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INSTRUMENT ET MUSICIEN

MUSICIEN ET FACTEUR D’INSTRUMENTS, UNE RELATION DE CONFIANCE

Ce sont des spécialistes. Sans leur professionnalisme, leurs compétences et leurs interventions, il existerait certainement pas mal de malaise au cœur de la musique. Pensez donc !... Pourtant, au moindre « bobo », c'est souvent chez le facteur d'instrument que le musicien trouve la réponse et la solution. Un constat s’impose à nos oreilles comme à nos yeux : ces gens-là sont des sortes de "Merlin l’enchanteur" au royaume des sons et des vibrations.

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LE RAPPORT A L’INSTRUMENT

Le musicien, qu’il soit violoniste, guitariste, pianiste, flûtiste ou saxophoniste, a généralement pour habitude de confier son précieux instrument entre les mains d’un facteur quand il s’agit de procéder à une révision ou quand survient un problème plus important. Cette confiance possède un sens particulier, car il n’est pas de même nature que celle qui lie, par exemple, l’automobiliste à son garagiste. Non pas, qu’il ne faut pas avoir confiance en son garagiste, mais il est certain que pour le musicien qui joue de son instrument tous les jours, qui répète ses exercices au quotidien ou qui travaille sur de nouvelles œuvres avec bonheur ou par obligation, le sentiment de possession prend au fil du temps une tout autre importance. L’instrument devient un « bébé » qu’il faut cajoler, protéger, car il est fragile. Fragile aux chocs, aux intempéries… Bref, aux mauvais traitements !

Le premier des accords qui réunit le musicien au facteur d’instrument est bien celui d’avoir un instrument en « bonne santé ». Tous deux savent que pour durer, un instrument doit être régulièrement entretenu. Au passage, je vous ferais remarquer que si généralement on conçoit une dose de fragilité pour des instruments comme le violon ou la guitare, il existe dans l’inconscient collectif, des instruments qui, par leur allure robuste, semblent échapper à toute faiblesse. On songe tout de suite aux instruments à clavier (piano, clavecin, orgue) et surtout aux percussions, comme la batterie. Pourtant, eux aussi, n’échappent pas à quelques règles de bonne conduite. Ainsi, lors d’une utilisation quotidienne, l’accord des peaux et la vérification de la bonne tenue des vis de serrage est le minimum de surveillance que l’on doit accorder à une batterie, si on l'aime bien. Quant au piano, outre un accord régulier (minimum 1 fois par an), une révision complète de l’instrument est recommandée tous les 4/5 ans (sauf s’il s’agit d’un instrument de concert, car, dans ce cas, la révision doit être conduite beaucoup plus souvent).

Si les pièces s’usent naturellement, c’est aussi en fonction du traitement qu’elles subissent au quotidien. Même si le musicien est vigilant, il ne peut connaître comme un fabricant ou un facteur d’instrument les faiblesses de telle ou telle pièce. Les composantes des essences de bois utilisées entraînent une fiabilité plus ou moins grande dans le temps (les deux grandes familles étant les résineux - pin, mélèze… - et les feuillus – chêne, hêtre, acajou, balsa, bouleau… qui ont chacun leurs avantages et inconvénients), la qualité de l’assemblage, usiné ou à la main, n’est pas sans conséquence. La mécanique joue aussi un grand rôle, car c’est elle qui est la plus sollicitée en étant en contact direct avec le jeu du musicien.

Le rapport de l'interprète à l’instrument n’est pas exempt de reproches. Il existe un paradoxe chez lui. Outre, l’étrange relation qu’il entretient parfois avec l’instrument, il peut jouer des années sur un instrument sans finalement connaître le B.A.-BA du rôle tenu par les pièces principales le composant. De fait, en cas d’accident, même mineur, le musicien est aussi dépourvu de solution que le conducteur qui se trouve en panne au bord de la route, sauf… que pour l'artiste, si la « panne » survient avant ou pendant un concert, cela peut se révéler catastrophique ! Bien sûr, il n’est pas demandé à un musicien de connaître son instrument dans les moindres détails, mais un minimum de connaissances dans le domaine de la fabrication et du fonctionnement devrait faire partie de l’apprentissage, au même titre que le solfège ou la technique. Dans les faits, les écoles et les conservatoires donnent le « la » du diapason, mais apprennent que rarement à leurs élèves à changer une corde de guitare ou à réparer un jack. Ce genre de manipulation technique très basique s’apprend sur le tas, faute de l’aborder autrement.


LE FACTEUR D’INSTRUMENT, UN CONFIDENT

Quand le musicien est dépassé par les événements, il s’empresse de téléphoner à un réparateur d’instrument pour prendre conseils. La relation qui se noue est souvent une relation de passionné où la musique devient confidence. Le musicien expose alors ses problèmes... « Qu’est ce qui ne va pas, cher ami… Ce n’est que ça ? Il me semble bien que ce que vous me décrivez là n’est qu’une fissure de l’âme. Ce n’est pas bien grave, mais ne tardez pas à venir me voir. » Rassuré, le musicien redevenu un candide entre les mains du facteur comprend que l’âme de son violon n’est en fait qu’une cheville de bois que l’on coince tout contre la table d’harmonie à l’aide d’un outil, la bien-nommé « pince à âme ».

Le lieu de travail est généralement un endroit tranquille, dans une petite rue, parfois dans des endroits insolites, loin de tout. À l’intérieur, un simple établi ou un atelier plus conséquent abrite un désordre apparent dans lequel l’artisan trouve toujours ses repères. Tandis qu’un étau maintient deux pièces de bois durant plusieurs heures pour un assemblage parfait et résistant, le facteur pose sur son tablier la volute d’un violon qu’il doit poncer. Ailleurs, chez un autre facteur, ce sont des pianos ouverts qui montrent aux yeux des rares visiteurs leurs mécaniques complexes, attendant patiemment que leur tour arrive.

Ces lieux possèdent quelques aspects magiques, car l’instrument qui rentre « malade » ressort le plus souvent « guéri ». Parfois, il faut du temps pour que l’opération réussisse. L’honnêteté est de mise et le doute interdit, d’autant plus quand la responsabilité du facteur engage un instrument de grande valeur.

L’artisan s’emploie à répéter des gestes précis pour peaufiner l’arrondi d’une cheville, pour réparer la « fracture » d’une table d’harmonie ou pour corriger les frettes d’un manche de guitare. Les problèmes rencontrés sur les instruments de musique sont très nombreux, et chaque famille demande des connaissances poussées. C’est pourquoi vous ne rencontrerez jamais un facteur d’instrument de clavecins commettre l’erreur d’appliquer ses théories et ses connaissances sur un autre instrument de la même famille, même « cousin » comme le piano.

Chaque instrument possède son caractère, sa personnalité. Le cahier de charges implique que toute réparation ne doit en aucun cas altérer les spécificités d’origine. La beauté sonore doit être conservée intacte. La mission est parfois périlleuse, car il faut trouver, sinon reproduire la pièce d’origine en utilisant les mêmes essences, les mêmes matériaux. Sans nul doute, le haut de gamme est à ce prix. D’ailleurs, c’est souvent à tout un cérémonial auquel on assiste. La religion de l’instrument rare, qui porte aux nues la moindre planchette d’épicéa centenaire, oblige à trouver les bons moyens quand il s’agit de jouter avec la perfection. C’est dans ces moments-là que l’on reconnaît le professionnalisme du facteur d’instrument, dans sa façon de découvrir la solution dès que tout semble perdu.

Par Elian Jougla (Cadence Info - 11/2015)


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