ARLEQUINE, UN AUTOPORTRAIT JOUANT AVEC LES AMBIANCES
Dorothée, alias The Rodeo, s’affirme comme une femme multiple, doté d'un répertoire multifacette et déployant son talent et ses charmes chaque fois qu'elle monte sur scène. Moins victime des apparences que désormais jouant avec elles, la chanteuse change de peau comme de registre. Elle négocie son répertoire, basculant du grave à la légèreté avec cette voie de Lolita qui fait glisser les mots avec un détachement et une langueur à la fois douce et mélancolique.
Rétrospectivement, The Rodeo, a signé trois albums au style fort différent. Le premier, consacré à la country-folk américaine (Music Maelström - 2010) sera suivi cinq ans plus tard de La Musica Del Diavolo, dans lequel la chanteuse nous entraîne du côté des girls bands de la Motown et de Phil Spector. Quant à Thérianthropie Paradis, son précédant album réalisé en 2018, la chanteuse assumait sa part animale, sauvage et sensuelle, dans un registre en clair obscur et armé d'intenses mélodies. Elle évoquait et transcrivait en neuf titres la couleur d’une pop française stylisée "années 1970-1980" à la fois complexe, enlevée, voire "tubesque" et toujours porteuse d'une dimension sophistiquée.
Désormais, avec Arlequine, elle explore ses paysages intérieurs avec une acuité grandissante, dessinant au fil du temps, une discographie en forme d’autoportrait. Enrichie de maîtres-mots, sa quête d'une recherche introspective s'affine et expose, aux yeux de tous, l’assurance de ceux qui ne doutent plus. Dorothée présente un portrait fidèle d’elle-même en y apparaissant comme une figure féminine portant le courage et le dépassement de soi à bout de bras, surmontant les épreuves de la vie.
Armée de belles références issues de la chanson française, notamment Nino Ferrer et Françoise Hardy, Dorothée assume par ailleurs ses penchants pour les musiques anglo-saxonnes (Divine Comedy, Karen Dalton, Margo Kuryan, Blonde Redhead). Autour d'elle, des musiciens et amis fidèles, tous impliqués dans la réalisation de l’album : Laurent Blot à la guitare, Mathieu Geghre aux claviers, Jérôme Laperruque à la basse et Antoine Kerninon à la batterie ; quatre musiciens qui traduisent parfaitement les différentes phases de sensibilité parcourant chaque titre.
THE RODEO : "TITANIC"
Le clip a été tourné dans les sublimes paysages de l'Aveyron et réalisé par Elodie Daguin et Charlotte Giamarchi.
DES TEXTES SOMBRES SUR DES MUSIQUES OPTIMISTES
Les faits, rien que des faits, du confinement jusqu'à la rupture sentimentale... Dans La Coupe est pleine, The Rodeo se présente en femme soupçonneuse, menaçante, projetant de sa voix haute et enfantine ses désillusions. Autre tableau : les abîmes de la dépression avec Courir, Courir, Courir. Pour autant, malgré des textes au constat parfois amer, l'album Arlequine ne sonne pas noir musicalement, ni morose. La majorité des refrains tranchent dans le vif, à l'ancienne, en étant accompagnés de puissantes et belles envolées orchestrales servant de prolongement au verdict des mots, à l'exemple de La coupe est pleine et de ses chœurs, Les orgues ou à travers Ideal, le titre le plus speed de tous, construit avec un final très rock progressif.
En creusant les sillons, The Rodeo conjugue mélancolie et évidence mélodique, colère et densité orchestrale à travers neuf chansons ambivalentes. Son album dessine une sorte de thérapie prête à emporter l'auditeur du sombre (« Courir, courir, courir : "Dans la nuit infinie / Ne plus dormir / Le monde défile plus vite que ma vie" ») vers la lumière (« Idéal : "Un doux mirage / Un trou dans l'horizon / Je passe sans me retourner / Ne m'en veux pas d'essayer »").
© Elodie Daguin / Charlotte Giarmachi
EN CONCLUSION
Si l'album Arlequine souffle le chaud et le froid, pour l'essentiel, on retiendra les lumineuses mélodies, les puissants refrains et les incessants changements de rythme et de tonalité qui vivifient l'album. Pour l'artiste, ces divers changements d’humeurs et de ton élargissent finalement l’espace aux possibles et aux équivoques dans lesquels nos incertitudes nous conduisent parfois.
À PROPOS DE THE RODEO
The Rodeo est une artiste qui a décidé de prendre sa destinée en main. Auteure et compositrice, elle arpente depuis des années les scènes internationales, l'Europe, mais aussi les États-Unis, le Canada ou le Brésil. Ses prestations ont également partagé l’affiche de nombreux artistes, dont Bertrand Belin, Salif Keita, Emily Loizeau, Stereophonics, Nada Surf, The Dø ou Villagers.
La chanteuse a été lauréate du Fair, finaliste Adami Deezer et dernièrement gagnante du programme Keychange pour plus de parité sur les scènes de musiques actuelles européennes. Sa musique a été synchronisée dans plusieurs films et séries ( Ad Vitam de Thomas Cailley, Dom Juan de Vincent Macaigne, Un monde sans femmes de Guillaume Brac...)
Par Elian Jougla (Cadence Info - 01/2023)
The Rodeo
Album Arlequine
chez Modulor records
Sortie physique et digitale : 17 février 2023
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