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SUR LES PAS DE JOHN LENNON… PORTRAIT

Dans la brume d’un lieu imaginaire s’élève la voix de John Lennon chantant Imagine. Au bras de son grand amour, l’avant-gardiste Yoko Ono, le pacifiste Lennon nous pousse à croire en un autre monde, sans frontière et sans religion, sans misère et où tout se partagerait…


JOHN LENNON, ENTRE LIBERTÉ ET ENGAGEMENT POLITIQUE

Dans une maison immaculée, un piano blanc repose en paix, celui de John Lennon. L’âme de l’ancien compagnon des Beatles est partie un soir de décembre 1980. Alors que John et son épouse Yoko rejoignaient au retour d’une séance de studio leur appartement situé non loin de Central Park à New York, John allait s’écrouler sous les yeux de Yoko en recevant plusieurs balles d’un revolver tenu par un certain David Chapman. Cet assassinat fera le tour de la planète. Il sera d’autant plus cruel pour les fans des Beatles qu’il mettra un terme définitif à la prétendue reconstitution du groupe de Liverpool dont la dissolution avait été actée dix ans auparavant.

© Roy Kerwood (wikipedia) - John Lennon (1969)

Plus d’un an avant la séparation officielle des Beatles, Paul et John avaient commencé à faire cavalier seul, savourant leur nouvelle autonomie. Le pacte de non-agression qui désunissait les quatre de Liverpool semblait scellé définitivement. « The dream is over ». Oui, le rêve est bien fini, devait écrire et chanter Lennon dans sa chanson God en 1970. Tout retour en arrière était impossible, d’autant que les diverses oppositions qui perduraient depuis déjà quelques années au sein des Beatles n’étaient certes pas dues à un manque de créativité, mais à une lassitude qui, patiemment, avait fait son œuvre conjointement à un McCartney devenu dominateur.

Après la séparation du groupe, Lennon, se sentant libéré, allait exprimer à loisir ses idées non seulement artistiques, mais également politiques. Il tirera de sa poésie le meilleur parti qui soit. Exprimer la vision d’un monde meilleur, lutter pour la paix et contre la violence, les chansons seront pour lui le terrain idéal pour refléter son engagement pacifique d’après Beatles.


LE PLUS « ROCKER » DES BEATLES

John était un contestataire de longue date. Il était l’élément le plus « rocker » des Beatles. Cet aspect de sa personnalité aura une certaine influence dans l’écriture des premières chansons des Beatles avant de s’estomper pour renaître sur le double album blanc.

Adepte de quelques phrases assassines, dont les plus célèbres remontent du temps de la Beatlesmania : « Ceux qui occupent les places les moins chères peuvent taper des mains, les autres, remuez juste vos bijoux. » ou « Nous sommes plus populaires que le Christ. », ces phrases-là n’étaient pas des déclarations seulement dues à une plaisanterie innocente d’une star gâtée, elles révélaient déjà le Lennon des lendemains, celui d’un artiste empêcheur du "tourner en rond" et que l’union avec Yoko Ono accentuera.

C’est avec la chanson All you need is love, en 1967, que John Lennon évoque officiellement sa prise de conscience politique. Les compositions qui suivront dans sa carrière solo seront encore plus engagées : Working class hero (1970), New York City (1972), Power to the people (1975). John s’en prend aussi à la société bien-pensante en publiant deux recueils de poèmes et de chansons, In his own write en 1965 (En flagrant délire) et A spaniard in the works la même année, et en acceptant de jouer dans le film « contestataire » How I won the war de Richard Lester (1967).


JOHN LENNON : 'INSTANT KARMA' (1970)

Signe des temps, l’affiche « La guerre est finie (si vous le voulez) » en décembre 1969, qui inaugure la campagne « War is over » contre la guerre du Vietnam, devait attester de ce désir de paix souhaité par John et Yoko tout en condamnant les décideurs politiques d’un ton coupable. Pour autant, si l'affiche accuse aussi bien le passant de la rue que l'homme politique, le principal talent de John a toujours résidé dans ses chansons. Il le démontrera à plusieurs reprises, notamment à travers des idées pas nécessairement engagés politiquement, mais souvent empreintes d’une poésie qui éclairait sa personnalité. Profondément sensibles, ses chansons avaient eu en leur temps le redoutable pouvoir d’être simples et de posséder un impact sur la jeunesse et les déshérités.

L'autre constatation est musicale, car même si son œuvre en solitaire n’a plus rien de profondément original, elle n’en rivalise pas moins avec la majorité des nouveaux grands groupes de la musique rock apparus dans les années 1970, et surtout envers son ancien compère Paul avec lequel il connaîtra une période difficile, lui reprochant son opportunisme et son égocentrisme devant les problèmes du monde (comme le montre sa satirique carte postale sur la pochette de l‘album Imagine où John tient par les oreilles un cochon, en référence à la pochette de l’album Ram de Paul).


LE 'PLASTIC ONO BAND'

Avec le ‘Plastic Ono Band’ commence l’incarnation de l’activisme politique de Lennon et de ses engagements officiels. Grâce à sa notoriété, il va imprimer des messages de paix à toute une génération qu’il amplifiera par médias interposés.

