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MUSIQUE DE FILMS

ÉRIC SERRA, BIOGRAPHIE PORTRAIT DU COMPOSITEUR DE MUSIQUES DE FILMS

Fidèle entre les fidèles du metteur en scène Luc Besson dont il a signé la grande majorité des musiques, du Dernier combat au Grand Bleu en passant par Nikita jusqu’au récent Lucy, Eric Serra a marqué de son empreinte la musique de films des années 80/90.


ÉRIC SERRA ET LA MUSIQUE DE FILMS

Né à Saint-Mandé le 9 septembre 1959, Eric Serra baigne dans la musique dès son plus jeune âge grâce à son père, un poète et chansonnier qui lui enseigne la guitare dès l'âge de cinq ans. Sa curiosité naturelle le pousse à jouer sur d'autres instruments courus : la batterie, le piano et surtout la basse qui va devenir son principal instrument. En quelque temps, Serra devient rapidement un jeune musicien autodidacte accompli, et à l'adolescence, il forme un premier groupe de rock aux accents progressifs, Flep.

Techniquement, ses influences prennent pour exemple des musiciens issus du courant jazz-rock, notamment le guitariste John McLaughlin et les bassistes Stanley Clarke et Jaco Pastorius. À la charnière des années 70/80, ses premiers pas dans le milieu professionnel le conduisent à participer à des séances en studio et à accompagner quelques artistes célèbres sur scène : Mory Kanté, Didier Lockwood, Jacques Higelin… Cependant, le véritable tournant de sa carrière musicale se réalisera au contact d'un jeune metteur en scène, Luc Besson. Une amitié et une complicité vont naître et les conduire tous deux aux portes du succès.


ÉRIC SERRA - MASQUERADE (du film Subway)
Une musique funky très (trop) puissante marquée d'une empreinte musicale stylisée "groupe"

L’écriture mélodique et harmonique d’Eric Serra est d’une grande richesse. Elle sera remarquable dès le premier long métrage de Besson (Le dernier combat - 1983). En 1985, le film Subway marque les esprits par son action qui se déroule uniquement dans un métro parisien. Il y a quelque chose de nouveau dans ce film, quelque chose d'indéfinissable. La puissante musique accordée de Serra, balançant entre jazz, rock et funky, marque les esprits d'alors.

Suite à l'intermède de Kamikaze (1986) et de sa série de meurtres à distance par caméra télévisée interposée, la véritable révélation auprès du grand public se produira avec le film Le Grand Bleu. Grâce à ce long métrage, la renommée du jeune compositeur franchit les frontières. Le duo Besson/Serra fonctionne parfaitement et cette osmose, cette entente entre le réalisateur et le compositeur, va se poursuivre sans discontinuer ou presque.

Le grand bleu, malgré des critiques peu enthousiastes lors de sa sortie - le film sera sifflé lors de la présentation au festival de Cannes -, devient pourtant un film culte auprès des ados, surtout pour sa musique doucement rythmée et réverbérée qui évoque les grands espaces et la liberté, à l'image du dauphin communiant avec l'homme dans une mer immense et toute bleue. La musique remportera une "Victoire de la musique" et un "César" relayée par la vente de plus de deux millions d’exemplaires uniquement en France. Un record dans le domaine de la musique de films (en 2008, une édition spéciale verra la BO accompagnée de démos et en 2013, elle sera remastérisée avec celles de Nikita, Léon, Le cinquième élément et Jeanne d'Arc).

En 1990, la musique du film Nikita, tout comme celles du documentaire Atlantis (1991) et de Léon (1994) se voient décerner chacune une "Victoire de la meilleure musique de film". À ce stade de la réussite, on ne sait si de telles récompenses sont dues seulement au seul talent de Serra ou si l’influence majeure de Besson dans le paysage du cinéma populaire n’y est pas pour quelque chose. Toujours est-il que chaque nouveau film de Besson est attendu avec impatience par les cinéphiles qui voient en ce jeune réalisateur l’étoffe des plus grands.


ÉRIC SERRA - THE FREE SIDE (du film Nikita)

Les musiques des films qui suivent, au lieu de s’asseoir sur une même esthétique, vont progressivement creuser d’autres sillons. Pour Eric Serra, il est important d’évoluer en écriture, d’absorber techniquement d’autres types d’orchestration. Dès lors, il abandonne pour un temps les écritures pour petites formations (genre Subway) et compose des musiques plus ambitieuses aux couleurs symphoniques. Dans cet esprit, il écrit la musique d’un James Bond, GoldenEye (1995), mais le résultat ne le satisfait pas. Serra justifiera le relatif échec de la BO en raison du manque de temps qu’on lui a accordé : une trentaine de jours pour une trentaine de thèmes !

En 1997, la musique du film Le cinquième élément, toujours réalisé par Luc Besson, réconcilie le compositeur avec les fans de la première heure. Le metteur en scène nous plonge dans un univers où la "quatrième dimension" appartient déjà au passé. La BO d’Eric Serra s’organise autour de cette vision futuriste où les banals véhicules ne roulent plus, mais volent pour se déplacer. Dans cette BO, comme déjà dans Le gand bleu, le compositeur distille au compte-gouttes une chanson ou deux. Pour le cinquième élément, la chanson Little Light Of Love fera appel à la chanteuse israélienne Nourith.


