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CHANSON


ENFIN ! MICHEL POLNAREFF : UN ALBUM ATTENDU MAIS DÉCEVANT

« Enfin ! »… Attendre autant d’années, cela mérite que l’on s’y attarde. Premièrement parce que Michel Polnareff a marqué toute une époque par sa personnalité, ses chansons, sa voix et ensuite parce qu’avec le temps, de la nostalgie s’est installé entre lui et nous…


L'ALBUM ENFIN ! TROIS INSTRUMENTAUX ET HUIT CHANSONS

À l’écoute du disque, nous pourrions être surpris par la place accordée aux instrumentaux (au nombre de trois sur les onze titres présents). On le sait déjà, le musicien ne manque pas de savoir-faire. Polnareff a toujours su manier les orchestrations, même si certaines écritures les rendent parfois pompeuses ou clinquantes. Dès lors, on se retourne vers le passé pour trouver trace du compositeur et l'on se remet à écouter par nostalgie l’album Polnareff’s réalisé en 1971, son troisième album, sans compter les quelques musiques de films qu’il a signées : Lipstick, La folie des grandeurs, La vengeance du serpent à plumes… Polnareff avait entrouvert, parallèlement à sa carrière de chanteur, une autre voie très prometteuse, mais qu’il a refermé sans que l’on sache vraiment pourquoi ! Capricieux le Michel ?

Avec son album Enfin ! le chanteur nous fait la grâce de nous offrir trois instrumentaux. Force est de constater que celui qui sert d’ouverture à l’album et celui qui le clôture durent environ dix minutes chacun, ce qui est réellement trop et pas vraiment nécessaire quand on songe aux années passées à attendre que l’artiste daigne nous offrir de nouvelles chansons. Certes Polnareff joue le musicien caméléon en s’amusant des styles, de la musique vaguement disco aux effleurements rock et jazz jusqu’aux envolées symphoniques, mais pour le grand public, il reste avant tout un chanteur ; Michel Polnareff appartenant à cette catégorie d’interprètes qui savent contrôler tout le potentiel de leur voix avec élégance.


Alors après 28 ans d’attente, les admirateurs de l’artiste risquent-ils d’être déçus ? Ceux qui gardent le souvenir heureux du chanteur incendiaire des tubes passés : Love Me Please Love Me, Goodbye Marylou ou Âme Câline... certainement ! Reste la voix aussi virtuose et belle malgré l’âge et la santé chancelante d’un homme de 74 ans ; une performance qu’il faut ici saluer.

Des huit chansons présentes, il faut déjà en éliminer deux du fait qu’elles ont déjà été publiées en single : Ophélie flagrant des lits en 2006 et L'homme en rouge en 2015 qui narre une histoire autour du père Noël en ‘oh oh oh’ avec envolée orchestrale à l’appui. Pas terrible !

Seulement six nouvelles chansons signées Polnareff, dont quatre co-signés avec Laurent Lescarret alias Doriand, nous attendent. Une livraison minimale bien difficile à imaginer vis-à-vis d'un artiste qui prétend détenir matière à produire une dizaine d’albums ! Une pointe de mégalomanie, Michel ?


MICHEL POLNAREFF : GRANDIS PAS

MALADRESSE DE LA PART DE POLNAREFF OU MANQUE D’INSPIRATION ?

En forme de minisymphonie, l’instrumental Phantom qui ouvre l’album sert de mise en attente avant le top départ de la première chanson. La voix de Polnareff jaillit enfin des enceintes !

Les mauvaises langues diront que le manque d’inspiration en est la cause, et que remplir l’espace de notes avec des cordes et des cuivres en harmonie reste une saine occupation, à défaut peut-être d’innover et de surprendre. Le fait est là ! Rien ici ne vient nous étonner vraiment. Le produit est manufacturé proprement mais façon années 70/80, avec un retard de 40 ans à l’horloge. L’important ne serait-il pas de savoir bifurquer, ne serait-ce qu’un tout petit peu, pour nous confondre et pardonner nos critiques ?

La référence à l’album Polnareff’s s’impose à mes oreilles, mais pourquoi ? À cause de la présence d’instrumentaux ? Oui, certainement, bien que l’esthétique et la forme ne soient pas la véritable faiblesse de ce nouvel album. En vérité, la principale raison se trouve dans le manque de tonicité des paroles qui ne sont pas à la hauteur de l’attente. « J’trouve pas les mots pour cette chanson-là / J'ai trouvé que ça / Ta-ra-ri-ra-ra-ri-ra » chante-t-il dans Longtime. Serait-ce un aveu, Michel ?

Dans Sumi, il aborde les mésaventures d’une geisha et de certaines mœurs japonaises : « Alors j'ai voulu lui faire du mal / J'ai voulu lui faire le mâle / Mais elle l'a pris très très très très très mal / Alors j'ai voulu me faire la malle ». Ensuite nous avons Positions et Terre Happy. La première raconte les obsessions érotiques du chanteur, Ah bon ! Et la seconde ? Polnareff se lance dans un plaidoyer écologiste, mais un plaidoyer qui montre rapidement ses limites et son manque d’élévation : « Je m’appelle la Terre et toi, tu ne sais même pas toute ma colère, tu tues mes arbres, mes forêts, mes abeilles, t’es qui, t’es rien (terrien) »

On arrive enfin aux deux dernières chansons qui se révèle être les meilleures de l’album Enfin ! (sans mauvais jeu de mots) Je vais me répéter, mais Polnareff excelle dans le registre des ballades, surtout quand sa voix par magie cherche à nous séduire.

La maigre consolation se trouve donc dans les titres Dans ta playlist et Grandis pas. Auraient-elles des vertus thérapeutiques ? « Si j’existe, c’est d’être dans ta playlist » Le texte s’adresse certainement à un fan de la première heure ou à un autre qui s’est reconverti tardivement. Quant à Grandis pas, avec son message ‘fleur bleue’, plein de tendresse, la chanson ne s’adresse pas à nous, mais à son fils Louka (que l’on entend brièvement marmonner sur l’instrumental Louka’s song)


EN CONCLUSION…

Le verdict pourrait être sans appel après tant d’années, d’incertitudes et de remises à plus tard. La flamme n’est pas éteinte, car la justesse, le professionnalisme sont là (malgré quelques réserves concernant le mixage de la voix parfois trop en retrait pour rendre le texte intelligible) Alors est-ce suffisant ? Ceux qui connaissent bien la carrière de Michel Polnareff ne seront pas épatés - et même consternés par la teneur de quelques vers. Le seul point d’accroche reste la voix d’un homme âgé, insensible au temps qui passe. Ses capacités sont restées presque intactes. Sans devoir nous resservir « La trompette » des temps héroïques, Polnareff montre toujours autant de souplesse à grimper dans les aigus. La voix sera donc pour certains le seul élément consolateur. Bref, Polnareff fait du Polnareff, mais avec moins de grandeur. Un constat fort regrettable, surtout si l’on imagine que nous avons là, entre nos mains et nos oreilles, peut-être le dernier opus signé Polnareff !

Par Elian Jougla (Cadence Info - 12/2018)

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