© Jack Mitchell (wikipedia) - John Lennon et Yoko Ono (1980)

Fondé en 1968, près de deux ans avant la séparation officielle des Beatles, le ‘Plastic Ono Band’ s’articulait autour du socle Lennon et Ono. Tout le reste du personnel était constitué de musiciens de passage, des amis animés pour la plupart par un même désir de s’échapper d’une vision musicale trop conventionnelle. L’époque voulait aussi cela en s’inscrivant dans le prolongeant du rock psychédélique et des musiques électro-acoustiques qui cherchaient à exister et à s’imposer depuis le milieu des années 60. C’est ainsi que des musiciens éphémères, mais de grands talents, traverseront l'existence du 'Plastic Ono Band' : les claviéristes Nicky Hopkins et Billy Preston, le guitariste Eric Clapton, le bassiste Klaus Voormann, et les batteurs Alan White et Keith Moon. De là naîtrons les albums Two virgins (1969) avec sa pochette montrant John et Yoko nus et le Live Peace in Toronto (1969) enregistré lors du 'Toronto Rock and roll Revival'.

Cependant, cette façon d’entamer une carrière solo en gravant des disques expérimentaux, et surtout après avoir vécu l'histoire des Beatles, est loin de satisfaire John. En faisant appel au musicien Phil Spector, qui avait produit son premier hit Instant Karma, l’ex-Beatles devait retrouver une certaine légitimité créative en publiant dès septembre 1970 ce qui est considéré comme le véritable premier album de sa carrière solo, l’album John Lennon/Plastic Ono Band (1970).


JOHN LENNON : 'WHATEVER GETS YOU THRU THE NIGHT' (1974)

John Lennon/Plastic Ono Band est sorti après une période très mouvementée pour John Lennon. Il s’était marié avec Yoko et tentait de résoudre les problèmes d’intérêt qui le liait à Paul McCartney et l’enregistrement de l’album Let it be ; sans compter les problèmes récurrents avec la justice et la dépendance aux drogues dures dont John et Yoko tenteront d’échapper en suivant une thérapie reposant sur le 'cri primal'. Toutefois, l’album John Lennon/Plastic Ono Band relèvera le défi en plaçant sur le terrain émotionnel les chansons écrites par Lennon, passant d’une douleur contenue (Mama don’t go, Daddy come home) à une défense de la classe ouvrière (Working class hero) jusqu’à God, une chanson exploratrice qui détruit le passé, dont celui des Beatles, et toutes les autres formes de croyance auxquelles le chanteur n’adhère plus.

IMAGINE QU’IL N’Y AIT PAS DE PARADIS

Son second album, Imagine (1971), confirme l’orientation musicale prise par Lennon. La chanson éponyme, la plus célèbre de l’album, mais aussi de sa carrière solo, est un hymne pacifiste, voire utopique pour les âmes bien-pensantes. Coécrite avec Yoko Ono, elle libère sa force dans un texte aux contours puérils. Elle invite vous et moi à rêver d’un monde qui absout la portée des croyances (religion), qui bannit la guerre (l'autorisation de tuer) ou encore qui balaye les frontières (synonymes de séparation des peuples).

Difficile d’imaginer qu’une telle chanson avec de telles paroles ait pu se frayer un chemin pour capturer l’attention dans une époque aussi tourmenté et controversé... et pourtant ! Imagine est une ode au rêve sacralisé qui emporte les âmes sensibles et qui « donne une chance à la paix » comme le dira Lennon.


JOHN LENNON : 'IMAGINE' (1971)

C’est sous la forme interrogative qu’il nous interroge : « Pouvez-vous imaginer un monde sans pays ou religions ? » Les paroles de la chanson ne reflètent-elles pas ce que John croyait fermement que « nous sommes tous un pays, un monde, un peuple » ? En visant cela, il démonte mot à mot la conformité de nos idéaux et la limite de nos pensées en laissant place à une fraternité humaine libérée de toutes enclaves. La grande force de cette chanson est d’être intemporelle, puisque sur le fond, tout ou presque ne change avec le temps, comme le serait un cycle de vie qui rejoue sempiternellement la même histoire.

Toutefois, l’album Imagine ne se contente pas de cette vision idéaliste, on y trouve quelques pamphlets politiques dont un adressé au président des États-Unis Richard Nixon contre la guerre du Vietnam, la politique du pire (Gimme some truth : « J’en ai assez d’écouter les mots hypocritiques coincés et étroits d’esprit / Tout ce que je veux, c’est la vérité / Donnez-moi juste la vérité. »)

Au cours des années qui suivront, Lennon aura le temps d’écrire quatre autres albums inégaux. En 1974 sort Walls and Bridges avec sa chanson à la tonalité commerciale Whatever gets you thru the nights qui parviendra à se classer n°1 aux États-Unis. Puis, à sa suite, l’ex-Beatles publie un album pas vraiment indispensable et contenant ses rocks préférés, Rock’n’roll (1975), dont une reprise tranchante de Stand by me de B.E. King et les classiques Be-bop-a-lula et Ain’t that a shame.

L’album Double fantasy (1980) sera le dernier disque publié par Lennon de son vivant. Comme ses précédents disques, l’album reçoit des critiques mitigées. Sa particularité est d’annoncer une nouvelle orientation musicale que le chanteur n’aura pas le temps d’explorer en étant assassiné quelques semaines plus tard ; le disque Mike and Honey, qui était en fin de mixage, sortira finalement en 1984 à titre posthume.

Apprécié comme ayant été l’élément « yang » des Beatles et comme un marginal jamais vraiment récupéré, même par les plus exigeants créateurs rocks, tel Frank Zappa (avec lequel il jouera et enregistrera en 1971), John Lennon, fidèle à lui-même, avait couché sur le papier des textes qui ne faisaient aucun doute de ses idées et intentions : I am the Walrus, Lucy in the sky with diamonds, Stawberry fields forever du temps des Beatles et Imagine, New York City ou Working class hero, durant sa carrière solo.

Par D. Lugert (Cadence Info - 12/2020)

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