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AMY WINEHOUSE, DESCENTE AUX ENFERS ET FIN TRAGIQUE

Cette page est la suite de : biographie Amy Winehouse, portrait d'une chanteuse révoltée.


BACK TO BLACK

Entre-temps, la drogue et l’alcool ont produit quelques effets sur ses cordes vocales. Son timbre de voix n’est plus le même que sur l’album Frank. Loin d’encourager une telle approche, force est de constater que cela a eu un effet positif en singularisant davantage son chant. Son style vocal baigne toujours autant, si ce n’est plus, dans le catalogue rhythm and blues des années 50/60, mais sans y chercher la moindre performance vocale. Elle conserve une voix sensiblement grave et ne pousse presque jamais sa tessiture dans ses retranchements. Tout est dans l’interprétation.

C'est dans cette période de doute, qu'elle rencontre le producteur Mark Ronson. C'est l’homme providentiel, l'homme de la situation. L’album Back to Black est construit sur mesure à l’image de la chanteuse. Musicien, DJ et compositeur, Mark Ronson est connu pour ses interventions dans le domaine des musiques rock et hip-hop. Seulement âgé de trente ans, il a déjà collaboré avec Lily Allen, Christina Aguilera ou Robbie Williams.

La grande force du disque Back to Black est de concilier sonorités actuelles et orchestrations très kitch, à coup de cuivres swinguants. Cependant, ce Back to Black n’est pas de l’Aretha Franklin relooké, car cet album est imprégné des paroles d’Amy, et les siennes sont loin de porter les mêmes messages, les mêmes valeurs. On s’en serait douté !

Mark Ronson mettra tout de même en balance certains éléments propres à l’écurie 'Tamla Motown' des années 60, celui du son, des riffs de cuivres et de l'allure des musiciens sur scène. Le producteur a réussi à construire un heureux mélange sur un temps passé qui se conjugue au présent. Il en ressort un album cohérent, parfait de bout en bout. Pour Amy Winehouse, Back to Black est l’album qui va enfin la révéler au public. Le disque traverse les frontières et le rêve se poursuit… La brune piquante continue d’imprimer sa voix, son caractère, à l’image des quelques chanteuses illustres qui ont traversé son adolescence. Amy Winehouse est alors au summum de sa carrière.

Aujourd’hui, l’album Back to Black est devenu un classique, et l’aurait été même si la chanteuse n’avait pas disparu. À sa sortie, pour le public, le disque produit un choc. Fait assez rare à cette époque où la qualité musicale ne vole pas très haut, se cherche désespérément, contemple très souvent l’underground, le produit à courte distance ou bon à zapper. Amy a réussi le tour de force de faire accepter un univers décalé, de remettre au goût du jour des sensations musicales que l’on croyait éteinte. Un produit brut et authentique qu’elle assume parfaitement en conduisant, à la façon de feu Michael Jackson, un maximum d’interventions de la conception initiale jusqu’à la touche finale. Amy Winehouse était bien plus qu’une simple interprète. Finalement, la grande force de ce disque, comme pour la plupart des meilleures productions, est d’avoir possédé une accroche commerciale, sans avoir au fond le droit de revendiquer cela. L’amateur de rock, de reggae, de jazz ou de blues a trouvé avec ce disque un même accord positif et commun.


VERS UNE FIN TRAGIQUE

Amy Winehouse ne ressemblait pas aux autres chanteuses de son époque. De petite taille avec sa coiffure gigantesque posée sur sa tête, elle portait sur ses épaules une sorte de fragilité rebelle. Elle n’aurait jamais concouru pour une élection de miss. Certainement pas ! D’ailleurs, et même si ses tenues ont influencé la mode de l’époque, elle n’était pas à fond dans le marketing, dans la réflexion d’une image préfabriquée qui doit se couler dans un moule. Elle se foutait de l’image qu’elle renvoyait. Depuis toujours, Amy Winehouse était une fonceuse, une grande gueule qui concrétisait avec talent sa passion première, la musique.

Après la sortie de l’album Back to Black, la chanteuse va poursuivre sa carrière avec des hauts et des bas. En secret, elle a renoué avec Blake. Le couple repart alors dans un sombre tourbillon d’amour et de feu jusqu’au mariage en mai 2007. Amy avait depuis remonté la pente, malheureusement, le même schéma ou presque se reproduit. La chanteuse voue une obsession quasi maladive envers son mari. Sentimentalement et psychologiquement, elle en est dépendante jusqu’à le chercher des yeux dans les salles où elle se produit. Elle semble en état de grâce. Tout parais lui sourire. Et pourtant...

