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CHUCK BERRY, BIOGRAPHIE EN FORME DE PORTRAIT

Un jour John Lennon a dit : « Si on devait donner un nom au rock’n’roll, il se nommerait Chuck Berry ». En effet, le chanteur, guitariste et compositeur Chuck Berry incarne avec Elvis Presley les premiers pas de l’histoire du rock’n’roll. Surnommé « Crazy Legs » et célèbre pour sa démarche de canard (« duck walk »), on retient surtout du personnage ses nombreux hits planétaires et son jeu typique à la guitare, à la fois vif et tranchant.


CHUCK BERRY : MAYBALLENE AND Co

Charles Edward Anderson Berry naît le 18 octobre 1926 à Saint-Louis dans le Missouri. Sa fougue, son jeu de scène, ses rythmes endiablés ont raison d’une jeunesse américaine encore frustrée par des années du maccarthysme. Il commence par apprendre la guitare en autodidacte et s’inspire de morceaux jazz et blues. Dans les années 40, encore jeune homme, quelques broutilles avec la justice pour vol le conduisent dans un centre de redressement.

Marié et père de deux enfants, il constitue en 1952 sa première formation, un trio constitué du pianiste de blues Johnny Johnson et du batteur Eddy Harding. Ensemble, ils se produisent dans les clubs de Saint Louis. Trois ans plus tard, le C. B. Combo devient le chouchou du public noir de la ville.

Au printemps de la même année, il part en vacances pour Chicago. Armé de quelques titres en poche, et recommandé par le bluesman Muddy Waters, il rencontre Leonard Chess, patron avec son frère de "Chess Records". Chuck Berry lui propose d’écouter une chanson dans le style country & western blues au tempo rapide, Ida Red, surnom d’une bête à cornes. La chanson est rebaptisée Maybellene. Dès cet instant, Chuck Berry pénètre dans la légende. Enregistrée avec un beat appuyé, Maybellene est aussitôt écouté par le DJ Alan Freed. Celui-ci cosigne le titre avec un autre DJ, Russ Fratto, et le lance sur les ondes. En quelques jours, la chanson est reçue comme un électrochoc par une jeunesse noire qui cherche à se libérer des contraintes raciales et sociales par tous les moyens.

Pour Chuck Berry, l'affaire est entendue. Ses principaux sujets d’inspirations tourneront autour de la vie des teenagers. La bagnole et la brillantine avec Maybellene puis My Mustang Ford, l’adolescence avec Almost Grown et bien sûr les filles telles qu’il les aime, c’est-à-dire pubère avec Sweet Little Sixteen.


LE JEU DE GUITARE DE CHUCK BERRY

On doit à Chuck Berry d'avoir trouvé la « recette » du rock’n’roll en créant la plupart de ses bases mélodiques et rythmiques grâce au « backbeat » constitué d'une batterie et d'une contrebasse au jeu directement inspiré du rockabilly des Blancs. Mais l’histoire retient surtout de lui les effets sonores caractéristiques à la fois plaintif et carillonnant de sa Gibson, ses solis à contretemps qui retombent à la fin sur le temps, les riffs rapides, les intros, ses accords prononcés durant les couplets tout comme ses breaks entre les phrases ; autant de formules dont des générations de guitariste ont depuis usé et abusé.

Autre fait remarquable et qui contribua à sa légende provient du sentiment de rapidité qui découle de la vélocité du rythme de ses mots associés à la clarté de sa diction ; une notion essentielle dans la compréhension d’un texte et qui, malheureusement, fait défaut chez bon nombre d’interprètes actuels.


LES PREMIERS GRANDS SUCCÈS

L’année 56 sonne l’arrivée du premier grand hit, Roll Over Beethoven ; titre qui sera repris en 64 par les Beatles (groupe phare qui ne lésinera pas à emprunter huit de ses compos au début de leur ascension). Les galops d’essais sont à présent derrière lui. Chuck Berry va aligner dans les deux années qui vont suivre plusieurs tubes : Too Much Monkey Business, Brown Eyed Handsome Man, puis School Days, Oh Baby Doll, Rock’n’roll Music en 1957, et Sweet Little Sixtee l’année suivante.

Après Johnny B. Goode, repris par presque tous les guitaristes de rock au début des années 60, Chuck Berry sort Beautiful Delilah, Carol, Sweet Little Rock & Roller, Run Rudolph Run, Jo Jo Gunneen 1958. L'année suivante, Almost Grown, Little Queenie, et surtout Back In The USA illustrent parfaitement un potentiel créatif quasi inépuisable.

En 1959, le cinéma braque ses caméras sur lui. Chuck Berry tourne dans quatre films tandis que tous ses titres passent à la radio. Le rocker est à l’apogée de sa carrière. Il ouvre un club à Saint-Louis, le "Chuck Berry Club Band-Stand" et devient un homme d’affaire avisé, se ventant d’être l’un des rares artistes noirs appréciés de la jeune clientèle blanche.


