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JAZZ ET INFLUENCES


WEATHER REPORT BIOGRAPHIE - JOE ZAWINUL & WAYNE SHORTER

Institution de la fusion jazz-rock des années 70, Weather Report a mieux que toute autre formation distillé une musique savante et raffinée, évitant la technique pour la technique dans un genre musical trop souvent dévoré par d’inutiles artifices. Leurs compositions d’une grande originalité, construites par petites touches nuancées, ont su marier à l’harmonie et au rythme des mélodies empruntées à différentes cultures et ethnies.


WHEATER REPORT, À LA CROISÉE DES CHEMINS

« Nous jouons quelque chose qu’on ne peut toucher, mais que l’on sent ! » déclarait Joe Zawinul. Le pianiste, docteur en thermodynamique et compositeur autrichien, et le saxophoniste Wayne Shorter décidèrent en 1971 de créer un groupe de musique à la croisée des chemins, capable de raviver un esprit de liberté et d’initiative qui s’était quelque peu perdu depuis l’aventure du free jazz.

Attiré par le rêve américain, Joe Zawinul débarque en 59 aux Etats-Unis pour étudier au collège de musique de Berklee à Boston, mais il abandonne rapidement son projet pour rejoindre le groupe du trompettiste Maynard Ferguson. C’est là qu’il rencontre pour la toute première fois le saxophoniste Wayne Shorter. À cette époque, Joe Zawinul court les cachets et se produit avec des artistes aussi divers que le multi-instrumentiste Yusef Leteef, la chanteuse Dinah Washington ou le chanteur Joe Williams. La rencontre avec le saxophoniste Julian Adderley pour lequel il composera en 1967 Mercy, mercy, mercy, l’un des rares hits jazz qui sortira en single, sera déterminante pour la suite de sa carrière.

De son côté, le parcours de Wayne Shorter est déjà élogieux. Le jeune prodige du saxophone ténor joue avec le batteur Art Blakey et ses Jazz Messengers au côté du pianiste Horace Silver. Au début des années 60, Miles Davis, toujours à la recherche de jeunes talents, l’engage au sein de son second quintette. Le pianiste Herbie Hancock, le contrebassiste Ron Carter et le batteur Tony Williams complète cette formation qui, de 1964 à 1967, enregistrera quelques bijoux dont les albums Miles in the Sky, Nefertiti, Filles du Kilimandjaro et Miles Smiles. Au sein du quintette, Wayne Shorter imprime son style, un jeu fait d’espace sonore, de notes étirées et que l’on retrouvera plus tard chez Weather Report.


UN « BULLETIN MÉTÉO » TRÈS ÉTUDIÉ

À la fin des années 60, les chemins de Zawinul et Shorter se croisent à nouveau à l’occasion d’un enregistrement avec Miles Davis (In a Silent Way - 1969) qui préfigure le style jazz-rock. Joe Zawinul, comme du temps où il se produisait avec Adderley, montre ses qualités de compositeur tout terrain dans cet album et le suivant Bitches Bew (1970). C’est suite à l’enregistrement de ce disque que d’un commun accord, Zaminul et Shorter décident de former , en mai 1971, Weather Report avec le bassiste tchèque Miroslav Vitous, le batteur Alphonse Mouzon et le percussionniste Airto Moreira. La musique, encore hasardeuse, est soit planante (Milky Way) soit influencée par Miles Davis (Umbrellas) ou nettement marquée par un jazz débridé (Seventh Arrow).

Après l’enregistrement de leur second album I Sing the Body Electric en 1972, avec Eric Gravatt (batterie) et Um Ramao (basse) et le départ en 75 de Vitous, la formation se stabilise autour de Zawinul, Shorter, Ndugu (batterie), Alphonso Johnson (basse), Alyrio Lima (percussions). Perfectionniste, le groupe trouve une réelle identité musicale, un style novateur qui fait mouche auprès du public rock quand sont enregistrés les albums Mysterious Traveller (1974) et Tale Spinnin’ (1975).

La couleur des orchestrations, la coupe de solos, la forme des thèmes n’ont à présent qu’un lointain rapport avec celui du « jazz conventionnel ». Weather Report construit une musique complexe, aux thèmes étirés et rebondissant. Tout semble vouloir s’articuler autour d’un jeu collectif dans lequel il parfois difficile de différencier musique écrite et musique improvisée.

Musique de Nouvelle-Orléans, d’Asie ou d’Éthiopie, les mélodies sont autant de puzzles exploités en thèmes courts et donnant lieu à de brèves interventions solistes très organisées. La percussion y joue souvent un grand rôle en étant admirablement servie par l’ancien batteur de McCoy Tyner, Alphonse Mouzon, et par le percussionniste brésilien Airto Moreira.


