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GONG, DU ROCK PSYCHÉDÉLIQUE ET UNE COMMUNAUTÉ DE MUSICIENS PORTÉE PAR L'EXCENTRIQUE DAEVID ALLEN

Gong, vous connaissez ? Les plus anciens vous diront "Oui !". Gong, ce n'est pas une histoire, mais plusieurs, avec des clés d'entrées détenues en partie par l'Australien Daevid Allen son créateur, un être à penser, un guitariste chanteur quelque peu illuminé et dont les ressources sont à rechercher du côté de Soft Machine.


UN CERTAIN DAEVID ALLEN

On le disait visionnaire, un performeur avant-gardiste, Daevid Allen était un anticapitaliste convaincu, au point de contrarier les projets des trois maisons de disques avec lesquelles il avait signé. « Je n'ai aucun respect pour l'industrie musicale et elle n'a aucun respect pour moi », disait-il crânement.

© Pequod76 (wikimedia) - Daevid Allen avec Gong à Zafferana (Sicily - Juillet 2009)

Avant de se transformer en gourou du « rock planant », Daevid fait ses armes en Australie. En grandissant, il est tout de suite fasciné par le free jazz et ses leaders, dont John Coltrane. Puis, la poésie le rattrape, celle de la Beat Generation portée par Allen Ginsberg et William Burroughs qui se métamorphoseront en apôtres du mouvement hippie.

Ces influences majeures vont lui procurer des réponses, tout en lui faisant regretter de vivre à Melbhourne, se sentant bien loin de ce qui se produisait à Londres ou à San Francisco. Daevid Allen : « J'ai compris qu'il fallait que je parte pour m'accomplir. Je voulais aller où les nouvelles idées artistiques se développaient. »

À 21 ans, quand il débarque en Angleterre, il trouve refuge dans la pension de la famille Wyatt, dont le fils Robert ne sera d'autre que le cofondateur avec Allen du Soft Machine ; notable groupe de rock psychédélique anglais né en 1966 et au nom inspiré d'un roman de William Burroughs.

Deux ans plus tard, au moment de rentrer en Angleterre après une tournée effectuée en France, Daevid Allen se voit refuser son visa, ce qui l'oblige à rester sur place. Dès lors, ne pouvant intervenir dans la destinée de son groupe, il assiste impuissant à la sortie du premier album de Soft Machine de l'autre côté de la Manche (The soft machine - 1968).

Blessé, le guitariste décide de réagir et de frapper un grand coup, ne serait-ce que pour oublier l'affront qu'il avait subi. Par chance, il va rencontrer deux excellents musiciens français de l'orchestre de Claude François, le bassiste Patrick Fontaine et le batteur Marc Blanc, qu'il parvient à persuader de collaborer à son projet inédit, le Banana Moon Band, une antichambre de Gong qu'il renforcera par la présence de sa compagne Gilly. Puis, quand Gong deviendra réalité à l'occasion du festival d'Amougies en octobre 1969, ce sont Didier Malherbe (saxophone et flûtes), Dieter Gewissler (violon), Christian Tritsch (basse), Daniel Laloux (percussions) et Rachid Houari (batterie) qui se présenteront sur scène.


GONG : MASTER BUILDER (album "You" - 1974)

GONG ? VOUS AVEZ DIT GONG !

Gong est un groupe à géométrie variable. De l'aveu même de son créateur, « Gong est une idée spirituelle », rajoutant : « Si je ne rigole pas de ce que je fais, les gens risquent d'assimiler cela à une religion, et ce serait un désastre... Il y a assez de religions comme ça et elles ont toutes assez merdé ! »

Si l'effectif est inconstant, tout comme chez Zappa et ses Mothers, quelques musiciens parviendront toutefois à stabiliser le navire pour qu'il ne sombre pas : sa fidèle compagne Gilly Smith (chant, rires et soupirs), le fidèle Didier Malherbe (saxophone et flûte), l'étonnant Steve Hillage (guitare), l'allumé Tim Blake (synthétiseur), sans oublier, selon les périodes, Mike Howlett ou Christian Tritsch (basse) et Pip Pyle ou Pierre de Strasbourg (batterie).

Ce « groupe planète » va rassembler autour de lui, tout comme Magma, un réseau de fans inconditionnels qui verront en lui un groupe de rock progressif, tendance free jazz (à l'image du collectif excentrique du musicien Sun Ra), parmi les plus intéressants de la scène hexagonale.

