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DANCEHALL ET REGGAE 2.0, LE RASTAFARISME MIS À MAL

La Jamaïque d’aujourd’hui n’est plus vraiment la même que du temps de Bob Marley. Une nouvelle forme musicale est apparue : le Reggae 2.0 que la nouvelle génération a adopté avec frénésie. Un énorme défouloir dans lequel s’incruste des artistes comme Elephant Man, Bounty Killer, Bogle, Lady Saw ou encore Joseph Current.


LE RASTAFARISME MIS À MAL

Un courant religieux prend naissance en Jamaïque dans les années 30 : le rastafarisme. « Jah » devient le Dieu de la foi Rastafari. Les fils de « Jah », comme ils aiment s’appeler entre eux, considèrent Hailé Sélassié Ier d'Éthiopie comme « Jah » sur Terre, comme le roi des rois, le lion conquérant de la tribu de Judah. Élu de Dieu, ils lui vouent une dévotion sans borne.

Pour les Européens, le rastafarisme développe un paradoxe, car si ses adeptes interdisent alcool et tabac, ils autorisent la consommation de marijuana, comme si tout message devait être enveloppé de son épaisse fumée. Une embrouille spirituelle s’élève de ses rangs, influencée autant par l’Éthiopie, l’Afrique que par la révolte afro-américaine, les slogans de Martin Luther King et de Malcolm X, et plus particulièrement à travers les propos activistes de Marcus Garvey qui prône le retour de Noirs en Afrique.

© Yardie

Une première communauté voit le jour en Jamaïque dans les années 30 autour de Leonard Howell, une communauté marginale vivant en autarcie et défiant la loi des oppresseurs. Elle sera chassée par les autorités et déplacée pour former le ghetto de Backowall à Kingston. Les rastas sont persécutés, mais ils résistent et opposent aux autorités un mysticisme à toute épreuve avec une doctrine célébrant la paix, l’amour et l’unité… pas la guerre !

La pensée rasta est un rejet total du système dominant, un mouvement altermondialiste né avec 20 ans d’avance. Cela ne concerne pas seulement la justice sociale, mais aussi l’environnement. Avec une certaine idée du retour à la terre, les rastas sont des précurseurs de la pensée verte ; une façon de vivre plus sereine, parfois dans un certain dénuement, jusqu’à vivre dans la forêt et rêver d’un retour sur la terre des ancêtres.

Depuis les années 50, il faut se souvenir que la Jamaïque est composée de deux parties qui alternent au pouvoir : le Parti travailliste (JLP) avec le Syndicat industriel Bustamante (BITU) et le Parti national du peuple. Depuis, de nombreuses manipulations politiques ont transformé les élections en guérillas urbaines, tandis que les gangs ont pris en otage les ghettos. Au fil du temps, trafic de drogues et corruption se sont installés, prenant le pouvoir et provocant la disparition prématurée de nombreux artistes dans des conditions tragiques. Peter Tosh et Carlton Barrett (le batteur de Bob Marley) qui ont épousé la cause rasta, propageront le « One Love » au péril de leur vie. La Jamaïque, c’est île qui chante l’universel, c’est-à-dire la pauvreté et l’inégalité sociale, a depuis toujours soif de justice.


L’AVÈNEMENT DU DANCEHALL

Dans les années 80/90, si le quotidien reste au vestiaire, une nouvelle génération d’artiste prend le pouvoir des rues. Baptisé dans un premier temps « Rub a Dub », des artistes locaux comme U-Roy, Yellowman, Charlie Chaplin, Josie Wails inspirent le « dancehall ». Le duo Chaka Demus & Pliers (composé d'Everton Bonner et John Taylor, respectivement chanteur et DJ confirmés) incarnera avec leur titre « Murder She Wrote » une fructueuse association, tandis que Sean Paul fera preuve d’une stratégie de marketing fort bien étudié avec son titre « I’m Still In Love With You » jusqu’à devenir la star de la Jamaïque des années 2000.


SEAN PAUL : I'M STILL IN LOVE WITH YOU

Ce « dancehall » inspiré par le hip-hop américain est comme une sorte de R’n’B avec du patois jamaïcain. S’abreuvant de sons électroniques, les stars du « dancehall » ont surtout orienté leur univers en direction de la société de consommation, avec une attitude clairement « gangsta », outrancier, voire très violent dans les propos. À leur écoute, l’image de l’hétéro macho triomphant a encore de beaux jours devant elle dans un pays où les gays servent tragiquement de bouc-émissaire.

Musique d’immédiateté et destinée aux jeunes jamaïcains, le « dancehall » est conçu comme un divertissement bien ancré dans son époque. Le style a régénéré si bien le reggae qu’il est difficile, au premier abord, d’y voir un lien avec un classique de Bob Marley ou de Jimmy Clift.


L’HÉRITAGE REGGAE 2.0

Le culte rasta a insufflé un esprit de résistance au reggae qui laisse à présent derrière lui un trésor culturel immense. La nouvelle génération, celle de Ventrice Morgan, Junior Kelly ou Tarrus Riley reprennent brillamment le flambeau des aïeuls. Toutefois, l’héritage du reggae 2.0 est flagrant dans le hip-hop à l’image de Junior Reid, samplé à plusieurs reprises et dont le « flow » est particulièrement recherché.

« Le rap est clairement l’adaptation technique des ‘toasters’, dont les plus grands sont U Roy, Big Youth et Prince Far. Tous ces artistes-là seront parmi les premiers à ne pas chanter, mais à scander les mots. » précise le journaliste Francis Dordor.

Dans les studios d’enregistrement, la technique du « clash » se développe bien avant l’arrivée des premiers rappeurs officiels et participe également à l’héritage du reggae. Quand les premières block parties ont démarré dans le Bronx, quand les grosses enceintes ont été de sortie, c’étaient des Jamaïcains qui s’en occupaient.


LEE "SCRATCH" PERRY : PANIC IN BABYLON

Le reggae a posé les bases d’une musique tournée vers l’avenir, ne pressant les vinyles que de chansons testées avec succès sur les pistes et en recyclant seulement les instrumentaux qui marchent. Le reggae devient un art jusqu’à faire éclore dans l'île le remix et les prémices des musiques électroniques, tout ça grâce au dub et à l’intervention d’artistes audacieux. Parmi eux, l’ingénieur du son jamaïcain King Tubby. Celui-ci devient un précurseur dans le domaine du remix et de la musique électronique. Il est l’un des premiers à comprendre tout l’enjeu musical que l’on peut extraire des différentes pistes d'un enregistrement. L’autre personnage important du dub est Lee Scratch Perry. Celui qui bouscule les producteurs installés est surnommé « The Upsetter ». On le présente comme l’inventeur du sample dès la fin des années 60, un avant-gardiste et créateur du reggae moderne.

Par D. Lugert (Cadence Info - 09/2018)
(source Le Reggae 2.0 – F. Petrus)

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