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MUSIQUE DE FILMS


BIOGRAPHIE/PORTRAIT BERNARD PARMEGIANI : LA MUSIQUE DE FILMS

Adepte de la musique électroacoustique à travers laquelle il expérimente ce qu'il appelle "le découpage de l'espace par le son spatialisé", Bernard Parmegiani sera hanté durant toute sa carrière par le son et sa manipulation. Ses œuvres maitresses, profondément attachées à tout ce qui s'oppose : le naturel à l'artificiel, l'acoustique à l'électronique, le bruit au silence, lui permettront d'inscrire son nom à quelques génériques de musiques de films, notamment d'animation, et à la télévision, pour laquelle il composera quelques génériques.


BERNARD PARMEGIANI, UN ARDENT DÉFENSEUR DE LA MUSIQUE ÉLECTROACOUSTIQUE

Né à Paris en 1927, Bernard Parmegiani se dirige d'abord vers le piano avant de devenir perchman, puis assistant opérateur et ingénieur du son à la télévsion française. En 1959, comme Luc Ferrari, Xénakis et François Bernaback, il rejoint le groupe de recherche musicale (le GRM), dirigé par Pierre Schaeffer.

Alors qu'au GRM, tous les animateurs sont tentés par une campagne de musique sur les films d'animation, Bernard Parmegiani décide de suivre pendant deux ans un long stage de musique électro-acoustique. Ce n'est qu'en 1964 qu'il aborde sérieusement la composition avec une première pièce intitulée Violostries qui fera l'objet d'une chorégraphie parmi les plus importantes du Ballet-Théâtre Contemporain d'Amiens.

© Claudeanne37 (wikipedia) - Bernard Parmegiani (2004)

Aussitôt après, Pierre Schaeffer lui confie la responsabilité du secteur 'Musique-Image'. Il entre alors en relation avec des cinéastes et compose de la musique de courts et longs métrages. Les grands noms de l'animation sont réunis : La Poujade , pour qui il compose la musique du film Le socrate, Foldès et des peintres comme Kamler. Remarqué pour son approche singulière, il réalise quelque temps plus tard Le jeu des anges, un film d'animation à caractère assez pictural.

À l'exemple du film Hiroshima. Mon amour d'Alain Resnais (1959), un certain nombre de compositeurs ont abordé la bande sonore dans l'optique d'en faire un tout structuré où le texte peut venir à certains moments de la musique pour s'y insérer. Bernard Parmegiani conçoit la composition comme une sorte d'enflure naturelle à la musique. Lorsque le texte se termine, de façon à ne pas être obligé de toujours baisser ou remonter le potentiomètre au moment du mixage, il écrit la partition en fonction justement du texte (Plus vite de Foldès).

La vocation de Parmegiani est davantage de réaliser de la musique électro-acoustique plutôt que de la musique purement instrumentale même si, dutant un certain temps, il cherchera à accoster les mirages de la musique free jazz. Pour le compositeur, la conception en est assez différente en ce sens que pour la musique instrumentale, l'écriture doit se faire en ayant une partition préexistante posée sur une table et prévoir ce qui va se passer sur le plan sonore, tandis que pour la musique électro-acoustique, il n'y a pas en général de partition, mais juste un certain nombre d'idées dans la tête et des schémas très généraux ; la composition s'établissant avec les ciseaux (quand il s'agit de bande magnétique) et des appareils.


BERNARD PARMEGIANI : POP'ECLECTIC (1968)

Cette musique, qui est une sorte de traverse reliant une musique à l’esprit pop (nous sommes en 1968) en direction d’une musique autrement classique, fait appel à un savant montage (collage) de bribes sonores où prédomine l’acoustique au détriment de l’électronique. À noter qu’à cette époque, le compositeur travaillait avec des musiciens de jazz français comme le saxophoniste Jean-Louis Chautemps et le trompettiste Bernard Vitet.

PARMEGIANI : « Il FAUT APPRENDRE À INTERPRÉTER L'IMAGE »

L'image commande avec bien entendu de la part du compositeur une forme d'assujettissement (ceci n'est pas péjoratif) ; ainsi il arrive que certains réalisateurs souhaitent une musique électro-acoustique sur des images qui ont vaguement un caractère de science-fiction, sauf pour quelques films, comme La guerre des étoiles sur une musique de John Williams (spécialiste des films catastrophes des années 60/70) ou comme dans le film 2001 odyssée de l'espace avec l'utilisation par Stanley Kubrick du Requiem pour cœur et orchestre de Georgy Ligeti.

