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THE WHO, BIOGRAPHIE : NAISSANCE ET PÉRIODE PHARE

Ceux qui ont vu les Who en concert ne peuvent oublier les « murs » d'amplis Marshall et la puissante sonorisation, leur marque de fabrique. Constitués du guitariste et compositeur Pete Townshend, du chanteur Roger Daltrey, du bassiste John Entwistle et du batteur Keith Moon, les Who sont reconnus pour avoir été un quatuor d'éminents spécialistes d'un rock'n'roll explosif, désigné sous le terme de « maximum R&B ». De 1964 à 1978, durant la période phare de son existence, le groupe occupera le terrain en publiant des albums certes dissemblables, du concept au rock psychédélique jusqu'à l'opéra-rock (Tommy, Quadrophenia), mais des albums toujours influents dans les différentes strates de la musique rock.


LA NAISSANCE DU GROUPE

L'histoire des Who prend naissance avec Pete Townshend (né à Chiswick le 19 mai 1945), dont le prénom est resté plus célèbre que le nom : Tommy Walker (le personnage central de l'opéra-rock Tommy). Townshend est considéré par beaucoup comme le plus génial auteur-compositeur que la Rock-Music ait engendré. Guitariste et auteur de la plupart des titres du groupe, il est secondé par Roger Daltrey (né à Hammersmith, le 1er mars 1945), chanteur et harmoniciste, et par John Entwistle (né à Chiswick, le 9 octobre 1944), qui s'occupe de la guitare basse.

© Gladstone~dewiki wikimedia - The Who, concert au Ernst-Merck-Halle, Hambourg (08/1972)

Pete, Roger et John se connaissent depuis leur enfance, habitant la même banlieue ouest de Londres et fréquentant le même collège. Townsend excelle à la guitare par son jeu atypique et explosif. Il deviendra rapidement comme l'un des guitaristes les plus novateurs du rock, notamment en déployant avec art des effets comme le larsen et la technique des accords dite en "power chords". Daltrey joue aussi de la guitare, mais ce sont les caractéristiques de sa voix qui retiennent l'attention. C'est lui qui est à l'origine du nom du groupe. Entwistle, qui est le seul à posséder une culture musicale classique, devient sur la basse un virtuose, développant sur l'instrument des techniques de jeu qui ont fait école (solo de basse sur le titre My Generation en 1965).

De 1961 à 1963, le trio accompagne un chanteur, Colin Dawson, au sein d’un groupe nommé Detours qui interprète des chansons en vogue. Puis, l’année suivante, ils fondent les High Numbers avec le batteur des Detours, Doug Sanden. Un disque simple est enregistré : I’m the face et Zoot Suite. Mais Pete Meaden, auteur des titres et manager avec Helmut Gordon, décide de changer le batteur. Pour l’image de marque, Doug, âgé de trente-cinq ans, est trop vieux pour ses jeunes compagnons. Un remplaçant provisoire est engagé, mais un soir, lors d’un concert à l'Hôtel Oldfield à Greenford, un hurluberlu grimpe sur scène et s'approprie violemment la place du batteur en criant : « Ma femme sait mieux jouer que cet imbécile ! » Keith Moon s’installe, les Who sont nés !


THE WHO  :"MY GENERATION"
Un montage d'archives datant des années 60 et illustrant la période « Mod » (1965)

EN PLEINE PÉRIODE « MOD »

1964. Nous sommes en pleine époque « mod ». Pour les jeunes Anglais, cela rime avec élégance et coiffure « à la française » (vestons étriqués, pantalons étroits), des préférences musicales orientées vers le Rhythm and Blues, un détachement vis-à-vis du « way of life » traditionnel, et une sorte de culte envers les comportements exacerbés (en matière de danse, ce sont les jeunes mods londoniens qui instaurèrent le jerk en dansant en solitaires, dans les clubs de Soho, quartier populaire de Londres.) Les interprétation sauvages des High Numbers est représentative de la musique préférée des mods, violente et superficielle (inspirée de la « Tamla-Motown » et de James Brown).

Le groupe a désormais sa cohorte de fans quand deux assistants-metteurs en scène de cinéma, Chris Stamp (frère de l’acteur Terence) et Kit Lambert, découvrent le quatuor dans les clubs appartenant au circuit « mod » de la capitale. Stamp, éberlué, devait déclarer en 1966, à propos de cette rencontre : « L’excitation ne provenait pas du groupe. Je n’en étais pas assez près. Elle venait de ces gens qui me bouchaient la vue. » Déjà, les Who couvent sous les High Numbers. L'impact du groupe sur scène est incroyable. Les deux managers impromptus décident d’exploiter le groupe, conscients de sa valeur commerciale, et recherchent une compagnie discographique. C’est alors qu’on décide de changer de nom. Who est choisi, un nom à la fois énigmatique et impersonnel. Des vêtements sont achetés à Carnaby Street et les cheveux sont taillés à Charing Cross chez Robert James dont ils feront la fortune.

