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CHANSON

CHRISTOPHE, PORTRAIT ÉCLAIRÉ EN QUELQUES "MOTS BLEUS"

Le chanteur Christophe, l'interprète des Marionnettes, d’Aline et des Mots bleus nous a quittés à 74 ans. Sa carrière, démarrée dans les années 60, devait rebondir dans les années 70 avec un nouveau langage, le hissant, entre Bashung et Gainsbourg, comme l’un des artistes majeurs de la chanson française…


LA PÉRIODE ROMANTIQUE

Paradoxalement, l’homme du confinement absolu était l’ennemi tout aussi absolu de la distanciation sociale. Christophe était bien connu pour aimer vivre la nuit. Il était capable de rester enfermé à son domicile du boulevard de Montparnasse, des nuits entières, en quête d’un son que lui seul entendait dans sa tête. Christophe était un artisan de la musique dans le bon sens du terme. Un chercheur invétéré.

En bas de chez lui, dans son quartier, il n’y avait pas un seul restaurant où il n’avait ses habitudes. Une table lui était réservée au cas où. De là à imaginer croiser le septuagénaire, c’est ce qu’espérait toujours un journaliste à l’affût de quelques confidences sur ses nouveaux projets.

© Thesupermat - Christophe (festival des Vieilles Charrues 2014)

Jeune d’esprit, il l’était. Dès les années 60, les yéyés l’acceptent, bien qu'il ait été élevé au son du rock américain comme son ami Johnny. Elvis, Gene ou Chuck n’ont aucun secret pour lui. Pourtant, l’époque voudra qu’il devienne un chanteur romantique. La faute à un succès fou, Aline, véritable slow pour midinettes. Cette chanson sera suivie d’un autre tube qui déroulera également ses rimes : les Marionnettes.

Mais ses chansons-là ne sont pas à son image. Elles ne lui ressemblent pas. Lui, il préfère vivre à cent à l’heure et si possible au volant d’un super bolide. Mais quand arrive la fin des années 60 et que la vague yéyé décline, Christophe finit par suivre le même chemin…

Soucieux de son apparence, les années 70 seront celles du port de la moustache et d’une longue chevelure blonde. Le 'latin lover' revient alors avec dans ses valises une chanson signée d’un jeune parolier encore inconnu, Jean-Michel Jarre. Aux sons d’une musique influencée par le rock anglo-saxon, la chanson Les mots bleus éclate sur les ondes. Ce sera pour le chanteur, sinon l’un de ses plus grands succès, un retour inespéré après de nombreuses tentatives. Sur sa lancée, il passe en 1974 à l’Olympia à guichets fermés, puis livre quelques albums avant de s’éclipser…


CHRISTOPHE : 'SEÑORITA' (1974)

Tandis que Jean-Michel Jarre nous fait découvrir la magie de ses synthétiseurs avec Oxygène, Christophe livre Samouraï (1976) écrit en collaboration avec Boris Bergman puis Le Beau Bizarre (1978) sur des textes de Bob Decout. S le chanteur ne reçoit pas le même accueil qu’avec l’album Les mots bleus, petit à petit il creuse le sillon de sa future personnalité artistique avec des albums aux couleurs résolument pop-rock. En 1983, le titre Succès fou, encore une ballade, lui permet de renouer momentanément avec le grand public

L’homme d’engagement et de générosité qu'il est et restera, presse les pas vers sa destinée. Prenant ses distances, oubliant la carrière pour midinettes, l’artiste exige autre chose de plus convaincant pour poursuivre. La chanson Bevilacqua sera un premier signe en écrivant pour la première fois les paroles et en s'affichant avec son nom de famille. L’album est ambitieux, moderne, mais en cette année 1996, le retour restera néanmoins confidentiel.

Une question se pose, cherche-t-il encore à plaire et à qui ? Entre-temps, il vit la dolce vita et navigue au soleil. En Camargue, aux Saintes-Maries-de-la-Mer, il se sent chez lui et se sent proche du monde Gitan. (Bashung l’appelait d’ailleurs « le gitan blond »).


