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MUSIQUE DE FILMS

JOHN BARRY, BIOGRAPHIE/PORTRAIT DU COMPOSITEUR DE MUSIQUES DE FILMS

Tout comme le sont les compositeurs italiens Nino Rota, Ennio Morricone ou l’Américain John Williams, le compositeur anglais John Barry a eu au cinéma des succès hautement mérités en signant la musique des films Macadam Cowboy, Out of Africa et Danse avec les loups.


LES PREMIERS PAS DU COMPOSITEUR ANGLAIS

Né au nord-est de l’Angleterre à York, en 1933, John Barry décide à l’adolescence de ne plus travailler avec son père, gestionnaire d’une chaîne de cinéma. S’inspirant de sa mère, brillante pianiste classique, John devait poursuivre ses études musicales à l’école de St-Peter où il se perfectionna au piano avant d’entreprendre des cours de compositions avec l’organiste de la cathédrale de York, Francis Jackson.

Après avoir effectué son service militaire à Chypre - période durant laquelle il apprendra la trompette -, John Barry est attrapé par le démon du jazz, qu’il étudie, et pour lequel il fonde en 1957 son premier groupe, 'The John Barry Seven'. Quelques succès naissent chez Columbia : Hit and Miss, Walk Don’t Run et un arrangement du thème The Magnificent Seven (Les sept mercenaires).

Son vif intérêt pour la composition et l'arrangement le conduit à avoir divers engagements. Il travaille avec l’orchestre de Jack Parnell et de Ted Heath puis, en 1959, il collabore avec les Three Barry Sisters (un trio sans lien de parenté avec John et sa famille) avant d’être remarqué à la télévision en jouant avec son groupe dans une série de la BBC, Drumbeat.

Employé par la maison de disques EMI de 1959 à 1962, John Barry va assurer de nombreux arrangements pour les artistes de la compagnie, dont des BO où figurait le chanteur Adam Faith. En 1960, le film Beat Girl (1960) est pour Barry la première musique de film où il prend tout en main : composition, arrangement et direction. La même année, il signera une autre BO où figure Adam Faith : Never Let Go.


JOHN BARRY : 'THE MAGNIFICENT SEVEN' (musique Elmer Bernstein - 1961)

UN JAMES BOND, UN !

En 1962, alors que John Barry est transféré chez 'Ember Records' où il produit et arrange des albums, son travail est remarqué par Noel Rogers, responsable de la musique de 'United Artists' qui le contacte… Noel Rogers s’était rapproché de John Barry à cause du thème principal prévu pour illustrer le premier James Bond (James Bond contre Docteur No) ; composé par Monty Norman, la musique ne donnait pas entière satisfaction au producteur du film, Albert Brocoli.

Bien que le crédit du générique de James Bond contre Docteur No revienne à Monty Norman, c’est John Barry qui finalisera la musique grâce à ses qualités d'arrangeur, la rendant plus dynamique par l’adjonction de percussions et d’un riff cyclique jouée à la guitare électrique. John Barry ne sera pas crédité au générique de Dr No et Monty Norman percevra les droits de la musique de ce premier Bond.

James Bond contre Docteur No étant une réussite, un second film est mis en chantier l’année suivante : Bons baisers de Russie. Un nouveau compositeur est engagé, Lionel Bart, mais oh ! surprise, le musicien ne sait ni lire ni écrire la musique qu’il produit... Se souvenant du très bon travail conduit par John Barry sur le thème de Monty Norman, Il est décidé en haut lieu de l’engager en remplacement de Bart. Suite à ce film, John Barry est reconduit pour les « James Bond » qui suivront jusqu’à Tuer n’est pas jouer en 1987 (excepté Vivre et laisser mourir en 1973, dont la musique sera confiée à Paul McCartney et George Martin).

Les « James Bond » sont pour John Barry une porte d’entrée dans la cour des grands compositeurs travaillant pour le cinéma. Cette activité devient dès lors son principal domaine artistique. Pour Bons baisers de Russie, Barry essaiera de générer à son tour un générique flambant neuf. Intitulé 007, sa qualité n’égalera peut-être pas celui de Monty Norman, mais ce nouveau 007 sera tout de même présent dans trois autres films. Pour autant, le thème de Monty Norman ne disparaîtra pas en s’associant à l’agent secret de sa majesté dans d’autres épisodes sous divers arrangements.

Voir la saga des chansons et musiques de James Bond.


