QUAND LE MOBILE VA, TOUT VA !
Depuis quelques années, la musique se vend plutôt bien sur Internet via des abonnements. Toutefois, la distribution des sommes récoltés ne va pas systématiquement grossir le tiroir-caisse des labels et des artistes. La raison : la technologie à une longueur d’avance sur les lois misent en place. Pour faire face, les nouveaux acteurs du Web ne manquent pas d’imagination…
En plus des fournisseurs d’accès à Internet, des plateformes de téléchargement comme Spotify, iTunes ou Deaser proposent de nouveaux arguments de ventes propres à nous faire rêver et à nous pousser à consommer. Quand en 2007 Apple et Emi s’accordent, ce n’est pas pour rien ! La célèbre compagnie de disques sera la première à franchir le pas vers le numérique en ligne de façon officielle. De son côté, Apple crée un nouveau écosystème musical grâce à une interface facile d’accès et à prix fixe ; un nouveau standard d’une discothèque portable idéale est né. Et si Apple s’empare de la distribution digitale, c’est bien pour vendre des iPod. Pas bête le Steve Jobs !
L’iPod crée la révolution, l’iPhone suivra. Compatible mp3, l’IPod a déjà tout pour séduire, car il permet non seulement de télécharger les titres en provenance de iTunes, mais également de tout ce qui provient des sources illégales ! Apple ne finance pas la création musicale, mais c’est bien la musique qui est au cœur de son business modèle. D’autres marques suivront, notamment Blackberry et Nokia. Le marché est énorme, il va de soi.
Alors que MSN n’est déjà plus de ce monde, le dinosaure Google rentrera dans la course avec Google Music, mais avec beaucoup de retard. Déjà, la moitié des téléphones vendus sont des smartphones, et sur ce terrain-là, Apple désire bien conserver sa place de leader. Musique et mobile sont inséparables et la marque chère à feu Steve Jobs ne connaît pas encore ce que les réseaux communautaires vont produire…
MUSIQUE ET RÉSEAUX COMMUNAUTAIRES
Le buzz est un nouveau terme qui va prendre de l’ampleur et populariser de jeunes artistes et groupes de musique. Aujourd’hui en désuétude, "My Space" était ce qui se faisait de mieux au milieu des années 2000 pour un artiste qui souhaitait avoir une fenêtre sur Internet. Sur le Web, le chanteur ou le groupe s’expose comme s’il s’agissait d’une carte de visite à l'esthétique irréprochable. Sur la page, on peut découvrir ce que l’artiste souhaite communiquer : musique, photos, vidéos, pressbook, dates de concert, etc. Et quand cela marche, l’artiste ou le groupe obtient une crédibilité, un poids suffisant pour faire pencher la balance en sa faveur, surtout auprès des maisons de disques. Aujourd’hui, c’est "Soundcloud" qui est venu, en quelque sorte, le remplacer.
"My Space" a notamment permis de changer le rapport entre le public et l’artiste. Le public demeure comme jamais la source interactive, influente, permissive, qui exalte ou réduit trop souvent l’artiste à un jouet, à une marionnette modulable suivant l'époque et les tendances.
Au milieu des années 2000, deux autres acteurs majeurs vont chacun imposer leur objectif : "Facebook" et "YouTube".
"YouTube" va être fondamental à l’éclosion d’un nombre important d’artistes grâce à la vidéo. Avec l'évolution des techniques, la qualité de l’image numérique s'est bonifiée. La norme HQ a pris place. Le marché de la diffusion des vidéos sur "YouTube" est colossal (c’est le second moteur de recherche après Google). Le clip produit est immédiatement diffusé mondialement et devient le piston de la musique sociale, la pierre angulaire du marketing digital grâce à la présence de liens vers les plateformes de téléchargement. On aime le clip et on achète la musique d'un clic de souris.