© Amir E. Aharoni (wikimedia) - Gong en live au "Zappa club" de Tel-Aviv (Israël - "The 2032 tour" - 2009)

Au tournant des années 70, tous ces artistes, accros à ce qu'avait initié Soft Machine, ne désespéraient jamais de fournir une vision décalée à la musique qu'ils produisaient en studio et sur scène, ceci pour éviter d'entrer dans un cadre prédéfini. « Toucher le cœur des gens pour les rendre optimistes dans une société pessimiste et déprimée. Les pousser à obtenir des idées et à apprécier la créativité », voilà pour leur message.

Quand on écoute le premier album (Magick Brother), on éprouve un étrange sentiment, comme s'il avait été réalisé sous l'emprise d'une « acid-party » californienne. Le « space rock » fabriqué de toute pièce par son fondateur semble appartenir à un monde éminemment mystique, si ce n'est fort étrange. Rien dans Gong ne se veut conventionnel, même quand il s'agit de rock ; une musique qui n'a pourtant pas pour principe de s'installer dans le convenu.

Lors des premières années, le groupe va opérer essentiellement en France. Épaulés par d'excellents musiciens qui ont visiblement la foi, David et sa troupe de beatniks s'isolent du reste du monde à grand renfort d'hallucinogène dans une ferme près de Sens, à deux heures de Paris. Vivant en communauté et en pleine campagne, c'est transporté par d'âpres discussions se focalisant sur la religion, la philosophie et l'ésotérisme, que naît réellement Gong.


GONG : "Heavy tune" (Expresso II  - 1978)
Sous la direction du batteur Pierre Moerlen, un virage jazz-rock.

Insensiblement, la musique psychédélique de la première heure cède le pas et laisse place à un projet musical plus fourni, plus sophistiqué et volontairement « planant ». Après le décapant album Camembert électrique (1971), le collectif accouche de la trilogie Radio Gnome, Angels Egg et You, un disque concept considéré de nos jours comme une référence dans le domaine du rock progressif.

En 1974, alors que le groupe est à son apogée, c'est à ce moment-là que l'insaisissable personnage Daevid Allen se révèle à nous, en décidant de quitter Gong pour l'unique raison que celui-ci avait trop de succès. Le musicien avouera tout de même qu'il se perdait, qu'il avait coupé les ponts avec ses amis et que l'ambiance ne lui plaisait plus du fait que la communauté devenait trop négative par l'abus de drogues. Moins d'un an plus tard, il s'exilait à New York et rédigeait son autobiographie avant d'inventer le « psyché punk » en constituant le New York Gong (album About Time - 1979).

Si de leurs côtés, Steve Hillage et Tim Blake entreprennent une carrière solo, en 1976, Gong renait (ou se poursuit, c'est comme on veut) en conservant à son poste Didier Malherbe et Mike Howlett. À leurs côtés, Patrice Lemoine (ex-Alpes, claviers), Mireille Bauer (percussions) et Pierre Moerlen (batterie). L'orientation musicale est nettement plus jazz avant de devenir clairement jazz-rock quand elle sera sous la houlette du batteur Moerlen (albums Gazeuse ! et Expresso II, avec la présence d'Allan Holdsworth à la guitare, secondé par le vibraphoniste Benoît Moerlen et le bassiste Françis Moze).


GONG : "HOW TO STAY ALIVE"
Une superbe animation manga reposant sur des dessins de Daevid Allen par l'équipe japonaise de Mood Magic.

L'APRÈS DAEVID ALLEN

En plus de cinquante d'existence, la planète Gong s'est métamorphosé de nombreuses fois, mais a cependant survécu aux différentes modes, qu'elles soient sous les reflets de la musique punk (Planet Gong, avec des musiciens de Here & Now) ou via ses influences électro, et même hip-hop (album 2032, avec le titre How to Stay Alive).

En 2014, un énième Gong se reformera autour de Daevid Allen et de Gilli Smyth. L'album qui suivra, I See You, sera la dernière trace enregistrée par son fondateur qui décède d'un cancer le 13 mars 2015. Pour autant, selon les vœux de son inspirateur, l'aventure Gong se poursuit encore à ce jour, mais sans que l'on sache concrètement de quoi son avenir sera fait... musicalement parlant, bien entendu ! À l'inverse de nombreux groupes de rock, Gong a constamment été une communauté artistique qui n'a eu de cesse de se renouveler et de le démontrer, avec ou sans son « créateur cosmique ».

Par D. Lugert (Cadence Info - 04/2023)


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