BIRDLAND, LE TUBE DE WEATHER REPORT

En 1976, l’album Black Market (qui contient le thème Gibraltar) voit un changement de personnel majeur et installe le groupe dans une autre dimension. La présence de l’ex-Mothers of Invention de Frank Zappa, le batteur Chester Thompson, d'Alejandro Neciosup Acuna aux percussions et surtout du jeune bassiste prodige et inventif Jaco Pastorius en tant que compositeur (Tee Town, Havona, River People et Punk Jazz) et coproducteur, représente une étape importante dans l’histoire du groupe.

La réussite dépassera toutes les espérances quand Birdland, composé par Joe Zawinul, verra le jour (Heavy Weather – 1977). S’il n’y a qu’un seul titre à citer, ce serait bien celui-là. Le type même de composition à tiroir, évolutive, que le pianiste stylise de main de maître. L’album suivant Mr. Gone (1978) et le live 8:30 prolongeront le même groove expressionniste.


LE DÉPART DE JACO PASTORIUS

Le départ de Pastorius pour le projet « Wordmouth » après de grands moments musicaux (Cannonball, A Remark You Made) qui l’auront vu révolutionner la fonction et le son de la basse électrique bien plus que chez Stanley Clarke ou Alphonso Johnson, provoquera une cassure dans l’esprit musical de Weather Report. L’album Procession (1983), qui accueille le batteur Omar Hakim et le percussionniste José Rossy, marquent un nouvel épisode dans le trajet aventureux du groupe qui sera élu, en 93, et pour la septième année consécutive, « meilleur groupe jazz américain » (Heavy Weather et Mr. Gone seront classés meilleurs albums jazz des années 1977 et 1978).


WEATHER REPORT : MYSTERIOUS TRAVELLER

Weather Report, cette cellule musicale libre et structurée, aura été d’une grande influence sur les expériences fusion des années 90. Marquée aussi bien par la technique, le sens de l’orchestration et les couleurs chères à Zawinul (de Badia à Black Market en passant par Mysterious Traveller ou Gibraltar) que par la puissance, le souffle et le raffinement de Wayne Shorter (Elegant People, Harlequin), W. R. étoffera les derniers moments de son histoire en utilisant la voix humaine, celle de Janet Siegel de Manhattan Transfer, dans Procession. L’album This Is This !, enregistré en 1986, mettra un terme à l'aventure de ce groupe si essentiel dans l’histoire des musiques fusionnelles.


L’APRÈS WEATHER REPORT

Suite à la dissolution du groupe, Zawinul, qui a joué durant quinze ans sans guitariste, engage Steve Kahn et fonde Weather Update en 1986 avec le batteur Peter Erskine, le percussionniste Bobby Thomas Jr. et le bassiste Victor Bailey, tous trois d’anciens pensionnaires de W. R. The Zawinul Syndicate qu’il crée deux ans plus tard n’est qu’un prolongement à sa perpétuelle recherche esthétique, une world music qui met l’accent sur les voix (neuf au total, dont Lynne Fiddmont dans The Immigrants –1988), une musique devenue cosmopolite, sans frontières.

Wayne Shorter qui avait été progressivement marginalisé au sein de Weather Report, formera, après trois albums solos en compagnie de Carlos Santana, un groupe instrumental où l’on retrouvera l’une des plus fabuleuses rythmiques du Santana Band : le bassiste Alphonso Johnson et le batteur Ndugu Chancler. Par la suite, Wayne Shorter aura l’occasion à plusieurs reprises de montrer ses dispositions musicales auprès d’artistes aussi divers que la chanteuse Joni Mitchell, le chanteur brésilien Milton Nascimento ou le groupe Steely Dan.


DISCOGRAPHIE WEATHER REPORT

  • Weather Report (1971)
  • I Sing The Body Electric (1972)
  • Live in Tokyo (1972)
  • Sweetnighter (1973)
  • Mysterious Traveller (1974)
  • Tale Spinnin' (1975)
  • Black Market (1976)
  • Heavy Weather (1977)
  • Mr. Gone (1978)
  • 8:30 (1979)
  • Night Passage (1980)
  • Weather Report (1982)
  • Procession (1983)
  • Domino Theory (1984)
  • Sportin' Life (1985)
  • This Is This ! (1986)

Par Elian Jougla (Cadence Info - 07/2016)


À CONSULTER

WEATHER REPORT, UNE HISTOIRE DU JAZZ ÉLECTRIQUE

À travers son livre 'Weather Report, une histoire du jazz électrique', Christophe Delbrouck nous décrit en détails le parcours de ce groupe jazz-rock au passé glorieux.


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