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MUSIQUE DE FILMS


CLAUDE BOLLING, COMPOSITEUR DE MUSIQUE DE FILMS

Décédé le 30 décembre 2020, la disparition de Claude Bolling laisse un grand vide, celui d’un pianiste qui servait amoureusement le jazz. Son autre famille d'adoption était la musique de films et, dans ce domaine, il signera quelques bonnes musiques destinées à un cinéma populaire, et dont la plus célèbre reste Borsalino.


NÉ POUR SERVIR LE JAZZ

Claude Bolling est né à Cannes le 10 avril 1930. Durant l'occupation, il quitte Paris pour se rendre à Nice où il suit l’enseignement de Marie-Louise « Bob » Colin, pianiste, trompettiste et batteuse dans un des nombreux orchestres féminins à la mode dans l’entre-deux-guerres. L’encourageant à retourner à Paris, Bolling crée son premier orchestre à 16 ans et enregistre son premier disque à 18 ans !

Nul doute, Claude Bolling était né pour être musicien. Il y avait chez lui des signes qui ne trompent pas et que l’on accorde généralement aux personnes douées, d’autant que son engouement pour le jazz ne souffrait d’aucun défaut, comme le souligneront les différents jazzmen qui croiseront sa route après la guerre.

Boris Vian, qui le surnomme « Bollington », lui ouvre les portes de la variété et de la direction musicale pour de nombreuses stars comme Juliette Gréco, Henri Salvador, Brigitte Bardot (pour qui il arrange le titre La Madrague en 1962) ou encore Les Parisiennes avec leurs chansons rigolotes.

Outre le fait qu'il dirige son propre big band depuis 1956, Claude Bolling est désormais un musicien installé avec une carrière qui s'ouvre devant lui. Toutefois, le cinéma qui l'avait déjà repéré, se présente à lui d’une façon bien plus timorée que la chanson...


LE CINÉMA, UNE FAMILLE D’ADOPTION

Associer Claude Bolling à la musique de films ne doit rien au hasard. Une grande partie de sa popularité vient de là. Ses collaborations avec le guitariste Alexandre Lagoya et le flûtiste Jean-Pierre Rampal pour des suites mariant un soliste classique à un trio de jazz suffiraient certainement à donner de lui l’image d’un compositeur talentueux.

S’il signe sa première grande partition cinématographique pour René Clément en 1963 avec Le jour et l’heure, son attachement pour le cinéma consistera d'abord à composer des musiques pour court-métrages, notamment muets, qui ne seront autres que des réponses du compositeur à l’enfant admiratif qui avait découvert le jazz, Duke Ellington et Fats Waller plus de vingt ans auparavant. Sous ses doigts, ces « muets » des années 20 transcriront alors toute cette attente en d’exemplaires démonstrations de piano stride et de ragtime : Les fiancées en folie (1925) et Cadet d’eau douce (1928) avec Buster Keaton ou Un samedi après-midi (1926) avec Harry Langdon.

Côté réussite exemplaire, Claude Bolling devra attendre l’année 1970 et le succès du film réalisé par Jacques Deray, Borsalino, pour qu’une sorte d’adhésion cinématographique collective s’enclenche autour du compositeur et de sa musique.

Ce film d’action dominé par la rencontre de deux stars du box-office, Jean-Paul Belmondo et Alain Delon, devait être servi par une musique caractérisant l’ambiance des années 30. Pour imager musicalement le vœu du réalisateur en stylisant une musique qui devait être « rococo », Claude Bolling chercha à synthétiser l'imaginaire d'un compositeur plongé au cœur des années trente. De fait, il y avait place pour un tango, un charleston ou un fox. Mais au-delà d'une musique qui transportait dans ses bagages les signes évidents des années folles, le choix du piano bastringue, mais aussi d'une orchestration utilisant des instruments d'époque, ne pouvaient que refléter les qualités d'un musicien destiné à écrire de la musique de films.

Tout en possédant une forte personnalité, la musique de Borsalino saute d’emblée aux oreilles de l'auditeur dans sa vérité vraie. La seule écoute du générique suffit pour s’immerger dans l’époque du film.


CLAUDE BOLLING : 'BORSALINO' (générique - 1970)

Pari osé, mais réussi pour cette musique associée à un film qui, faut-il le souligner, est de qualité moyenne. Le succès populaire de Borsalino est dû bien sûr à la tête d'affiche Delon/Belmondo, mais pas seulement. Avec le recul, la « bonne fortune » de Jacques Deray s'explique aussi par l'apport des différents thèmes musicaux composés par Bolling, illustrant parfaitement le Marseille d'avant-guerre avec ses rues sombres, l'ambiance de ses clandés, et scellant à jamais le destin des deux héros unis par une amitié virile.

Quelques années plus tard, Claude Bolling utilisera la même recette avec la série télévisée populaire Les Brigades du Tigre. Claude Bolling installera là aussi des thèmes courts et significatifs : ici une marche ou là un thème au climat dramatique qui s’impose dès les premières notes.

