L'info culturelle des musiques d'hier et d'aujourd'hui
MUSIQUE DE FILMS

LA BANDE-SON AU CINÉMA, LE CHOIX D'UN ÉQUILIBRE ENTRE DIALOGUE, MUSIQUE ET EFFETS SONORES

La bande-son d’un film est le résultat d'un mélange. Étroitement liée à l’image, elle est constituée de trois éléments essentiels et complémentaires : les dialogues enregistrés lors du tournage, les bruits ambiants (naturels ou artificiels, créés en post-production) et la musique qui intervient lors du montage. Cette page évoque toute l'importance de la bande-son dans le cinéma d'hier et d'aujourd'hui.


L'IMPACT DU SON SUR L'IMAGE

Affiche du film Tremblement de terre

La cohabitation entre la musique, le bruitage, les dialogues et l’image remonte à bien des années, à une époque où des musiciens s’évertuaient à jouer du mieux possible pendant la projection et que les acteurs, venus pour la plupart du théâtre, gesticulaient à l’écran comme de beaux diables pour donner plus d’épaisseur à leur personnage. Il faudra attendre 1928 pour qu’enfin les spectateurs assistent au premier film sonore avec musique et dialogues synchronisés : The Jazz Singer.

L’arrivée du son allait tout bousculer sur son passage et offrir de nouvelles perspectives cinématographiques. Le bruitage s’empare de l’image et permet d’obtenir des sons saisissants. En 1932, grâce à un savant montage de plusieurs cris d’animaux, le public entend pour la première fois le cri de Tarzan incarné à l’écran par Johnny Weissmuler. L’année suivante, King Kong lance son terrible cri et terrorise les spectateurs. Les premiers effets sonores prouvent déjà une chose : ils renforcent l’image et entraînent des réactions auprès du spectateur tout en favorisant leur imaginaire.

En 1940, Disney devient à son tour un précurseur dans le domaine de la bande sonore. Le film Fantasia inaugure un bon nombre de techniques dont celles de la synchronisation de lecteurs optiques, de l’enregistrement multipistes, sans oublier le code temporel ! On oublie trop souvent que c’est dans le cinéma de nos aïeux que la plupart des techniques ont été inventées. Tout où presque était réalisé en studio, ambiances naturelles comprises (les logiciels numériques actuels ou les échantillons ne sont là que pour éviter des dépenses d’énergies inutiles et financières).

De nos jours, avoir une bande sonore avec des effets sonores saisissants est devenue une routine que les grands – et même des petits – studios réalisent sans peine. Reste que, côté production, le cinéma est toujours aussi friand d’effets sonores, même si ceux-ci n’ont pas le même objectif qu’à l’époque des films catastrophes des années 70.

Il n’échappera à personne que depuis le film Tremblement de terre (1974), les salles de cinéma ont participé elles aussi à l’inflation des effets sonores en améliorant leurs installations. Grâce à un équipement étudié (le procédé Sensurround), capable de diffuser des sons à très basses fréquences (autour des 20 Hz et à 110 dB – c’est-à-dire à la limite du supportable), de banale serviteuse de l’image, la bande-son est devenue avec les films dits 'catastrophes' un outil capable de transporter le spectateur dans un surplus de réalisme.

Dans la bande-annonce de Tremblement de terre, le spectateur assistait à grand renfort de cris et de bruits assourdissants à des buildings qui s’écroulaient et à un barrage qui cédait sous la pression de l'eau ; les messages publicitaires d'alors évoquant le tremblement des fauteuils synchronisé aux secousses telluriques ! Le succès fut tel que d’autres films ont utilisé ce procédé-là pour renforcer le sentiment de terreur : La Bataille de Midway (1976) ou la série télévisée Galactica (1978). Depuis, le son constitué d'infrabasses a disparu des salles de cinéma pour laisser place à un son plus enveloppant, celui du son multicanal.


LE RÔLE DE LA MUSIQUE

Imaginez à présent les films qui suivent sans aucune musique : King Kong, Psycho, Les dents de la mer, Il était une fois dans l’Ouest, 2001 : Odyssée de l’espace ou encore Titanic et Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain. Comment auraient été perçus ces classiques du 7e art sans la présence de la musique ? Que se serait-il passé ? Auraient-ils eu le même succès ? Il faut en convenir, il existe des films dans lesquels la musique est indispensable parce qu’elle favorise les émotions à l'écran, et c’est si vrai que bien des scènes n’auraient aucune saveur ou de sens sans sa présence. Angoisse, drame, action, scène d’amour, grands espaces… peu importe au fond le contexte, la musique est devenue plus par nécessité et raison que par complaisance l’autre élément qui compte dans toute expérience cinématographique.

Sortie de son contexte, l’écoute d’une musique de film peut parfois sembler décousue, pourtant, à l’audition d’un thème qui nous est familier, certains sentiments éprouvés lors de la projection ressurgissent même sans l’image. De ce constat, il en ressort que la musique d’un film a un pouvoir sur le spectateur, qu’elle n’est pas innocente… ce qui laisse à penser que le choix d’une musique (comme celui d’un compositeur) est lourde de sens et peut, en étant mal utilisé, amoindrir la portée des images, voire être contre-productif.

Comme la musique est porteuse d’émotions qui vont de la joie à la peine en passant par la peur et la violence, elle peut détourner le sens d’une scène et prendre à revers les dialogues. Pour autant, cela ne signifie pas que la musique doit toujours coller à l’image comme à l’époque du cinéma muet. Il existe des exemples fort réussis, notamment dans les comédies parodiques ou le sérieux de la musique repose sur des images et des dialogues en porte-à-faux.