En juin 2007, elle se produit à l’île de Wight et chante avec les Rolling Stones. Le duo formé par Jagger et Winehouse conquit et étonne alors le public présent. Un clip suivra et mettra en communion les papys du rock et la reine actuelle de la soul. Mais le rythme des tournées, la pression exercée par ses différentes activités professionnelles, le succès, commencent à peser sur ses épaules fragiles… De plus, elle continue d'être la cible facile des paparazzis qui se délectent de ses frasques : "Amy et Blake ivres à la sortie d’un pub", "Amy et Blake prennent de la cocaïne"… Sa santé vacille. Face à l’attente d’un public toujours plus nombreux, face aux médias qui la sollicitent constamment, Amy a de plus en plus de mal à gérer le quotidien. Sa carrière artistique passe au second plan et elle devient finalement plus célèbre pour les dérives de sa vie privée que pour ses chansons.

Le public dans son « innocence » est cruel. Malgré son voyeurisme, il ne pardonne pas toutes les conduites. Amy est à bout de force, dans l’épuisement. Elle enchaîne les malaises. Le couple paye cher leurs fautes. La violence commise par Blake sur un barman le conduira à faire plusieurs mois de prison, ce qui conduit Amy dans une sombre dépression. Elle décide alors de retourner chez ses parents. L'existence familiale l'apaise. Elle semble bien vouloir décrocher de ses addictions aux drogues. Son père la soutient, mais les paparazzis sont toujours en chasse et guettent la moindre faiblesse, le moindre de ses faux pas qui justifierait une quelconque photo choc.


AMY WINEHOUSE : REHAB

Devenue incapable d’assumer la moindre performance scénique, elle décide de changer d’univers, de partir pour des cieux plus ensoleillés, les Caraïbes. Repos, récupération, inspiration seront au programme des trois mois que va durer son séjour. La période est reconstructrice, car côte cœur, elle se détache peu à peu de Blake et des drogues. Cependant, la chanteuse reste fragile. Derrière son apparente fraîcheur, ses larges sourires, la peur de renouer avec le public ne va pas sans poser de problèmes… Le retour à Londres la replonge aussitôt dans les mêmes dépendances, l’alcool surtout, qui lui sert de béquille pour résister à l’absence des drogues dures. Au même moment, du fond de sa cellule, Blake demande le divorce avec des émoluments considérables. Son entourage voit alors dans cette séparation, un sauvetage pour Amy.

Le public, toujours lui, sur les réseaux sociaux, se déchaîne et mise déjà sur une mort annoncée. Au printemps 2011, une grande tournée européenne est prévue : Pologne, Italie, Autriche… Le public l’attend avec impatience. Déjà une année que la chanteuse n'est plus apparue sur scène… À Belgrade, lors du premier concert de la tournée, les caméras de quelques spectateurs sont là et filment. À la façon du come-back de Whitney Houston, la chanteuse ne parvient pas à dissimuler son état. La voix cassée, impossible alors de jouer la carte professionnelle. C’est le début de la décadence, la dernière vision scénique d’une chanteuse qui tentait d’échapper à ses vieux démons.

Suite à cet unique concert, la tournée sera annulée… Et au matin du 23 juillet 2011, c’est le choc. Le monde se réveille par cette triste nouvelle : « Selon l’agence de presse britannique, la chanteuse Amy Winehouse a été retrouvée morte aujourd’hui dans son appartement. » Elle n’avait que 27 ans. On apprendra quelque temps plus tard que la cause du décès était due à une overdose d’alcool.

Tout un pays est en deuil. Des milliers de personnes viennent alors se recueillir devant sa porte religieusement. Témoignages divers, fleurs, dessins d’enfants, inondent le trottoir attenant. La profession salut son talent, mais personne ne réalise vraiment cette perte, tellement celle-ci est venue soudainement, par surprise, même si chacun était conscient de sa santé fragile, de son comportement très « borderline ». Sans le savoir réellement, Amy Winehouse avait guidé les pas d'autres jeunes artistes.

Quelque temps après sa mort, des rumeurs courent, néfastes et nauséabondes sur Facebook, Twitter, oubliant au passage la mort d’une jeune femme de 27 ans… 27 ans, l’âge maudit du « club des 27 » aussi tragique que stupide dans sa comparaison. Ne faut-il pas être mauvaise langue ou n’avoir rien à dire pour chercher toujours des explications rationnelles, spirituelles ou pathétiques dans l’âge d’un mort, même célèbre ? Le moindre mal pour Amy Winehouse est d’avoir ignoré cela.

Quelques mois après son décès, en décembre 2011, est sorti un album posthume intitulé Lioness : Hidden Treasures, constitué d'originaux et de reprises dont Body and Soul et une étonnante version percutante de The Girl From Ipanema. Depuis sa disparition, ses deux témoignages discographiques, Frank et Back to Black, continuent de se vendre très bien. Orphelin, le public écoute et réécoute ses chansons sombres comme pour mieux comprendre sa fin tragique. Est-ce là le moindre mal ou le plus grand hommage que l’on peut lui rendre ? Deviendra-t-elle dans l’inconscient collectif l’égale d’une Aretha Franklin ou d’une Etta James ? Il ne m’appartient pas d’y répondre, seul le temps nous apportera la réponse.

Par Elian Jougla (Cadence Info - 11/2014)


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