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MUSIQUE & SOCIÉTÉ


LES FOLIES BERGÈRE, HISTOIRE ET REVUES DE MUSIC-HALL

C’est le plus ancien et peut-être le plus célèbre cabaret du monde. Nés à la fin du second empire à quelques pas des grands boulevards, les Folies Bergère ont propulsé le monde du spectacle dans une nouvelle ère. Luxe, plumes et grands spectacles ont fait le succès de cette salle mythique. Une scène de toutes les folies qui a vu les pas des premiers monstres sacrés : Maurice Chevalier, Charlie Chaplin ou Joséphine Baker. Et, s’il ne reste rien désormais du café-concert inauguré à la veille de la débâcle de 1870, c’est au détour de la belle époque que va exploser ce nouvel olympe des nuits parisiennes.


NAISSANCE D'UNE PREMIÈRE REVUE

Lors de sa naissance en mai 1869, si la salle principale porte le nom de « Sommiers élastiques » en raison d’un magasin de literies qui occupait les lieux avant sa construction, l’immeuble appartient à une association de défense des aveugles, les Quinze-Vingts. L’existence de la revue ne naîtra pas tout de suite...

En 1886, Georges Grison, un journaliste travaillant au Figaro, surprend une conversation entre le directeur de l’établissement, M. Marchand, et sa femme. Les Folies Bergère fonctionnant moyennement, les échanges tournent autour de l’idée de monter une revue, car ce genre de spectacle plait ailleurs. Le chroniqueur Grison sort boire un café et revient une heure plus tard le sourire aux lèvres, convaincu que l’idée est bonne. C’est ainsi qu’il signe en décembre 1886 la première revue intitulée Place au jeûne, et non « jeune », pour la simple raison qu’à l’époque tout le monde ne mange pas à sa faim ! De ce départ, au contour certes caricatural, naîtra plus d’un siècle de revues mythiques qui feront le tour du monde.


LES "COCOTTES" DU PROMENOIR

(Le bar des Folies Bergère - E. Manet)

Passé le guichet, l’immense hall est la première caractéristique qui frappe le visiteur aux Folies Bergère. Décoré de plantes et de fontaines, ce vestibule va largement contribuer à l’incroyable succès des Folies Bergère ; Manet peint son bar et Zola comme Maupassant l’évoque avec malice. À la fin du 19e siècle, le Tout-Paris s’y précipite. Du hall, on accédait au promenoir, un vaste lieu qui devint à son tour aussi célèbre que les spectacles proposés. Ce succès a une explication…

Au premier étage du promenoir, il y avait des jeunes femmes, pas toujours de bonnes familles, mais très aguichantes, qui séduisaient les hommes et qui se faisaient séduire à leur tour sans le moindre problème. Certaines d’entre elles étaient affublées du nom de « cocotte ». Filles de concierge ou d’instituteur, elles portaient des pseudonymes ; Émilienne d’Alençon et Cléo de Mérode seront les plus célèbres. Leur « art » était de séduire les hommes fortunés ou affublés de titre : duc, baron… voire les rois et les princes. En retour, elles recevaient des colliers et quelques autres émoluments très avantageux. Ces « cocottes » se produisaient sur scène avant tout pour le plaisir des yeux des hommes, pas forcément pour leur talent.


UN TABLEAU DE LA GRANDE ÉPOQUE

Véritable théâtre dans le théâtre, largement remanié en 1926 avec l’ensemble du bâtiment, le vaste promenoir des Folies Bergère va faire l’objet d’un étonnant tableau qui rappelle l’importance de la salle. Ce tableau est un véritable résumé où l’on peut apercevoir Polin, un fantaisiste qui influença Maurice Chevalier et qui débuta en même temps que Mistinguett (elle vivra une idylle avec l’homme au canotier pendant dix ans).

(tableau des Folies Bergère - détails)

Sur le tableau est également présent Loïe Fuller, une des premières artistes à mêler intimement la danse et la lumière. Dans son numéro extraordinaire où se mélangeaient les deux « ingrédients », elle réussira à envoûter le public du célèbre cabaret. Même si aujourd’hui, avec le laser et toutes les techniques avancées, cela peut paraître d’une grande banalité, à l’époque, son spectacle sera presque aussi fort que la découverte du cinéma.

Si la danseuse américaine arrive à mettre Paris à ses pieds, d’autres légendes internationales vont faire aux Folies Bergère des débuts bien plus modestes. Ces artistes, absents du tableau, l’histoire du music-hall, retiendra leur nom par la suite : Stan Laurel, Charlie Chaplin et W. C. Fields. Pourquoi cette absence ?