LE « MANN ACT » TRANSGRESSÉ

Si, en 1958, la société américaine encore puritaine avait applaudi au départ de Presley pour le service national, c’est qu’elle avait réussi à se débarrasser un temps de cet artiste aux conduites pas très fréquentable. Mais qu’en était-il pour Chuck Berry ? Était-il, lui aussi, une menace pour la jeunesse ?

À la fin de l’année 59, le guitariste est arrêté à Saint Louis, accusé d’avoir transgressé le "Mann Act" et détourné une mineure, alors fille de vestiaire dans son club. Il est enfermé en 1962 au pénitencier fédéral de Terre- Haute (Indiana) où il écope de deux années fermes. Quand il en ressort, il n’a plus ni famille ni club et son rock’n’roll a perdu la flamme de l'énergie, sa spontanéité première.

Mais au tournant des années 60, personne dans le rock n'a oublié les chansons de Chuck Berry. Outre les Beatles et les Rolling Stones qui lui rendent hommage avec la reprise de la chanson Carol, les Beach Boys feront de même en adaptant Sweet Little Sixtee, et Surfin’ USA. À cette époque, Chuck Berry est considéré comme un « has been » dans son pays, alors qu’en Europe c’est déjà une légende. John Lennon ira même jusqu’à soutenir son excellent Nadine qui avait été composé avant son procès.


LES DERNIERS SUCCÈS

Même si son aura n’est plus vraiment le même qu'à ses débuts, Chuck Berry continue d’avoir quelques belles réussites discographiques, en témoignent ces quelques titres : You Never Can Tell, Promise Land, It Wasn’t me, It’s My Own Business et Memphis Tennessee. Mais grâce à Bo Diddley avec qui il enregistre un album et effectue une tournée en 1964, Chuck Berry retrouve une audience internationale. Fin 66, il délaisse la maison de disques Chess pour Mercury et empoche au passage la coquette somme de 50 000 dollars, mais les cinq albums qu’il enregistre sont loin d'être réussis, même celui enregistré au Fillmore en 67 en compagnie du Steve Miller Band.

Chuck Berry décide de s’installer non loin de Saint Louis, à Wentzille, une petite ville où il ouvre un parc d’attraction, le "Berry Park". En 1970, il retourne chez Chess où il publie San Francisco Dues et Bio, accompagné de son disciple Billy Peek, futur guitariste vedette du Silver Bullet Band de Bob Seger. Ensuite, il part pour Londres où il enregistre avec Ian McLagan et Kenny Jones des Faces. My Ding-a-Ling devient en octobre 1972 n°1 des deux côtés de l’Atlantique.


CHUCK BERRY : CAROL

CHUCK BERRY, UN GUITARISTE HEROS

Ses séjours en Europe se font plus régulier. La fête de l’Humanité l’invitera. En 1986, pour son soixantième anniversaire, son fils spirituel Keith Richards des Rolling Stones réussit à le faire jouer enfin avec un vrai groupe au "Fox Theater" de Saint-Louis. Dans Hail Hail, Rock & Roll, film portant pour signature Taylor Hackford, les guitaristes Eric Clapton et Keith Richards et bien d’autres expliquent la place unique du guitariste, à la fois dragueur, fraudeur, teigneux et radin, auquel le monde (ou presque) a tout piqué, en particulier ses trois accords de guitare légendaires.

Dans les années 2000, à un âge déjà avancé, il aura encore assez d'énergie pour donner une série de concerts où le public fêtera dans la clameur la légende vivante, le "guitar hero" du rock'n'roll, notamment à l’Olympia où il se produira entre 2005 et 2007 (1).

Chuck Berry a été d’une importance primordiale sur les musiciens rock des générations suivantes, même si aujourd’hui on ne prend pas toujours la mesure de ce qu’il a apporté. Eddie Cochran, The Animals, Pretty Things, Johnny Winter, Dave Edmonds, John Lennon, Bob Seger, Rod Stewart, Dr. Feelgood, The Band, Ten Years After, Status Quo, Carlos Santana et même Eddy Mitchell ont été influencés par Chuck Berry. Sans compter la plupart des groupes hard rock-metal qui placent bien souvent un de ses titres à leur répertoire.

Le guitariste a eu l’intelligence dans une époque trouble d’avoir la science de marier au ryhthm and blues (la musique noire américaine) le country and western (la musique de l’Americain blanc moyen). Son style simpliste et direct prouve une fois de plus qu’une musique et des textes simples - enrobés à l’occasion d’humour et d'un sens social - peuvent être originaux et passionnants.

Par D. Lugert (Cadence Info - 04/2016)


1 - Sa dernière apparition publique remonte en janvier 2011 lors d’une prestation à Chicago.

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