Fin 1964, les Who sont engagés tous les mardis au fameux Marquee Club de Wardour Street ; la promotion est soignée et le groupe obtient un succès grandissant. Le 15 janvier 1965 sort sous label Brunswick : I can’t explain / Bald headed woman, distribué par Decca. Kit Lambert promotionne lui-même le disque auprès des radios pirates et de la TV. C’est ainsi que Robert Bickford, producteur de la célèbre émission « Ready, steady, go ! » les engage, et c’est un triomphe. En quelques semaines, il s'écoulera plus de cent mille exemplaires de I can’t explain, une chanson pourtant peu originale et copiée sur les Kinks.


LES PREMIERS SUCCÈS DES WHO

Anyway anyhow anywhere, leur formidable second simple, sorti le 21 mai 1965, se vend un peu moins bien, mais la réputation des Who est déjà faite dans le pays et, lorsque est publié le 5 novembre de la même année, leur plus grand succès, My generation, la cause est gagnée.

Qualifiée de « pop’art », la musique est farouche, écrite par un Pete qui tire de sa guitare tous les sons possibles et imaginables. Il expérimente le « feed-back » et l’emploie constamment. Soutenu par le précis et sauvage jeu de batterie de Keith et la basse omniprésente de John, il reste, avec Roger, le principal attrait scénique du groupe.

Leurs personnalités sont parfaitement établies sur scène : Pete arbore une veste sur laquelle figure l’Union Jack (drapeau britannique) ; John, imperturbable, un chandail constellé de médailles, etc. tandis que leur jeu compose un spectacle inouï : Roger utilise son micro comme une fronde, Keith brise sa batterie à la fin de My generation, tandis que Pete détruit une guitare à chaque concert, suivant en cela les préceptes de son maître à penser, Meher Baba, et la philosophie de destruction de l’art, alors à son apogée (le public français s’en rendra compte lors des mémorables concerts à « La Locomotive », à Paris).


THE WHO : "BABA O'RILEY" (album Who's Next - 1971)

Les hits vont se succéder d’année en année, The Kids are all right, The Ox (formidable instrumental avec la participation au piano de Nicky Hopkins), Substitute, I'm a boy, Happy Jack pour 1966. Une tournée est effectuée aux États-Unis, et le public s’aperçoit que le furieux Keith Moon est un admirateur du « surf sound », des Beach Boys. On lui doit certaines harmonies vocales particulières, comme dans Barbara Ann (une version à peine modifiée du titre des Beach Boys), La-la-la-lies, Heatwave, Run, run, run. Puis les Who publient l’album A quick one while he's away dans lequel on trouve ce mini-opéra, préfiguration de Tommy, véritable anthologie de douze minutes qui renferme toutes les caractéristiques du groupe.

En 1967, les Who participent au festival de Monterey et sortent Pictures of Lily, contenant le merveilleux titre de John Entwistle : Doctor Doctor. Puis, dans la nuit du 29 au 30 juin, ils enregistrent Under my thumb et The last time des Stones, pour protester « contre les peines iniques prononcées envers Jagger et Richard, traités en boucs émissaires du problème de la drogue » (sur ces deux titres, Pete tient aussi la basse, John étant parti en croisière pour son voyage de noces). I can see for Miles est un autre gros succès, tiré du délirant LP The Who sell out à la pochette ideuse et aux morceaux entrecoupés de « jingles » de Radio-London, première station pirate à avoir programmé les Who.

©  - The Who, avec de g. à dr. : John Entwistle, Keith Moon, Pete Townshend et Roger Daltrey (1978)


L'OPÉRA-ROCK TOMMY, LA CONSÉCRATION MONDIALE

1968. Une tournée est effectuée aux USA. À la fin de l’année, coïncidant avec la sortie de la compilation Magic Bus, les Who participent au "Rock & Roll Circus" des Stones, où ils apparaissent en clowns. Le groupe obtient enfin sa consécration mondiale avec la sortie de Pinball Wizard suivie du rock opéra Tommy en 1969. Pete Townshend a alors composé l’œuvre la plus fabuleuse de la Rock-Music. Une version discographique sera réalisée en 1972 avec le renfort d'un orchestre symphonique (le London Symphony Orchestra) et la participation de chanteurs célèbres comme Rod Stewart, Stevie Winwood, Richie Havens, Richard Harris, Ringo Starr, Sandy Denny, Maggie Bell ou Merry Clayton.

En 1970, le théâtre des Champs-Elysées accueille, pendant deux heures, le magnifique show des Who, qui sortent la même année un LP enregistré en public à Leeds, témoin de l'extraordinaire impact du groupe sur scène. Les versions stylisées des classiques du rock : Summertime Blues (Eddie Cochran) et Shakin’ all over (Johnny Kidd) prennent une dimension grandiose et génèrent un potentiel d’excitation maximale. Après une autre tournée aux USA en 1970, sort l’année suivante Who's next, la meilleure vente en France des Who. Won’t get fooled again est le titre le plus estimé ; un titre pour lequel Nicky Hopkins et Dave Arbus (d’East of Eden) apportent leur précieux concours.