CHRISTOPHE : ENZO (2002)

EN QUÊTE DE PERFECTION

Pour le chanteur, chaque chanson doit devenir un court-métrage ambitieux. Le cinéphile redoutable cherche alors le bon éclairage avec les mots, la musique et les rimes qui justifient chaque titre. Tout est fait maison, sans concession, dans un studio d’enregistrement aménagé où le déraisonnable l’emporte parfois sur la raison. Mais peu importe, Christophe est animé par une passion qui justifie toutes les ambitions.

Sa voix voilée, légèrement efféminée, reconnaissable entre toutes, venait se poser sur des musiques exploratrices où prenait place un capharnaüm d’instruments le plus divers. À la façon d’un cérémonial, les chansons prenaient leur quartier avec ici deux accords de guitare, là quelques notes de piano, une boîte à rythme ou un son de Moog.

Les doigts de Christophe seront ceux d’un orfèvre qui ne badine pas avec la musique qu’il souhaite posséder, capturer. Des maquettes souvent très construites qui, peut-être, auraient la chance d’être finalisé un jour. Il est vrai que le chanteur était connu pour son exigence. C’était un couturier d’atmosphères sonores : « Je travaille comme sur une robe : un moment, on coud l’ourlet, à un autre les boutons. Je place le chant au dernier moment. » disait-il. Du bidouillage scientifique à l’éclosion de la touche finale, tout pouvait être remis en question au moment de la sortie du disque. Dès lors, les "galettes" se feront rares, ce que confirmeront les années 2000.

En 20 ans, seulement cinq disques seront publiés. L’artiste est néanmoins invité à se produire, comme en 2004 avec son ami Alain Bashung sur la scène de l’Élysée Montmartre, en 2009 aussi, cette fois-ci pour un concert spectacle dans le parc du château de Versailles, avec le batteur Carmine Appice, sans compter une tournée qui l’entraîne, en 2013, à parcourir la France avec une formation réduite comprenant seulement piano, synthés et guitare, et baptisé 'Intime Tour'.


CHRISTOPHE : OCÉAN D'AMOUR (2016)

Son dernier album studio réalisé en 2016, Les Vestiges du Chaos, recevra un accueil critique enthousiaste. Il était temps diront les mauvaises langues. Ce qui est certain, c’est que si la vie en avait décidé autrement, l’artiste n’aurait eu de cesse de poursuivre ses quêtes expérimentales comme en témoigne cet enregistrement dans lequel il met en musique des entretiens du peintre suisse Olivier Mosset (Mosset/Christophe – 2019).

L'artiste était grand seigneur et savait se livrer avec beaucoup d’audace sur scène, allant jusqu’à transformer ses vieux succès par jeu ou par défi, chamboulant même ses dernières réalisations où étaient venues collaborer quelques femmes fatales, telles Isabelle Adjani, Laetitia Casta ou Anna Mouglalis.

Mais au mois de mars 2020, l’état de santé du chanteur devait s'aggraver. Hospitalisé en urgence, d'abord à Cochin (Paris) avant d’être transféré en Bretagne, pour insuffisance respiratoire aggravée (en lien avec son emphysème), le chanteur des Paradis perdus ne devait pas se remettre de cette attaque foudroyante. C'était un 16 avril 2020.

Par Elian Jougla (Cadence Info - 04/2020)


DISCOGRAPHIE SÉLECTIVE

  • 1966 : Christophe
  • 1972 : Christophe
  • 1973 : Les Paradis perdus
  • 1974 : Les Mots bleus
  • 1976 : Samouraï
  • 1977 : La dolce vita
  • 1978 : Le Beau Bizarre
  • 1980 : Pas vu, pas pris
  • 1996 : Bevilacqua
  • 2001 : Comm'si la terre penchait
  • 2008 : Aimer ce que nous sommes
  • 2013 : Paradis retrouvé
  • 2016 : Les Vestiges du chaos

À CONSULTER

LE CHANTEUR CHRISTOPHE

Même si les nostalgiques de 'Aline' ou 'Les Mots Bleus' se sont détournés de l’artiste Christophe depuis longtemps, il reste encore quelques inconditionnels de la première heure...


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