Pour le film Drôle de jeux de Pierre Castre, Bernard Parmegiani réalise la plus grande partie de ses séquences en instrumental, sauf pour deux qui sont électro-acoustiques. Pierre Castre lui demande alors de composer une musique qui rappelle le Concerto pour clavecin de Manuel de Falla. Bernard Parmégiani : « il arrive que l'on n'ait pas une idée précise, alors il faut essayer d'interpréter l'image du réalisateur et comme cette image n'est pas la vôtre, cela reste toujours une chose délicate à exploiter… ou vous l'immergez ou vous l'écrasez. »

Quand il travaille avec La Poujade pour son film Socrate, le compositeur est couronné d'expériences nouvelles. C'est ainsi qu'à partir d'une scène dans laquelle l'on voit des vaches dans un pré, on lui demande de réaliser une petite mélodie en soulignant leurs beuglements. Dans une autre séquence du même film, on voit un philosophe et un policier en retraite qui courent dans une cage métallique installée dans un champ. Ils sont censés parler entre eux sans que l'on puisse comprendre. Bernard Parmegiani accuse l'idée et il compose toute une fausse litanie qu'il appelle "bonomalopé" en faux français, en faux langage.

« Heureusement qu'il y a le néant », cette phrase doit être dite par le philosophe une bonne dizaine de fois. Parmegiani, tout comme Maurice Jaubert l'avait fait plus de vingt ans auparavant, enregistre cette fameuse phrase normalement pour la passer ensuite à l'envers. Il demande alors au doubleur d'apprendre et de réciter par cœur la phrase à l'envers. Il l'enregistre pour ensuite remettre la phrase dans le bon sens, ce qui donne des sortes d'intonations bizarres. Puis comme cette phrase doit revenir en cycle, Bernard Parmegiani a l'idée de transformer petit à petit la phrase en enlevant une syllabe, mais en ajoutant une trame harmonique en plus, réalisant ainsi une sorte d'envahissement de la parole par la musique.

Il arrive parfois que la musique électro-acoustique de film soit assez dure à écouter toute seule à cause des effets de chocs dût à l'apparition de certaines images. Pour Je, tu, elle, Parmegiani construira une musique qui tient de la "pop" avec un caractère lyrique évident comme pour donner plus d'unité à sa composition. En musique électro-acoustique, les métamorphoses sonores se font un peu comme dans la plupart des films d'animation ; ce sont des jeux de géométrie abstraite, de formes très complexes qui se veulent belles et esthétisantes.

On ne peut conclure ce portrait de Bernard Parmegiani à cette seule activité du compositeur pour court, moyen et long métrage. En effet, l’œuvre de ce musicien, qui a disparu il y a maintenant quelques années (en 2013), est riche de près de 150 pièces musicales aussi variées que contrastées. Outre le cinéma, la télévision et la radio, Parmegiani a composé des musiques de scène – danse et théâtre – et des œuvres de concert, où là aussi, chaque musique a su se mettre en mouvement pour donner sens aux espaces sonores à conquérir.

Par Elian Jougla (Cadence Info - 12/2018)


FILMOGRAPHIE ET PRINCIPALES ŒUVRES DE BERNARD PARMEGIANI

  • 2013 - De Natura Sonorum
  • 2005 - Gloria mundi, de Nico Papatakis
  • 2002 - La mémoire des sons
  • 1996 - Sonare
  • 1995 - Génériques potentiels
  • 1992 - Entre-temps
  • 1991 - Le Présent composé
  • 1985 - Exercismes 1 - 2 - 3
  • 1984 - La Création du monde
  • 1980 - L'Écho du miroir
  • 1975 - De Natura Sonorum
  • 1972 - Pour en finir avec le pouvoir d'Orphée
  • 1971 - Les Soleils de l'ile de Paques, de Pierre Kast
  • 1971 - L'Enfer (d'après La Divine Comédie)
  • 1970 - L'œil écoute
  • 1968 - Pop'éclectic
  • 1967 - L'Instant mobile, Capture éphémère
  • 1964 - Violostries

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