L'une des particularités de la musique de Bolling est d'être d'une grande force mélodique. Elle est son ascendant. Le compositeur n’écrira pas souvent de thèmes d’ambiance où tout s’articule uniquement sur d’habiles orchestrations - ou du moins on ne fera pas appel à lui pour qu'il produise des fonds sonores passe-partout. L'art de Bolling sera de projeter rapidement le spectateur dans le contexte de la scène qu'il illustre. Cela est particulièrement significatif dans les musiques créées pour la télévision, dans le montage des séquences souvent moins fluide que dans le cinéma et qui oblige le compositeur à s'adapter, à rentrer dans le vif du sujet dès les premières images.

Claude Bolling sait qu’il n’est pas un grand spécialiste de la musique de films comme le sont déjà en France les compositeurs Antoine Duhamel et Georges Delerue. Claude Bolling est plus à l’image d’un Alain Goraguer ou d'un Vladimir Cosma, ne cherchant à s’inspirer que d’une littérature musicale qu’il connaît sur le bout des doigts et qui sont pour lui le jazz et les musiques de danse d’avant-guerre. Cependant, son expérience conduite dans la chanson lui permettra d'ouvrir les champs du possible en exploitant d'autres genres : musiques exotiques ou traditionnelles, par exemple.


L’APRÈS ‘BORSALINO’

Après le succès rencontré par Borsalino, Claude Bolling, sans délaisser ses activités de pianiste-arrangeur et de chef d’orchestre, se plonge dans la musique de films pour laquelle il reçoit de nombreuses propositions. D'abord pour des comédies : Le mur de l’Atlantique, de Marcel Camus (1970) ; Le Magnifique, de Philippe de Broca (1973) ; L’Ordinateur des pompes funèbres, de Gérard Pirès (1976) ; L’Année sainte, de Jean Girault (1976) ; La gueule de l’autre de Pierre Tchiernia (1979), ou encore Le Braconnier de Dieu, de Jean-Pierre Darras (1983) et La gitane, de Philippe de Broca (1986).


CLAUDE BOLLING : 'MEXICAN PARADISE' (du film 'Le Magnifique'- 1973)

Les films d’action ne sont pas en reste : Flic Story en 1975 et Trois hommes à abattre en 1981, de Jacques Deray, de même que les films dramatiques : L’homme en colère, de Claude Pinoteau en 1979 et Un printemps sous la neige, de Daniel Petrie en 1984. En 1971, Claude Bolling illustrera aussi par son talent le dessin animé : Lucky Luke de René Goscinny et Morris ; une autre réussite exemplaire chez ce musicien qui savait distiller le gag sonore quand la scène s’y prêtait.

Toutes ces bandes originales, qui s’étalent des années 70 aux années 80, démontrent que Claude Bolling était devenu un compositeur très demandé, presque autant que Vladimir Cosma et Michel Legrand, même si ces derniers incarnent davantage le statut du compositeur pour le 7e art que Claude Bolling qui, de son côté, finira par délaisser cette spécialité dès le début des années 90 pour se consacrer pleinement à son premier amour, le jazz. « Ma famille maternelle, c’est le jazz. La variété et le cinéma, ce sont mes deux familles d’adoption. » dira-t-il comme pour s’en excuser.

En 2008, Claude Bolling avait rédigé sa biographie Bolling Story avec Jean-Pierre Daubresse, un ouvrage où il commente entre autres son expérience passée dans le cinéma.

Par Elian Jougla (Cadence Info - 01/2021)

SES MUSIQUES DE FILMS (Sélection)

  • Le Jour et l'Heure de René Clément (1963)
  • Les Aventures de Salavin de Pierre Granier-Deferre (1964)
  • Borsalino de Jacques Deray (1970)
  • Le Mur de l'Atlantique de Marcel Camus (1970)
  • La Mandarine d'Édouard Molinaro (1971)
  • Lucky Luke de René Goscinny et Morris (1971)
  • Le Magnifique de Philippe de Broca (1973)
  • Borsalino and Co. de Jacques Deray (1974)
  • Dis-moi que tu m'aimes de Michel Boisrond (1974)
  • Flic Story de Jacques Deray (1975)
  • L'Ordinateur des pompes funèbres de Gérard Pirès (1976)
  • L'Année sainte de Jean Girault (1976)
  • La Ballade des Dalton de René Goscinny et Morris (1978)
  • L'Horoscope de Jean Girault (1978)
  • L'Homme en colère de Claude Pinoteau (1979)
  • La Gueule de l'autre de Pierre Tchernia (1979)
  • La Malédiction de la vallée des rois de Mike Newell (1980)
  • Trois hommes à abattre de Jacques Deray (1981)
  • Le Braconnier de Dieu de Jean-Pierre Darras (1983)
  • Les Dalton en cavale de Morris, William Hanna et Joseph Barbera (1983)
  • Louisiane de Philippe de Broca (1984)
  • Un printemps sous la neige de Daniel Petrie (1984)
  • On ne meurt que deux fois de Jacques Deray (1985)
  • La Gitane de Philippe de Broca (1986)
  • La Rumba de Roger Hanin (1987)
  • Netchaiev est de retour de Jacques Deray (1991)
  • Plaisir d'amour de Nelly Kaplan (1991)
  • Hasards ou Coïncidences de Claude Lelouch (1998)
  • Les Brigades du Tigre de Jérôme Cornuau (2006)

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