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MUSIQUE DE FILMS


OLIVIER FLORIO, INTERVIEW/PORTRAIT DU COMPOSITEUR DE MUSIQUES DE FILMS

Transversal, le compositeur Olivier Florio oscille à son rythme entre musique de film, un genre dans lequel il a creusé son sillon, et musique contemporaine. Son parcours n’est pas sans rappeler celui de Ryuichi Sakamoto ou encore d’Angelo Badalamenti avec lesquels il partagea un temps, la même maison de disques tout autant qu’une certaine approche de la musique.


OLIVIER FLORIO, UNE SENSIBILITÉ PLUTÔT QU'UN STYLE ?

Le compositeur, que le magazine Rolling Stone qualifie de « Conceptuel » est adepte des formes hybrides influencées par une de ses racines, la musique industrielle. Touche à tout, il utilise tour à tour l’orchestre, la musique électronique, le piano, le quatuor à cordes, le studio ou la guitare électrique. Le compositeur s’inscrit ainsi dans un parcours atypique qui le mène sur de multiples chemins sonores élargissant sans cesse son registre...


Comment avez-vous débuté dans la musique ?

Olivier Florio : Une sorte d’ennui diffus et existentiel a baigné une partie importante de mon enfance et j’étais instinctivement convaincu que d’apprendre la musique suffirait à équilibrer cet état. Je ne m’étais pas trompé.

Comment êtes-vous devenu compositeur ?

Enfant, lorsque je jouais certains morceaux du répertoire de guitare classique, je m’amusais à écrire de petites pièces similaires, par imitation. Peu à peu, j’ai approfondi ce domaine, de façon naturelle. Puis, l’idée de concevoir des œuvres pour divers instruments me fascina. La lecture de partitions d’orchestres, l’enchevêtrement des voix, la polyphonie, leurs structures m’obsédaient. Je suis donc passé par le conservatoire, la guitare classique, la composition, la musique électroacoustique et enfin le piano, le tout entre Paris et Nice.

© Guillaume Beguin

Prenez-vous plaisir à la composition, plus qu’à pratiquer des instruments ?

Composer est un domaine de liberté inépuisable et sans bornes pour moi, tandis que la pratique instrumentale constitue une source de plaisir, certes, mais toujours liée à une discipline stricte et rude, une sorte de mythe de Sisyphe. La composition me construit. J’ai le sentiment d’un dialogue intérieur, d’une exploration et plus j’avance, plus je mêle une recherche et un questionnement existentiel à cette démarche. J’ai eu un parcours assez multiple, complexe et touche à tout, surtout dans mes débuts. Il m’a fallu de nombreuses années pour commencer à synthétiser ce que je souhaitais réellement dire. Je me sentais écrasé par la masse, la masse d’œuvres préexistantes et la richesse de toutes ces influences musicales. J’avais une grande capacité de passer d’un style à l’autre, alors il me fallait tout comprendre, tout expérimenter. La musique classique, la musique contemporaine, mais aussi la pop, la production. Il a fallu décanter tout cela. Avec le temps, je commence à cerner mon identité sonore.

Avez-vous déjà composé pour des musiciens ?

Sous de multiples formations, de la guitare ou du piano solo en passant par le quatuor à cordes jusqu’à l’orchestre. Grâce à mes musiques de films, j'ai eu la chance de voir certaines œuvres jouées par des orchestres de niveau international comme le "Babelsberg Orchestra" de Berlin ou les musiciens du "NHK orchestra" de Tokyo.


OLIVIER FLORIO : "LE PASSAGER" (original soundtrack – 2016)
Successivement : Cracked days - Le passager I - Le passager III - Mur (1+2) - 1of 6 versus - 1 of 6 action - Crashed - Interstice - Hypnose - B-side (Instrumental version) - Croisement - Under - Twenty seconds you left behind - Mur 4 - The los thread.

Quel genre de musique aimez-vous composer ?

