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MORY KANTÉ, BIOGRAPHIE/PORTRAIT : DE CHANSONS EN MÉLODIES MANDINGUES

Chanteur guinéen et excellent joueur de kora, Mory Kanté appartient à la même génération de musiciens africains qu’étaient Manu Dibango et Tony Allen. Sa renommée internationale arrivera avec la chanson Yéké Yéké en 1987.


UNE ENFANCE CONDUITE DANS LA TRADITION DES GRIOTS

Mory Kanté est né le 29 mars 1950 à Albadaria, en Guinée française (qui faisait alors partie de l'Afrique occidentale française). Grandissant entre un père guinéen et une mère malienne pour qui l’amour du chant était crucial, ses parents font partie des familles de musiciens griots parmi les plus connues du pays.

Cette culture transmise oralement depuis des générations constitue une dynastie d’artistes, de poètes et conteurs, et c’est en suivant les préceptes de cette tradition séculaire que le jeune Mory va grandir et découvrir toute la portée de la communication orale.

À sept ans, il rejoint Bamako (Mali) pour suivre un enseignement dans une école française. Jusqu’à ses quinze ans, il apprend notamment à jouer du balafon, tout en suivant les rites et les importantes traditions vocales nécessaires pour devenir un vrai griot. En tant que musulman, il intègrera aussi certains aspects de la musique islamique dans son travail.

Pochette de l'album Touma (1990)


LA CARRIÈRE DE MORY KANTÉ

Grâce à ses succès internationaux, Mory Kanté va contribuer à populariser la musique africaine et guinéenne à travers la planète. Repéré dès 1971 par le saxophoniste Tidani Koné du 'Rail Band' de Bamako ; un orchestre conduit par le chanteur Salif Keïta et auquel il succèdera quand celui-ci partira pour vivre d’autres aventures, Mory Kanté commence à composer et à pratiquer la kora dont il deviendra un éminent spécialiste.

À partir de 1978, il déménage à Abidjan (Côte d'Ivoire) et prend quelques distances avec l’orchestre de Tidani Koné, pour finalement rejoindre un groupe dont le chanteur n’est autre que son demi-frère, le chanteur Djeli Moussa Diawara. Comme Manu Dibango quelques années plus tôt, Mory Kanté prend conscience de la portée fusionnelle des musiques traditionnelles alliées à des sonorités électriques venues d'Occident. Même si cette vision d’un monde musical moderne basé sur le mélange des genres ne fait pas l’unanimité, ce sera pour Mory Kanté l’assurance d’ouvrir peut-être sa carrière à l’international.

Celui que l’on ne nomme pas encore "le griot électrique" enregistre en 1981 Courougnègné, un premier album édité sur le label américain de musiques noires Ebony ; un album dans lequel on sent déjà cette idée du rapprochement entre des sonorités traditionnelles et d'autres nettement plus électriques.


MORY KANTÉ : COUROUGNÈGNÉ (1981)

Premier album, premier succès aussi. Désormais, le continent africain découvre le potentiel d’un artiste tourné vers l’avenir, et c’est dans l'espoir de conquérir à son tour le continent Européen, que Mory Kanté arrive en France trois ans plus tard, comme un clandestin, sans autorisation officielle.

Le début des années 80 coïncident avec la montée en force de la ‘World Music’. C’est pour Mory Kanté un signe du destin auquel il ne peut se soustraire. La musique africaine est en pleine mutation et le métissage sonore fait danser des heures durant dans les discothèques. Mory Kanté est appelé à pratiquer ce mélange dont il rêvait avec sa kora, parfois seul, parfois en étant invité par quelques personnalités du monde musical pour des séances d’enregistrement.

Son deuxième album, au titre éponyme, ne fait que confirmer le succès recueilli par le précédent album. Le disque séduit les Occidentaux, particulièrement aux Pays-Bas et en Italie. Lui, qui avait débarqué sur notre territoire sans carte de séjour, fréquentait désormais les prestigieuses scènes de la capitale (Bercy, le New Morning…) et les festivals (Printemps de Bourges).