D’autre part, la place de la musique n’est pas de s’imposer à tout prix. Elle peut se faire très discrète, intervenant par petites touches, laissant ainsi plus de place au silence et aux dialogues. Elle peut également monter en puissance de façon progressive au profit des bruits d'ambiances pour que la scène prenne une autre dimension ; le principal étant que l’intrigue du film ne soit pas dénaturée et que l’émotion suggérée ne soit pas contraire à ce qu’implique le déroulement du film. De même, une musique trop personnelle, trop « dictée » ou trop « commerciale » peut impacter l’image négativement comme une pièce rapportée (cas malheureux et devenu trop souvent "mécanique" lors de l'utilisation de chansons dans les BO des comédies actuelles). En revanche, l’usage non conventionnel d’une musique, comme celui d'une musique préexistante, peut révéler des informations que l’image seule ne peut expliquer ou démontrer : une époque précise, un comportement, etc.

Pochette du disque La guerre des étoiles (musique John Williams)

Reste enfin la place tenue par le montage de la bande-son qui peut faire des miracles quand l’emplacement des musiques est bien étudié. Même dans les documentaires, la musique est généralement là pour servir la narration, les dialogues, tout en restant efficace.

La réalisation d’un film tisse habituellement des liens avec tous les acteurs liés à son élaboration. La musique est au cœur de la création au même titre que le scénario, les dialogues, la photographie ou la mise en scène, sans oublier que sa contribution se fait souvent à la toute fin du film, au moment du montage. Il est rare, en effet, que la musique comme les effets sonores soient déjà conçus ou imaginés pendant le tournage, sauf peut-être quand le compositeur cherche à s’imprégner du climat de certaines scènes ou pour trouver un angle d’approche qui pourra l’inspirer.


PRISE DE SON ET SOUND DESIGN

Si les différents procédés techniques réalisés en studio permettent bien des audaces avec l’appui de sons issus des sonothèques (1), la bande-son trouve une crédibilité bien plus grande quand elle repose sur des sons capturés dans des décors naturels. D’ailleurs, de nombreux metteurs en scène ont recours, malgré la difficulté rencontrée, à valoriser le « naturel » de leur œuvre grâce aux sons enregistrés en « live », y compris les dialogues.

Lors d’un tournage, les difficultés ne manquent pas : vent, pluie, pollution sonore en tous genres viennent se greffer comme un piège meurtrier et indésirable au moment où le clap annonce l’amorçage d’un dialogue dans une scène. Parfois, il est même impossible d’exploiter le son direct issu des prises tellement celui-ci est inintelligible. Un travail en postproduction est alors nécessaire, ce qui oblige les acteurs à réenregistrer leurs dialogues en studio, une fois le film monté. C’est ce que l’on appelle la postsynchronisation.

Passé l’époque du magnétophone portable Nagra, le monde du cinéma s’est tourné vers le numérique. Armé d’un ordinateur portable, une console ou une machine dédiée, le travail du preneur de son est soumis à d’autres contraintes techniques, notamment dans l’organisation de la gestion des fichiers sons qui peut rapidement devenir compliquée par leur nombre, mais aussi par le stress, la pression qui s’exerce lors du tournage et qui peut conduire à l’effacement irréversible d’un fichier.

Ensuite, le numérique a éludé d’une certaine manière le temps de l’assimilation technique de certains procédés propres au traitement du son qui, du temps de l’analogique, était obligatoire pour obtenir un bon résultat. Encore aujourd’hui les limites ne peuvent être repousser que si l’expérience est là.

Séance de travail en postproduction (source : Vancouver film school)

Aujourd’hui, la quasi-totalité des bruits naturels est "recalibrés" en studio. Des effets sont rajoutés pour donner plus d’impact et d’épaisseur au son original. C’est le cas des coups de feu qui doivent être bien présent et résonner d’une certaine façon. L’exemple le plus frappant s’entendait déjà dans les premiers westerns où la plupart des balles sifflaient plus qu’il ne faut. Idem pour les courses de voitures et les bruits de moteur, les dérapages, tous ces sons sont très présents, donnant l’illusion au spectateur que les voitures sortent de l’écran.

Il peut même y avoir des bruits rajoutés qui, au départ, n‘existent pas, tels les sabres laser de La guerre des étoiles (Star Wars - 1977) ou à l’inverse des bruits que l’on entend, mais dont la source n’est pas à l’image. Ces bruits constituent une illustration scénaristique. Ils viennent se greffer aux images tout en laissant le spectateur aux commandes de l’imaginaire, tel le bruit d’un avion que l'on entend décoller alors que sur l'écran on voit deux personnes discuter dans le hall de l’aéroport. Enfin, le bruit suggère. Par exemple, un son peut être entendu pour attirer l’attention du spectateur sur un minuscule détail visible sur l'écran ; détail qui sera capital par la suite.

De nos jours, le sound designer (ou bruiteur en d’autres temps) occupe une place aussi importante que le compositeur dans la réalisation d’une bande-son en apportant tout ce que la musique ne peut créer. D’un bruit de pas à celui d’un lance-flammes en passant par le crissement de pneus jusqu’au tonnerre, tout est matière à créer un son et une ambiance particulière. Le sound designer est un « artiste » qui doit faire preuve d’imagination et d’intuition pour restituer un certain effet en partant parfois d’un matériau sonore bien éloigné de sa destination finale.

1 – Beaucoup de sons issus de sonothèques s’identifient trop facilement à force d’être utilisés, notamment dans les séries. Par exemple, le cri de Wilhelm enregistré pour le film Distant Drums en 1951, sera repris à maintes reprises, en 1953 dans The Charge at Feather River ou encore dans les épisodes de la série Star Wars.

Par Elian Jougla (Cadence Info - 11/2019)

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