J’ai pendant très longtemps eu une sorte de double activité. L’une plutôt orientée dans le champ de la musique de films, de la recherche sonore et l’autre dans une sorte de post rock industriel romantique. Avoir étudié la musique électroacoustique m’a permis de développer une capacité assez élevée de production en studio et ainsi de produire ma propre musique dans un champ ou dans l’autre. Aujourd’hui, je dirai que la musique que j’aime composer est une musique qui tente de plus en plus de coller à mon questionnement existentiel. J’y insuffle une dimension atmosphérique, climatique, qui intéresse souvent les réalisateurs de films. De ce point de vue, je suis assez proche d’un Ryuichi Sakamoto qui mêlait à la fois une direction de recherches avec des œuvres proches de la musique contemporaine, mais aussi un travail à l’image et enfin une dimension plus pop avec son groupe YMO à l’époque, par exemple. Je pense avoir été influencé par son parcours.

Olivier Florio et le "F.A.M.E'.S Project Orchestra" dirigé par Oleg Kontradenko

Comment qualifieriez-vous les styles de musique que vous composez ?

Avec le temps, j’ai fini par cerner une des racines autour desquelles mon travail revenait fréquemment : la musique industrielle. Mais cela n’est qu’une racine. Je qualifierai ma musique d’hybride au sens où elle n’entre pas dans un champ clos de définition, un peu comme Angelo Badalamenti ou Clint Mansell. C’est une sensibilité plutôt qu’un style. J’y mêle au gré de mes envies des quatuors à cordes avec de l’électro ou du sound design ou encore tout ce qui peut avoir du sens pour moi.

Quelles sont vos sources d’inspiration ? Vos modèles ?

Ils sont très nombreux. Sakamoto, Angelo Balamenti, Clint Mansell, mais aussi Ligetti, Steve Reich, John Cage ou encore Laibach, NIN, Einstürzende Neubauten. Mais aujourd’hui, ce qui inspire le plus ma musique, ce sont des domaines de recherches de la physique expérimentale en lien avec la conscience. Cela ne se traduit pas par une musique complexe ou expérimentale, mais plus par une sorte de tentative de capter un lien entre la matière, la pensée et la conscience. Le monde, la réalité, tels que nous les connaissons, semblent être le résultat de phénomènes purement vibratoires. Y a-t-il quelque chose de plus proche que la musique pour explorer ce monde vibratoire ? Je crois que c’est une des raisons pour lesquelles la musique peut nous toucher aussi profondément au de-là du conscient, c’est cette capacité à entrer en résonances avec la vibration du monde. L’album The new Horizons était pour moi une façon d’explorer les bords de la conscience que je situe instinctivement à l’endroit même des bords de notre capacité de perception de l’univers physique. Il s’agissait donc d’un concept album, une sorte d’exploration des confins de l’espace et du temps. L’album Akashik est plutôt un regard vers le champ d’information sous-jacent à la réalité. Cela recoupe par extension des domaines comme le quantique, la non-localité, les synchronicités, le lien entre matière et conscience.


OLIVIER FLORIO : "THE NEWS HORIZONS" (album "The New Horizons – 2020)

La composition est-elle votre activité professionnelle principale ?

Depuis de nombreuses années, il m’arrive aussi d’écrire des textes de chansons dans le cadre de mes projets OolfloO et VangHard. Je travaille aussi sur des formats d’écritures plus longs avec un premier roman Médor XY (non encore édité) et La densité (travail en cours).

Comment adaptez-vous les instruments classiques avec la musique électronique ?

Du fait de mon double parcours dans la musique classique et électroacoustique, j’ai très souvent mêlé les deux. C’est une constante de mon travail. Je les combine par complémentarité.

Et vos projets en 2023 ?

Actuellement, je travaille à la préparation de concerts au clavier, seul afin d’interpréter mon album AkashiK dans de petites salles et appartements, et également sur une série de quatuors à cordes que je souhaiterais enregistrer. Je suis actuellement en recherche de financements pour ce projet.

par Anne Valenti (Cadence Info – 05/2023)

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