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SON & TECHNIQUE

L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE INVENTE LA MUSIQUE DE SCHUBERT

L’intelligence artificielle continue de surprendre. Comme pour les projets « Flow Machines » en 2016 et « Amper » en 2017, elle continue de slalomer entre réalité et virtualité. Le 4 février dernier, une nouvelle étape venait d’être écrite, mais pas encore une révolution. La musique classique, qui jusqu’à là avait fait « profil bas », s’est trouvée capturée par cette « intelligence » à travers la symphonie inachevée de Schubert…


L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET LA SYMPHONIE INACHEVÉE DE SCHUBERT

Tout a commencé le soir du 4 février 2019 au Carnegie Hall de Londres, au moment de l’interprétation de la symphonie inachevée de Schubert, quand un parterre de journaliste de la presse européenne a pu entendre pour la première fois les deux derniers mouvements de la symphonie que le compositeur n’avait pu ou voulu terminer de son vivant.

Les musiciens de l’English Session Orchestra étaient là pour défendre une version encore jamais entendue. Alors que l’écriture du compositeur autrichien ouvrait la symphonie, l’intelligence artificielle avait pour mission de l’achever. Huawei, le géant chinois des télécoms porteur du projet, réalisait ce soir-là un coup de com gratifiant en vantant la puissance de calcul de ses smartphones Mate 20 Pro.

À la différence de « Flow Machines », les puissants ordinateurs ont cédé leur place au programme d'intelligence artificielle du dernier smartphone Huawei. Pour arriver au résultat escompté, le principe reste le même : recueillir un maximum d’informations musicales en puisant cette fois-ci non seulement dans la partie déjà écrite de la symphonie, mais aussi dans toute l'œuvre de Schubert ainsi qu’auprès de ceux qui l’ont influencé.

Toutes les données, aussi bien techniques que théoriques, allaient servir de matériau de base pour élaborer une suite cohérente aux deux premiers mouvements ; l’enjeu étant de se rapprocher au plus près de l’esthétique et de la sensibilité du compositeur. Timbre, mesures, orchestration, envolées mélodiques ont été ainsi récoltés. La main de l’homme, en la personne du jeune compositeur Lucas Cantor, allait redéfinir, trier et assembler ce que la machine avait « imaginée ».


FINAL DE LA SYMPHONIE INACHEVÉE DE SCHUBERT
(English Session Orchestra – 04/02/2019)

ET LA CRITIQUE FUSA !

Pour fournir à l’English Session Orchestra une orchestration acceptable, la difficulté de ce pari audacieux était d’avoir à l’esprit une écriture dont l’origine remonte en 1822, date où Schubert a commencé à écrire sa 8e symphonie. Seul bémol : le compositeur Lucas Cantor étant plus habitué à illustrer des musiques vaguement publicitaires – il est notamment l’auteur de la musique des jeux Olympiques de Salt Lake City et d’une bande-son pour Kenzo – sa mission devenait tout de suite improbable. De là à ce qu’un tollé de récrimination s’élève, il n’y a qu’un pas. À qui la faute ? À une Intelligence Artificielle incapable de gérer les informations reçues ou à celle d'un musicien dans l'incapacité de se « téléporter » en 1822 ?

À cet instant précis où la comparaison avec Schubert devient un piège et où l’art se révèle aussi difficile que subjectif, chaque soi-disant spécialiste s’en est allé de sa petite phrase mesquine. À croire que ce qui se passe dans le domaine de l’Intelligence Artificielle n’est pas encore perçu avec le recul nécessaire, ou tout simplement analysé avec objectivité. Dans le domaine musical, l’IA en est encore à des phases de test, même si pour le constructeur Huawei l’enjeu est avant tout commercial et non purement musical. Ne nous y trompons pas !

Nous avons devant nous une révolution dont nous sommes bien incapables d’imaginer la suite. Avant d’avoir toutes les cartes maîtresses pour créer en partant de rien, l’Intelligence Artificielle, comme un glouton, avale ce qu’on lui donne à manger. Le choix s’est porté sur un processus d’imitation par regroupement d’idées. Pour l’instant l’IA n’est pas autonome et a besoin de l’homme pour trouver un cap. Cependant, qu’en sera-t-il demain de la notoriété du compositeur, de l’interprète et des droits d’auteur face à des outils qui, contrairement à nous, ne se fatigue pas, n’ont pas d’ego et ne sont pas vénal ? J’entends d’ici la zizanie entre les compositeurs, interprètes et mélomanes ! Autour de nous, un vent de folie plane déjà ! Ne le sentez-vous pas ?

Par Elian Jougla (Cadence Info - 02/2019)

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