d’écrire une musique pluriel, sans ambages, décorant de ses notes aussi bien des comédies sentimentales, que des films d’aventures ou des westerns. Il était sans frontière. Bien des années après sa disparition en 1971, Steiner demeure une référence dans l'histoire de la musique portée à l'écran. Sa musique si innovante est toujours aussi florissante, presque comme au premier jour.

Par Elian Jougla (Cadence Info - 11/2015)

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