En 1910, au moment où Mistinguett et Maurice Chevalier étaient à l’affiche, les trois comédiens faisaient partie de la troupe de music-hall britannique de Fred Karno. C’est à cette occasion que les deux artistes français ont vu Stan Laurel et Chaplin débuter à Londres comme mime et W.C. Fields en acrobate de génie. Mais déjà, de l'autre côté de l'Atlantique, les lumières d'un autre music-hall révolutionnaire et tout nouveau frappait à la porte : le dénommé cinéma. Au cœur de quelques décors imaginés par un Hollywood assoiffé d'aventures, Laurel, Chaplin et Fields allaient inventer des personnages de folie, souvent imités, mais jamais égalés.


LA RENOMMÉE DES FOLIES BERGÈRE : DES DÉCORS ET DES REVUES

Aujourd'hui, pour ceux qui auraient oublié cet âge d’or du spectacle parisien, il suffit de pousser une porte pour se plonger dans l’atmosphère endiablée des Années Folles. Entièrement repensée en 1926 par l’architecte Maurice Picot, la salle des Folies Bergère a conservé intacte ses reliefs Arts Déco et la couleur pourpre de ses 1800 fauteuils. Un décor qui a été classé Monument historique et qui demeure un des plus beaux fleurons de cette période.

Le comédien Paul Derval deviendra l’hôte privilégié de ce lieu durant les années 20 pour devenir rapidement le directeur artistique. Puis, suite à la disparition du propriétaire Raphëel Beretta, il obtiendra les « clés de la maison ». À partir de ce moment-là, Paul Derval va, durant des décennies, inventer des revues qui auront toutes un point commun : celui de posséder un nom en treize lettres. Ce chiffre deviendra le chiffre porte-bonheur de l’établissement.

Dans les années 20, la renommée des Folies Bergère est si puissante que les artistes du monde entier ne rêvent que d’une chose : être à l’affiche de ce lieu incontournable de la capitale. Les spectateurs viennent voir les danseuses nues. On vient s’encanailler, voir les numéros et surtout la reine des Folies Bergère. Mistinguett sera la première. Joséphine Baker qui lui succède deviendra la véritable figure de proue des Années Folles. Elle va marquer plus que nulle autre l’art de la revue.

En 1926, Joséphine Baker, qui triomphe au Théâtre des Champs-Élysées dans la revue nègre, est bien décidée à aller plus loin. C’est alors que Paul Derval a l’idée de l’habiller d’une ceinture de bananes, et c’est comme ça que dans une revue intitulée La folie du jour, Joséphine Baker va connaître un triomphe mondial. L’histoire retiendra cet apparat audacieux, symbolisant l’artiste à travers le temps, mais aussi une certaine idée inavouée du public parisien pour les gens de couleur à l’époque du colonialisme.

Paul Derval imaginera bien d’autres effets de mise en scène pour sa grande vedette, comme en la faisant sortir d’une énorme boule, debout sur un miroir. En compagnie du jeune hongrois Michel Gyarmathy, le génie du maître des lieux continuera à donner aux revues des Folies Bergère la splendeur des spectacles royaux jusqu’à son décès en 1966. Hélène Martini, une figure du Tout-Paris que l’on surnomme alors l’impératrice de la nuit, reprend d’une main ferme l’établissement.

Personnage de roman, fuyant une Pologne envahie par les Nazis, Hélène Martini a d’abord été danseuse nue aux Folies Bergère en 1937. Puis, elle se marie à M. Martini qui tient alors des cabarets parisiens. Mort brutalement d’une crise cardiaque, elle reprendra l’empire en le faisant décupler, ce qui lui permettra au passage de racheter les Folies Bergère tout en lui conservant son faste et sa célébrité.

Aujourd’hui, les Folies Bergère sont encore et toujours un des grands symboles de la capitale. À ce jour, trois cent quarante-cinq marques portent son nom. Pourtant, avec le temps, le symbole est devenu fragile. Son rachat en 2011 par le producteur Jean-Marc Dumontet et le soutien du groupe Lagardère pourrait lui permettre de retrouver son éclat d’antan. Jean-Marc Dumontet : « C’est une belle endormie qu’il faut rénover. C’est une façade ternie par le temps, mais également des loges qu’il faut repenser pour accueillir les artistes dans de bonnes conditions. Il y a donc tout un travail d’accueil et de réhabilitation à mener. Ensuite, sur le pari artistique, il faut que cela soit une salle qui vive...

Aujourd’hui, dans un monde de communication qui zappe, il faut avoir une programmation qui aille vite et qui accueille différents styles de spectacle. Les Folies Bergère doivent s’ouvrir à plein d’artistes sans oublier les revues, car ce sont elles qui parlent au monde entier. À nous d’imaginer les revues du 21e siècle pour qu’on sorte peut-être un peu des plumes et que l’on sache bluffer les spectateurs en inventant du neuf, comme du temps où les Folies Bergère se réinventaient sans cesse. » (1)

Par PATRICK MARTIAL (Cadence Info - 04/2015)

(1 - Source : Electron libre prod. 2012)

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