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CHANSON

MICHEL POLNAREFF SUR LE DEVANT DE LA SCÈNE

Cette page fait suite à MICHEL POLNAREFF, EXIL ET RETOUR D’UNE STAR DE LA CHANSON


'LETTRE À FRANCE', UNE CHANSON PLEINE D'ESPOIR

La France lui manque, mais il sait qu’il ne peut pas revenir. Le territoire lui est interdit, car ses dettes fiscales ont toujours cours. Toutefois, grâce à la station RTL, un concert est organisé en octobre 1975 à Bruxelles, en Belgique, un lieu où le fisc français ne viendra pas l’inquiéter. Ce départ pour un pays voisin de la France permet à Polnareff de garder espoir. Plusieurs milliers de spectateurs français font le déplacement, tout heureux de retrouver cet artiste qui venait de traverser une période très difficile. Or, quelques heures avant le concert, comme si le mauvais sort s’acharnait, le matériel est bloqué par la douane française. Le concert ne pouvant être annulé, une sonorisation de secours est rapidement mise en place devant 20 000 personnes qui bouillent d’impatience. Polnareff rentre sur scène et tente désespérément de sauver les meubles, s’amusant même à chaque fois qu’un accident technique survient. Le chanteur fait face et ça marche !

Pour lui, plus de doute, son public est d’abord un public francophone, et c’est de retour aux États-Unis qu’il va écrire ce qui le dévore de l’intérieur. La chanson se veut nostalgique et mélancolique et s’intitule Lettre à France. Jean-Loup Dabadie est à l'écoute et transcrit admirablement le malaise du chanteur : « Depuis que je suis loin de toi / Je suis comme loin de moi / Et je pense à toi tout bas / Tu es à six heures de moi / Je suis à des années de toi / C'est ça être là-bas / La différence / C'est ce silence parfois au fond de moi. » Cette chanson n’est pas seulement une chanson, c’est un socle, un puissant témoignage qui échafaude le secret espoir d’un retour sur le devant de la scène.


MICHEL POLNAREFF : LETTRE À FRANCE

Le 4 octobre 1978, il vient en France pour régler ses dettes avec le fisc français. Il fallait que cet exil cesse, ne serait-ce que pour s’expliquer avec la justice et qu’enfin il récupère ses droits d’auteur. Grâce à ses avocats, la preuve est faite qu’il n’est en rien responsable de ce qu’on lui reproche et qu’il a seulement été abusé par son homme de confiance. Un accord est signé avec le fisc et le chanteur se trouve lavé de tout soupçon. Désireux de retrouver le calme de l’anonymat, il repart une nouvelle fois pour les États-Unis. Dès lors, Polnareff va vivre comme un paisible américain, ne venant sur le sol français que par épisodes…


COMME UNE BULLE DE SAVON…

En 1981 sort Bulles, premier album chanté en français, mais enregistré aux États-Unis. Polnareff renoue avec le succès et le disque sonne comme une résurrection. Tam-Tam, Radio et Je t'aime résonnent sur les ondes françaises. Quatre ans plus tard sort un album qui portera bien son nom : Incognito, mais celui-ci est un échec commercial et personnel. Une fois de plus, l’artiste fuit et plonge dans ses doutes. On croit alors le chanteur perdu dans un coin de l’Amérique tandis qu’en réalité il séjourne en France.

Nous sommes en mars 1985 et Michel Polnareff mène une vie paisible à une heure de Paris, en pleine campagne, dans un hôtel à Fontenay-Trésigny (Seine-et-Marne). Loin de tout et surtout loin des médias, l’artiste s’isole et devient un sédentaire du lieu. Il y passera 18 mois avant de s’installer dans une chambre toute simple située en plein cœur du village. Dans ce cadre bien moins idyllique que ce qu’il connaissait aux États-Unis, le chanteur cherche à se retrouver, à faire le point et à s’entourer de gens simples. Il se laisse vivre jusqu’à devenir méconnaissable : une barbe fournie, des cheveux longs qui retrouvent leurs couleurs naturelles et des fringues très passables, pour ne pas dire misérable… Seules ses larges lunettes blanches rappellent que le personnage n’est autre que Michel Polnareff.

La rumeur de cet étrange personnage vivant dans ce paisible village non loin de la capitale finit par parvenir aux oreilles des maisons de disques. Tous les producteurs de la capitale cherchent alors à reprendre contact avec lui. À l’été 1988, Henri de Bodinat, alors patron de Sony Music, le rencontre au prix d’un véritable jeu de pistes rocambolesque. L’enjeu était d’avoir dans le catalogue le prestigieux nom de Polnareff. Pour l'instant, il importe peu que l’artiste soit en mesure ou pas de produire de nouveaux tubes.

Toutefois, en laissant du temps au temps, et au prix de nombreuses concessions, deux ans plus tard sort l’album Kâmâ Sutrâ. La particularité de cet album est d’avoir été enregistré dans un palace parisien, le "Royal Monceau", où l’artiste restera plus de deux ans pour peaufiner sa réalisation. Le bar sert alors de studio d’enregistrement au moment où les gens s’en vont pour aller dormir. Ce contexte assez atypique convient à Polnareff qui ne lésine pas sur ses efforts pour que le projet réussisse. Le premier 45 tours, Goodbye Marylou sort en juin 1989 et explose aux oreilles des auditeurs. C’est un carton ! Six mois plus tard l’album est enfin dans les bacs.

De la musique et seulement de la musique, c’est ce que retient l’auditeur lambda, car Michel Polnareff demeure encore et toujours cette vedette secrète que les fans attendent de voir avec impatience. Le mégalo et misanthrope chanteur accepte alors que toute interview se réalise à ses conditions, c’est-à-dire dans la suite de l’hôtel "Royal Monceau" qu'il ne quitte jamais.

