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"ROCK BOTTOM", ROBERT WYATT BIOGRAPHIE

Victime d'une chute accidentelle de cinq étages, lors d'une soirée à l'acide, l'ancien batteur de Soft Machine, Robert Wyatt, est paralysé à vie. En 1974, dans son fauteuil roulant, le musicien refait surface avec Rock Bottom, un album que certains amateurs de musique rock n'hésiteront pas à qualifier de « meilleur album de tous les temps »...


ROCK BOTTOM, UN ALBUM À L'ÉMOTION PURE

© i0.wp.com (pochette de l'album "Rock Bottom").

Nous sommes en 1966, du côté de Canterbury, en Angleterre. Une poignée de musiciens avertis décide de donner une nouvelle signification à l'expression « avant-garde » en imaginant un étrange mélange de psychédélisme et de jazz-rock ; une étiquette qui n'existait pas, mais que des critiques accolèrent a posteriori pour des artistes de leur acabit. Tirant son nom d'un roman de Wiliam Burroughs, le groupe Soft Machine avait pris naissance et s'articulait autour de Kevin Ayers (basse et chant), Daevid Allen (guitare et chant), Mike Ratledge (claviers) et Robert Wyatt (batterie et chant). En 1971, quand Ratledge se retrouva seul aux commandes du groupe, Wyatt fondait Matching Mole et sortait deux albums bien "allumés", dont Little Red Record en 1972.

Puis, en 1974, Wyatt est victime d'un stupide accident et se trouve paralysé des membres inférieurs. Plus question de batterie pour lui. Pour autant, ce n'est pas la mort du musicien, ni de ses désirs incommensurables. Quand Rock Bottom est publiée en 1974, l'album produit un certain cataclysme dans la presse, par l'audace des compositions et le ton unique qu'il s'en dégage. Wyatt est alors, à juste titre, un compositeur acclamé par ses pairs. Autour de lui, pour l'accompagner, rien de moins que Mike Oldfield (guitare), Hugh Hopper et Richard Sinclair (basse), Fred Frith (sax, piano), le Sud-Africain Mongezi Feza (trompette) ou encore Laurie Allan (batterie) et le poète Ivor Cutler (voix).

Aucun snobisme de notre part concernant Rock Bottom, parce qu'il s'agit bel et bien d’un disque difficile d'accès, mais qui mérite néanmoins tous les efforts d'attention pour savourer les nombreuses finesses qu'il contient. Personne ou presque ne relèvera le militantisme du musicien, puisqu'à cette époque Wyatt est un ardent marxiste-léniniste. À vrai dire, le milieu musical était plutôt séduit par la beauté et la construction de ses longues plages, par la voix haut perchée de Wyatt, par les paroles "lewis-carrolliennes" de Alifib et Alife (dédié à Alfie, sa compagne de toujours) ou encore par l'émotion pure qui se dégage de Sea Song, qui ouvre l’album.


ROBERT WYATT : "LITTLE RED RIDDING HOOD HIT THE ROAD" (album "Rock Bottom")

Toutes ses indications précieuses dessinent un album produit par un personnage atypique, un de ces artistes surréalistes que la "Rock-Music" a engendré durant les années 1960/1970. À sa sortie, Rock Bottom sera récompensé en France par le "Grand Prix de l'Académie Charles-Cros". Nul besoin d'être un fin connaisseur de free-jazz ou de rock progressif pour apprécier ce chef-d'œuvre... Il suffit de se laisser happer par son mystère.

Notons par ailleurs que Wyatt publia, parallèlement à Rock Bottom, un 45 tours contenant une reprise surréaliste du I'm A Believer des Monkees. Insaisissable pour le moins, l'ex-membre du Soft Machine vivra la musique sans tenir compte des courants contraires, si l'on en juge par son adaptation d'At Last I AM Free, du groupe disco Chic, de sa reprise de la chanson folk chilienne Arauco, de Violetta Parra, ou en évoquant l'amer constat des dégâts conduits par la politique de Thatcher durant la guerre des Malouines, et ce, grâce au titre Shipbuilding écrit à son intention par Elvis Costello.

UNE PETITE BIOGRAPHIE DANS LE SILLAGE DE ROBERT WYATT

© Ron Kroon pour Anefo wikimedia - Robert Wyatt en 1967.

Né à Bristol, Wyatt apprend très jeune le piano, le violon, la trompette et la batterie qui deviendra par la force des choses son instrument de prédilection jusqu’en 1974. Fondé en 1964 au retour de Daevid Allen de New York (avec Kevin Ayers), Soft Machine sera le premier étrier de sa carrière artistique.

Révélés au UFO de Londres et surtout en France (Palais des Sports en 1968), les trois premiers albums du Soft permettent à Wyatt d'obtenir une importance toute particulière au chant et aux baguettes. Robert Wyatt fut en son temps un batteur d’exception, au drumming haletant, soutenu notamment par l’emploi de chambres d’écho sur les toms. Même s'il joue parallèlement un rôle actif au sein d'autres formations : Centipede (l'une des premières formations anglaises de jazz-rock), Symbiosis (formation éphémère de free jazz) et Banana Moon (conduit par Daevid Allen), Wyatt parvient à réaliser en janvier 1971 son premier album solo The End Of An Ear.

Sous la direction du froid Ratledge, Soft Machine glisse rapidement vers le jazz et la technique, matérialisé par l'album Soft 4 en juillet 1971. Wyatt quitte le groupe et fonde l’extraordinaire Matching Mole. Malgré deux albums fulgurants publiés chez CBS, le groupe se dissout par manque d'impact sur un public rock pas encore préparé, peut-être, par le langage musical extrêmement libre et poussif de la formation. Une période paranoïaque pour le musicien avant d’être paralysé à vie par une chute toujours mal expliquée à la suite d’une « party fumante » ! Cet accident le conduira, pour des raisons évidentes, à se concentrer sur la composition et le chant, jusqu'à devenir l’un des auteurs-compositeurs-interprètes essentiels de la Rock-Music.


ROBERT WYATT : "SOLAR FLARES" (album "Ruth Is Stranger Than Richard")

Par la suite, Wyatt produira trois albums majeurs sous son nom : Rock Bottom (fin 1974, produit par Nick Mason du Pink Floyd, remarquable par son humeur, sa sensibilité et pour l’usage que Robert fait de sa voix), Ruth Is Stranger Than Richard (en 1975, avec Eno et Fred Frith d’H.Cow) et enfin son ultime chef-d’œuvre des années 70, The Hapless Child (en 1976, avec des musiciens de jazz : Carla Bley, Steve Swallow, Terje Rypdal et Jack De Johnette).

Par D. Lugert (Cadence Info - 08/2023)


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