AU TOURNANT DES ANNÉES 2000

Si l’on excepte la musique de GoldenEye, le parcours du tandem Besson/Serra a jusqu’à là toujours suivi une même route : des films construits sur des scénarios originaux et un succès au box-office qui ne se dément pas. Le dernier film en date, Jeanne d’Arc (1999), suit ce chemin-là et apporte à la Pucelle d’Orléans, l’image d’une conquérante révoltée partant en croisade contre les Anglais. Au fil des scènes, la fresque sonore d’Eric Serra mélange habilement bruitages et orchestrations symphoniques. Une musique discrète et sobre qui sanctifie plus qu’il ne glorifie la détermination héroïque – et inconsciente – de celle qui recevait des messages de Dieu.

Après le film Jeanne d’Arc, le compositeur tente l’aventure ailleurs. Il cesse sa collaboration avec Luc Besson (une collaboration qui durait depuis déjà 18 ans) et court vers d’autres espaces à la conquête de nouvelles idées...

En 2001 sort le film L’art (délicat) de la séduction. Une comédie sentimentale. C’est le premier film réalisé par Richard Berry. L’acteur passe derrière la caméra et signe un scénario original basé sur la conquête de l’amour. Pour la première fois de sa carrière, Eric Serra partage la musique avec deux autres compositeurs, Stéphane Brossollet et Sébastien Cortella. Il en sera de même pour les musiques des films suivants. Toujours dans une optique collective, sortira Rollerball (2002) de John McTiernan, avec le bassiste Nicolas Fiszman, et Bulletproof Monk (2003) de Paul Hunter, avec Stéphane Brossellet et Nicolas Fiszman. Sa notoriété dans le monde de la musique de films lui ouvre des portes. Il s'associe avec 'Recall Group', une maison de disque indépendante spécialisée dans le domaine publicitaire. Ensemble, ils fondent une maison d’édition exclusivement consacrée à la musique de films : 'Recall Music For Films'.

En 2006, après une interruption de sept ans, la collaboration entre Luc Besson et Serra reprend avec le film Arthur et les Minimoys, un film qui navigue entre fantastique et comédie. De 2009 à 2014, le compositeur sera le complice de cinq autres films pour l'ami Besson : Arthur et la vengeance de Maltazard (2009), Les Aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec (2010), Arthur 3 : La Guerre des deux mondes (2010) et surtout The Lady (2011), un film consacré à la vie d'Aung San Suu Kyi, femme politique birmane et opposante de la junte. Le dernier film en date, Lucy (2014), renoue avec la science-fiction et relate les aventures d’une jeune femme qui, après avoir absorbé une drogue expérimentale, verra ses capacités cérébrales décuplées.


ÉRIC SERRA SYNTHÈSE

À l’image du film The Lady, composé d’un métissage sonore alliant musique symphonique et musiques asiatiques (birmane, chinoise, laotienne, cambodgienne…), Eric Serra a toujours été sensible aux rencontres entre les univers sonores qui, au lieu de se repousser, s'attirent, comme aux chocs produits entre les instruments électriques et ceux traditionnels. Qu’ils soient européens ou venus des quatre coins de la planète, il les réhabilite intelligemment et parcimonieusement par petites touches.


ÉRIC SERRA - ONCE UPON A TIME IN BURMA (du film The Lady)

À ces associations instrumentales viennent se greffer de nombreuses influences musicales comme le rock, le jazz, le funk, l’électro, le classique ou l’ethnique. Ces alliances produisent des palettes sonores très riches et induisent des compositions aux tonalités souvent originales. Cette vision, très présente auprès de la nouvelle jeune génération de compositeurs de musique de films, donne aux compositions d'Eric Serra une respiration unique, un rythme, une singularité que l'on entend généralement qu'auprès des grands compositeurs de cinéma.

Dans sa musique, on y découvre une écriture symphonique parsemée d’influences héritées des grands compositeurs classiques : Ravel, Debussy, Bartók, Wagner, et surtout Stravinsky que Serra affectionne tout particulièrement pour sa musique imagée ; mais aussi les rythmes de rock pur et dur de sa jeunesse, sans oublier les références à quelques compositeurs de musique de films comme Ennio Morricone ou John Williams.

Aujourd’hui encore, le duo historique Besson/Serra continue son chemin comme au premier jour. La musique y joue toujours un rôle aussi important et canalisateur, c’est le vœu de Besson et Serra : remplir toujours sa tâche avec attention et perfection. Ils ont grandi ensemble en apprenant en quelque sorte sur le tas, en autodidacte, jouant dans le cinéma aux apprentis sorciers. Serra, qui ne se prédestinait pas à devenir un jour un compositeur pour l’image, aura trouvé en Besson son école, un style qu’il a perfectionné instinctivement de film en film, parfois en tâtonnant, en étant confronté à de nouveaux défis qu’il a toujours su relever avec justesse.

Par Elian Jougla (Cadence Info - 01/2015)


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