JOHN BARRY : 'ON HER MAJESTY'S SECRET SERVICE THEME'

Les « James Bond » seront surtout un excellent terrain d’expérience où chaque nouvel opus nécessite une nouvelle approche. Ainsi, dans Goldfinger (1964), Barry perfectionne le "Bond sound", un patchwork composé d'éléments jazz et de mélodies sensuelles. Dans la BO, on y trouve même du jazz façonné big band (Into Miami). Si l’on excepte la chanson qui ouvre chaque nouveau film, la musique des « James Bond » s’articule autour d’instrumentaux fort bien construit avec parfois des invités de marque, tel le guitariste Jimmy Page dans Goldfinger venant épauler la six cordes de Vic Flick.

Chez John Barry, on remarque également sa passion pour les compositeurs romantiques russes. Son écriture se traduit par une certaine lourdeur aux reflets « jazzy ». L'écriture des cordes est parcourue d’accords enrichis qui s’accompagnent de brusques changements de tons, propulsant l’intrigue de certaines scènes dans un contraste saisissant.

Au fur et à mesure de ses avancées dans l’écriture de BO, les partitions destinées à la série des Bond deviennent aussi plus mélodiques à l’image de Moonraker (1979) ou d’Octopussy (1983). Derrière un aspect conventionnel, la musique qu’il compose pour Dangereusement vôtre (A View to a Kill – 1985) lui donne l’occasion de collaborer avec le groupe de rock Duran Duran pour la chanson du générique, un titre qui deviendra numéro un aux États-Unis et numéro deux dans les charts anglais. John Barry fera même coup double avec le groupe A-ha pour Tuer n’est pas jouer (The living Daylights – 1987) en invitant la musique pop dans ses orchestrations. Toute cette « poésie musicale » devait cesser avec ce film, au moment où l’acteur Timothy Dalton entrait dans la peau du personnage de Ian Fleming. John Barry, qui se remettait lentement d’une opération à la gorge, verra finalement sa BO terminé par Michael Kamen.


DES MUSIQUES DE FILMS À SUCCÈS

John Barry est souvent cité pour avoir eu un style dominé par de belles cordes et des cuivres imposants. Des films comme la comédie Top Secret (1974), le remake de King Kong (1976) ou le drame romantique d’Out of Africa (1985) n’auraient certainement pas eu la même saveur sans un développement orchestral idoine.

© Geoff Leonard - John Barry au 'Royal Albert Hall' en 2006.

Toutefois, au-delà du lyrisme symphonique qu’impose certaines images, John Barry a été l’artisan de musiques autrement symptomatiques en étant, par exemple, l'un des premiers à utiliser des synthétiseurs dans une musique de film (Au service de sa Majesté en 1969). Ce choix s’est imposé du jour où il a découvert le compositeur François de Roubaix. John Barry le citera souvent comme ayant été l’un des musiciens importants du mariage des sons électroniques et acoustiques au cinéma.

De la même manière ou presque, dans la BO de Macadam Cowboy (1969), le compositeur anglais opposera les nappes d’un synthétiseur avec les sons de l’harmonica de Toots Thielemans. Confrontés à la caméra de Schlesinger, les grands espaces de John Barry vont dès lors se transformer en monument de solitude urbaine. Des chansons s’invitent dans la BO. Des artistes country et pop, tels la chanteuse Leslie Miller et le chanteur Harry Nilsson, sont là pour soutenir sa créativité. De ce mélange détonnant et pour le moins efficace, le compositeur recevra un Grammy Award.

Au tournant des années 70, John Barry ne sera pas le seul à anticiper toute la portée des sons électroniques dans le 7e art, la musique populaire sera traversée à son tour par l’arrivée des premiers synthétiseurs. En 1972, Gershon Kingsley compose le tube planétaire Pop Corn, tandis que Wendy Carlos, qui avait provoqué une petite révolution avec son Switched-On Bach en 1968, devait provoquer une certaine stupeur en incluant Beethoven via d’étranges sons dans Orange Mécanique de Stanley Kubrick.

Au rang des succès que l’on doit à John Barry, comment ne pas citer sa participation à la série télévisée Amicalement Vôtre (The Persuaders – 1971) dans lequel, à l’annonce de deux accords joués au piano, le générique présente en 'split screen' l’ascension si différente des deux playboys aventureux de la série que sont Roger Moore et Tony Curtis. Dans ce thème peu orthodoxe écrit pour la série, John Barry utilise à la fois le synthé Moog et le cymbalum d’Europe de l’Est (que le compositeur avait préalablement utilisé pour Ipcress, danger immédiat de Sidney J. Furie en 1965). Une association insolite qui n’empêchera pas cette musique construite sur un 6 temps de rencontrer un vif succès, surtout en Allemagne et en France.