Lors d’un séjour en Italie, Kanté rencontre le producteur et musicien américain David Sancious (connu pour sa collaboration avec Bruce Springsteen). Entre Kanté et Sancious, l’entente cordiale conduit à l’enregistrement de l’album 10 Cola Nuts (1986). Le disque reçoit un bel accueil. Quelques semaines plus tard, le voici sur la scène du Zénith, entamant sa tournée promotionnelle. Puis, au détour d’une tournée internationale, il participe à un concert anti-apartheid sur l'île de Gorée en juin 1986 (une île qui fut l’un des lieux historiques de l'esclavage sénégalais).


MORY KANTÉ : 10 COLA NUTS (1986)

1987. YÉKÉ YÉKÉ, L’ANNÉE DE LA CONSÉCRATION

En 1987, Mory Kanté ressort la chanson Yéké Yéké qui figurait sur son album éponyme. Ce titre de funk mandingue redécouvert devient dès lors l'un des tubes les plus vendus en Afrique et numéro un européen en 1988. Yéké Yéké est le premier single africain à se vendre à plus d'un million d'exemplaires, ce qui conduira l'album dont il est issu, Akwaba Beach, à devenir le disque africain le plus vendu de son temps.

Aux côtés du fameux tube pop, l'album comprenait aussi une chanson islamique, Inch Allah, et la chanson Tama, qui a notamment inspiré deux chansons indiennes du cinéma Bollywood, Tamma Tamma dans le film Thanedaar (1990) et Jumma Chumma dans Hum (1991).

En octobre 1988, la réussite commerciale et exemplaire de l’album lui permet de recevoir un disque d'or, suivie d’une ‘Victoire de la musique’ au titre du « meilleur album francophone non français ».

© Deezer - Mori Kanté jouant de la kora

LES ANNÉES 90 ET 2000

Les années 90 seront le fruit de rencontres inattendues, mais jamais fortuites. D’abord avec le guitariste Carlos Santana qu’il invite sur son album Touma (1990), et ensuite avec le chanteur Khaled pour un concert exceptionnel se déroulant à Central Park, à New York.

Bien décidée à agir pour son pays, il profite de ses séjours sur le sol natal pour lancer plusieurs projets artistiques et éducatifs. Il contribue à la construction de quelques studios d’enregistrement et à la création de plusieurs structures culturelles.

En 1997, il se produit au célèbre festival Womad fondé par Peter Gabriel, à Reading. Sa renommée internationale touche aussi le milieu techno. C’est ainsi que le duo allemand Hardfloor capture dans ses filets un remix de Yéké Yéké.

Mais dans les années 2000, la flamme des années passées s'éteint peu à peu. L’artiste se tourne alors vers une musique plus acoustique, plus sereine. Son nom reste néanmoins accroché aux côtés des meilleurs représentants de la musique africaine des années passées et présentes : Manu Dibango, Tony Allen, Pierre Akendengué, Tiken Jah Fakoly, Miriam Makeba, Amadou & Mariam, Didier Awadi…


MORY KANTÉ : YÉKÉ YÉKÉ (album Akwaba Beach - 1987)

De ses 12 albums studios, on peut retenir les ultimes Sabou (2004) et La Guinéenne (2012 - enregistré avec un grand orchestre). D’ailleurs, tous ses disques méritent d’être découvert, ne serait-ce que pour bien saisir sa personnalité, sa dimension artistique, et sa vision d’une musique africaine moderne et métissée. Sa disparition, survenue le 22 mai 2020, a ému tout un pays et laissé sans voix ses plus fidèles admirateurs.

Par Elian Jougla (Cadence Info - 05/2020)


DISCOGRAPHIE SÉLECTIVE

  • Courougnègné (1981)
  • N'Diarabi (1982)
  • À Paris (1984)
  • 10 Cola Nuts (1986)
  • Akwaba Beach (1987)
  • Touma (1990)
  • Nongo Village (1993)
  • Tatebola (1996)
  • Tamala – Le Voyageur (2001)
  • Best Of (2002)
  • Sabou (2004)
  • La Guinéenne (2012)
  • N'diarabi (2017)

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