Face à cet isolement volontaire, Michel Polnareff noie sa mélancolie dans l’alcool et s’enfonce à nouveau dans la dépression. Son entourage, ses amis, ont bien du mal à comprendre son mal-être, cette attitude destructrice qui ne trouve sens à leurs yeux. Le tourment du chanteur est enfoui dans un mutisme porté par le quotidien, tel un secret qui ne peut s'échapper. C’est son amie et manager de toujours, Annie Fargue, qui comprend que le chanteur souffre d’une cécité profonde qui peut le conduire à devenir aveugle. Cette perte de vue qui a commencé lors de son séjour à Fontenay-Trésigny s’accentue jour après jour. Il existe une opération, mais comme toute opération, elle n’est pas sans risques. Le chanteur hésite et finit par quitter l’hôtel après 800 jours d’enfermement le 17 octobre 1994 pour se rendre dans une clinique parisienne.

Le chanteur a une cataracte totale, à un stade où seule la perception lumineuse est possible. Convaincu par le chirurgien, il accepte l’opération qui, fort heureusement réussit. À la sortie de la clinique, son premier désir sera de se balader en ville. Polnareff, qui n’a pas connu ça depuis 10 ans, renaît aux lumières, tout simplement à la vie. C'est un miracle, et ce miracle laisse entrevoir un hypothétique retour à la scène…


© B. Carlson - Michel Polnareff en concert au Zénith d'Auvergne le 24 mars 2007

LA RECONQUÊTE DE L'ARTISTE PAR LA SCÈNE

La scène française qu’il a quittée il y a plus de 20 ans se fera d’abord loin de la France, à travers un concert unique à Los Angeles, dans une salle mythique, le Roxy, où se sont produits entre autres Jim Morrison et les Doors.

Le 27 septembre 1995, Michel Polnareff entre sur scène, métamorphosé pour ce concert unique sur le Sunset Boulevard. Comme à son habitude, le chanteur est confiant et ne craint visiblement pas ce retour sous les projecteurs. La salle, toute petite, est plongée dans une chaude ambiance. Un disque live, destiné au public français, témoignera de ce pur moment de bonheur sous le titre : Live at the Roxy (1996).

Face à cette réussite, Michel Polnareff se sent enfin prêt à affronter la scène française… En attendant, il va se réfugier dans sa demeure située en plein désert, à Palm Springs, où il recommence à écrire de la musique. Polnareff est bien décidé de revoir la France pour chanter, mais à la seule condition que le concert soit tel qu'il le rêve. Huit ans de négociations seront alors nécessaires avec les maisons de disques pour que ce retour sur scène prenne forme.

À la fin 2006, suite à un coup de fil passé par le chanteur en provenance des États-Unis, le journaliste de RTL Anthony Martin est invité à se déplacer pour rencontrer la star qui doit lui annoncer son grand retour. Celui-ci aura lieu à Bercy du 2 au 11 mars 2007. Gilbert Coullier, alors producteur du spectacle, est l’un des rares à croire en cette déclaration. Pourtant, auprès des fans, et après un affichage très novateur (l’affiche ne fera que suggérer la tête du chanteur sans mentionner son nom), les premiers billets se vendent comme des petits pains (plus de 20 000 dès le premier jour). Chaque détenteur de billet imagine à juste raison que ce concert-là est peut-être l'unique occasion de le voir dans sa vie.

L'impatience grandit. Le premier rendez-vous est toujours confirmé pour le 2 mars 2007, mais les gens s’interrogent : viendra-t-il ou ne viendra-t-il pas ? Mais à quelques heures du spectacle, les rumeurs sans fondement s’effondrent brutalement : le chanteur est bien là dans les coulisses et il aborde ce défi avec la ‘zen attitude’ : « L’heure du sacrifice humain a sonné » dira-t-il avec humour face à la caméra.

Il est 21 heures. Bercy retient son souffle. Au son d’une guitare sèche, sous une immense paire de lunette blanche qui illumine le fond de la scène, Michel Polnareff entre sur scène. Face à de tels événements qui conjuguent stress, pression, mais aussi émotion, il est impossible de reculer ou de faire un pas de côté. On imaginait sa voix perdue, mais ce soir-là elle fut magique comme au premier jour, présente, claire, limpide.

Le temps d’un concert, Michel Polnareff venait d’effacer tous les ont-dit qui vampirisaient son rang. Le succès est tel que quatre concerts à Bercy seront ajoutés, mais le plus important se situe bien loin de la scène. Le chanteur aura en effet démontré qu’il pouvait surmonter ses peurs et ses doutes pour que son rêve se réalise enfin. La solitude, mais aussi la fidélité résument assez bien ce retour en force du chanteur, lui qui n’a jamais cessé de jouer à cache-cache avec le public, mais aussi avec lui-même.

Depuis ce concert, une dizaine d’années se sont écoulée. Jusqu’à présent, le chanteur s’est contenté de présenter quelques compilations discographiques de ses plus belles chansons et musiques, de recevoir des éloges et des prix et de participer à quelques rares émissions médiatiques. Malgré une vie toujours aussi mouvementée (en avril 2015, il dénonce la caricature faite de lui par l'organisme de crédit Cetelem) et des problèmes de santé survenus récemment (il a été victime d'une embolie pulmonaire en 2016), je reste convaincu que Polnareff est toujours attaché à son public et qu’il reviendra chanter pour lui sous une forme peut-être inattendue (1), voire ambitieuse. Cependant, pour qu'un tel évènement se produise, il faudra être patient, mais alors très patient !

1 - On annonce son retour dans la comédie musicale Le Fantôme de l'Opéra au Casino de Paris, en 2019.

Par Elian Jougla (Cadence Info - 12/2017)

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