JOHN BARRY : 'THE JOHN DUNBAR THEME' (Danse avec les loups)

Pour compléter ce tableau succinct, deux autres musiques de films sont à retenir : Out of Africa et Danse avec les Loups.

Out of Africa est une musique ample, profonde qui accompagne les vastes plaines d’une Afrique sauvage. Tout se déploie avec douceur comme les sentiments des personnages. Réalisé par Sydney Pollack, Out of Africa est le cinquième film avec Robert Redford. Le metteur en scène a toujours été très conscient de l'importance de la musique. C’est sa première collaboration avec John Barry. Alors que Pollack souhaite voir la BO se développer autour de la musique indigène africaine, John Barry conçoit une autre approche plus en rapport avec la relation des deux principaux personnages et leur amour de l'Afrique. « J'ai tendance à essayer de rechercher un thème musical qui capture toute l'essence de l'image. » dira-t-il. Pour accompagner l'une des séquences les plus célèbres du film, Barry reprend une version du thème principal accompagnée d'un chœur. Énorme succès de l'année 1985. Le film sera récompensé par sept Oscars et trois Golden Globes, donc un pour la musique.

Pour Danse avec les loups, l’histoire est tout autre, bien que conservant pour décor principal de vastes plaines sauvages. L’action se déroule dans une Amérique de l’Ouest au cours du 19e siècle. Le film de Kevin Kostner raconte l'histoire d'un soldat solitaire, une histoire épique, flamboyante, attachante aussi, au point que le film échappe totalement à la classique dramaturgie du western. En 1990, John Barry a l’assurance des grands maîtres cinématographiques, de l’expérience. Pourtant, malgré toute la diversité de ses approches musicales, John Barry est considéré comme un « compositeur romantique », et c'est pour cette raison que Kostner finit par le choisir.

La musique écrite par John Barry ne cherche pas à s’aventurer en dehors des sentiers balisés, sa musique serait plutôt docile en adoptant le lyrisme et le ton de l’intrigue voulue par Kostner. Sa musique n’a rien de « westernien » et n’utilise que fort peu les clichés de genre. Elle est simplement bien adaptée aux images du réalisateur en traduisant à merveille les paysages incomparables de l'Ouest américain.

Danse avec les loups demeure l’une de ses plus belles partitions écrites par John Barry, ce qui lui permettra de remporter un nouvel 'Grammy Awards' et un autre Oscar qui vient s’ajouter aux trois autres : deux pour Vivre Libre (Born Free – 1966) et un pour Le Lion en hiver (1968).


UN PARCOURS PARSEMÉ DE DISTINCTIONS

La longue carrière de John Barry ne se résume pas à ses seules musiques de films, même si celles-ci occupent une grande partie. Le compositeur a également œuvré dans la comédie musicale : Passion Flower Hotel (1964) où l’on retrouve sa seconde épouse, la toute jeune Jane Birkin, et le spectacle à succès de 1974, West End Billy, sur des paroles de Don Black.

Parmi ses distinctions citons sa nomination en 1999 comme 'Officier de l'Ordre de l'Empire britannique' pour ses services rendus dans la musique et son diplôme honorifique délivré par l’Université de York, sa ville natale, en 2001.

La même année, il devient membre de la 'British Academy of Songwriters, Composers and Authors' et, en 2005, membre de la 'British Academy of Film and Television Arts'.

En 2006, John Barry est le producteur exécutif d'un album intitulé Here to the Heroes de l'ensemble australien The Ten Tenors. L'album contient un certain nombre de chansons qu'il a écrites toujours en collaboration avec son ami parolier Don Black. Le tandem a également composé une des chansons de l'album de Shirley Bassey, The Performance (2009). Intitulée Our Time Is Now, c'est la première écrite par le duo pour Bassey depuis Les diamants sont éternels en 1971.

Barry décède d'une crise cardiaque le 30 janvier 2011 à son domicile d'Oyster Bay, à l'âge de 77 ans. Un concert commémoratif eu lieu le 20 juin 2011 au 'Royal Albert Hall' de Londres où, accompagné par le Royal Philharmonic Orchestra, les artistes Shirley Bassey, David Arnold, Wynne Evans et d'autres eurent à cœur d’interpréter la musique et les chansons de John Barry. Sir George Martin, Sir Michael Parkinson, Don Black, Timothy Dalton et d'autres ont aussi contribué à la célébration de cet hommage rendant compte de son œuvre pour le 7e art.

Par Elian Jougla (Cadence Info - 03/2021)

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