THE WHO : "TOMMY" - Overture (Live 1989)

Les classiques du quatuor remixés et ré-arrangés par Pete Townshend, figurent sur Meaty, Beaty, Big & Bouncy (1972) : My generation, The Seeker, Boris the spider, I can see for Miles et leur hit : Let’s see action. À la fin de l’année, les Who sont invités à la fête de L'Humanité où Daltrey, Townshend, Entwistle et Moon enthousiasment deux cent mille fans, qui ne remarquent pas, perdu derrière un ampli, Eric Clapton. La même année, ils effectuent une tournée US triomphale, obtenant des critiques dithyrambiques. Ils y retournent brièvement début 1973, puis publient Quadrophenia ; un double album controversé. Néanmoins, Quadrophenia sera un gros succès commercial (les anciens mods se reconnaitront dans le personnage du héros et dans son décor de l’Angleterre du milieu des années 60 !)

En juin 1974, les Who jouent quatre soirs consécutifs au fameux "Madison Square Garden" à New York, où tous les billets sont vendus en quinze heures ! L'album Odds & Sods est publié. À l'intérieur d’intéressants inédits et un simple, I’m The Face (High Numbers). Par ailleurs, les quatre hommes participent à la réalisation du film de Ken Russel tiré de Tommy (Keith et Roger au tournage en tant qu’acteurs, Pete comme conseiller à la mise en scène, et John pour les chansons). La bande son sera éditée en 1975.

En novembre 1974, la popularité du groupe est si importante que l’hebdomadaire professionnel américain "Record World" consacre un encart de 92 pages à l'occasion des dix ans de la carrière du groupe.

Après la sortie de l'album The Who by numbers (1975), aux titres très moyens, des dissensions sérieuses éclatent au sein des Who. Il est question d’une séparation. Mais, début 1976, les Who partent pour une tournée européenne où chaque concert donnera lieu au même accueil triomphal. Découvert avec enthousiasme par la troisième génération du rock, cette tournée sera hélas la dernière avec Keith Moon.


LA MORT DE KEITH MOON

© flickr.com - Roger Daltrey et Pete Townshend, les deux seuls survivants (03/2007)

En 1977, alors que la vague punk déferle sur l'Angleterre, les Who tentent de revenir sur le devant de la scène. Un concert filmé est organisé à Kilburn et aux studios Shepperton pour être intégré dans un documentaire intitulé The Kids are alright. Keith Moon, qui mène une vie de dépravé en Californie où il s'est exilé pour raisons fiscales, a considérablement pris du poids et a des difficultés à exercer son rôle de batteur. Les Who réintègrent les studios l'année suivante pour enregistrer Who are you, un album plutôt expérimental comprenant autant de claviers que de guitares. Mais le 7 septembre 1978, la mort subite de Keith Moon d'une surdose du médicament (qu'il prenait pour combattre son addiction à l'alcool), brise l'élan du groupe (1).

Après le décès de Keith, le groupe publiera deux albums avec un nouveau batteur (l'ex-batteur des Faces, Kenney Jones), avant de se séparer en 1983. Comme d'autres papys du rock, Pete, Roger et John tenteront des comebacks, le premier à la fin des années 1980, puis en 1996 pour ne plus se séparer, malgré la mort de John en 2002. Dès lors, Pete Townshend et Roger Daltrey, le cœur à l'ouvrage et malgré les années, continuent de se produire dans le monde entier, en étant entourés d'excellents musiciens comme Pino Palladino à la basse et Zak Starkey à la batterie. Un douzième album studio (Who), sorti en 2019, témoigne de cette persévérance à produire un rock calibré avec l'espoir de retrouver la magie des premiers jours, comme un défi au temps qui passe.

1. Au milieu de 1978, après avoir emménagé dans un appartement situé à Curzon Place, à Londres, Keith Moon voulait devenir sobre, mais en raison de sa peur des hôpitaux psychiatriques, il désirait le faire à son domicile. Pour atténuer ses symptômes de sevrage alcoolique, il suivit un traitement à base de clométhiazole (une molécule synthétique aux propriétés sédatives) prescrit par Geoffrey Dymond, un médecin qui n'était pas au courant du mode de vie de Moon. Or, le clométhiazole est fortement déconseillé pour une désintoxication non supervisée, en raison de son potentiel addictif, de sa tendance à induire une tolérance et de son risque de décès lorsqu'il est mélangé à de l'alcool.

Par D. Lugert (Cadence Info - 09/2022)
(source : La pop-music de A à Z - J-M Leduc/J-N Ogouz)


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