De son côté "Facebook", dont la nature première est de se créer des « amis » autour de mêmes valeurs, permet d’échanger avec des artistes, de les faire découvrir justement à ses « amis » sur sa page et, comme avec tweeter, le messager du Net, de suivre leur actualité. Bien sûr, rien de tout ceci n'existerait sans l'aval des artistes. C'est d'ailleurs un paramètre fondamental si l'on veut comprendre l'émergence des réseaux, du moins dans le domaine de la musique.
ET LE CREATIVE COMMONS ?
La musique doit être libre ? Le maître-mot est lâché. Pour cela, il existe la licence « creative commons ». L’avantage de cette solution est de permettre à des artistes inconnus d’être diffusés et de se faire connaître. Le « creative commons » permet d’une part la diffusion d’une œuvre tout en gardant pour son auteur la paternité et, d’autre part, d’indiquer aux utilisateurs les limites autorisées. Dit autrement, la musique appartient toujours à son créateur, mais celle-ci peut être téléchargée dans un cadre défini par avance, commercial ou pas, voire modifiée (remixée) selon les conditions prescrites.
Pour les artistes qui « rament » le principe du « creative commons » peut parfois donner un premier coup de pouce. Cependant, il est impossible de tout miser sur une telle licence qui réduit notablement le champ d’action, surtout si les rêves sont de devenir une star ; les revenus obtenus étant généralement très modestes, même pour les plus en vue. L’alternative toute trouvée au « creative commons » est le label participatif. Il permet au public de prendre part au projet de l’artiste en investissant une somme financière plus ou moins modeste (consulter : Produire de la musique en crowdfunding)
LE STREAMING, SIGNE DES TEMPS
Le streaming permet seulement d’écouter une musique (ou de visionner une vidéo). Depuis deux/trois ans, le phénomène est en pleine expansion. En France, Deezer, mais aussi Spotify régulent ce marché concurrentiel visé par les jeunes consommateurs. A la base, l’écoute gratuite est financée par la publicité, mais par manque de rentabilité, d’autres formes se sont adjointes, comme l’abonnement premium ou le forfait téléphonique. On crée une playlist sur son ordinateur principal pour ensuite la retrouver par exemple sur sa tablette (Pour en savoir + : Musique gratuite et streaming).
Mais tout n’est pas encore rose. Récemment, un bras de fer judiciaire a opposé Universal et Deezer. Les majors avaient un argument de choc qui a alors pesé de tout son poids sur les négociations : leur catalogue. D’autre part, question légalité, des accords sont signés avec les sociétés d’auteurs comme la SACEM en France pour s’assurer que la diffusion du répertoire musical est libre, mais aussi correctement appliquée concernant la rémunération de ses membres.
Signe des temps, "Facebook" a intégré des offres de streaming sur son interface (application), preuve que ce mode d’écoute marche fort bien. Tout est intégré sans que l’on ait besoin de sortir de son réseau communautaire. D’après le SNEP le piratage est en train de se ringardiser, car les personnes veulent pouvoir publier leurs playlists sur les réseaux sociaux et strimmer en continue.
CONCLUSION
La surconsommation d’hier serait-elle en train de s’essouffler ? Certainement. Une façon plus raisonnée d’accaparer un titre au détriment de 10 ou 100 autres revêt une plus grande importance aujourd’hui. Cet engouffrement au début des années 2000, provoqué notamment par l’arrivée du haut débit, marque le pas depuis que l’offre s’est vulgarisé. Par ailleurs, on observe des échanges de valeurs entre ceux qui proposent du streaming et les labels qui investissent dans la production.
En se démocratisant sur Internet et en ayant de nombreuses solutions alternatives, la musique a une manière bien à elle d’être consommée, certainement plus rationnelle, plus réfléchie et moins gloutonne. Reste que la condition essentielle au développement d’un marché légal est de donner satisfaction au consommateur. La musique numérique étant encore en pleine mutation, nul doute qu’elle continuera d’alimenter les discours les plus optimistes comme les plus pessimistes pendant encore quelques années.
Par Elian Jougla (Cadence Info - 07/2016)