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JAZZ ET INFLUENCES

FLORA PURIM, BIOGRAPHIE/PORTRAIT DE LA CHANTEUSE BRÉSILIENNE

Avec Tania Maria et Eliane Elias, Flora Purim est l’une des rares chanteuses de jazz brésilien à s’être imposée durablement sur le sol américain. Au début des années 70, sa participation à la création du groupe 'Return To Forever' du pianiste Chick Corea, validera son « passeport » à l’international.


FLORA PURIM, CHANTEUSE DANS L’ÂME

Si nous devions résumer la carrière de Flora Purim, il serait impossible d’ignorer sa place au sein du jazz fusion des années 1970 ni son talent de chanteuse (Flora Purim sera élue, quatre fois de suite, meilleure chanteuse par le magazine de jazz DownBeat, entre 1974 et 1977). De même, nous pourrions justifier tout son art à travers les nombreux témoignages de musiciens qui ont travaillé avec elle et qui la considèrent encore aujourd'hui comme incarnant le dernier grand tournant esthétique du jazz vocal féminin.

© Daniel Shen - Flora Purim (2007)

Flora Purim est née à Rio de Janeiro le 6 mars 1942, dans une famille juive où la musique est très présente – le père Naum, immigrant russe, joue du violon et la mère Rachel, brésilienne, pratique le piano en amateur. Tout comme sa sœur Yana, Flora aime chanter depuis sa plus tendre enfance et découvre le jazz grâce à sa mère : « Elle rapportait à la maison des 78 tours et quand mon père était au travail, elle les jouait. C'est ainsi que j'ai été exposé à la musique jazz, en écoutant Dinah Washington, Billie Holiday et Frank Sinatra. Mais aussi beaucoup de pianistes, tels que Bill Evans, Oscar Peterson et Erroll Garner, c'étaient les favoris de ma mère. »

Si elle apprend d’abord le piano pour imiter sa mère, l'écoute des chanteuses de jazz va l’influencer au point de l’emporter sur tout le reste. Chanter devient dès lors une évidence pour Flora. La décision, si ingénue soit-elle, ne sera jamais remise en question.

Cet amour du chant va s’amplifier quand, au début des années 60, elle fréquente le 'Beco das Garrafas' à Rio. Elle fait la connaissance d’Hermeto Pascoal, figure majeure d’un jazz brésilien expérimental et intègre son ensemble, le Quarteto Novo (la chanteuse citera souvent le multi-instrumentiste comme l'un de ses mentors de début de carrière).

En 1964, elle enregistre son premier album, Flora MPM, contenant des standards de bossa nova, mais qui ne donne suite à aucun autre. Pour la chanteuse, les années 60 riment avec un jazz fait de liberté et d’audace. Aux États-Unis, c’est l’apparition des « protest songs » qui, en retour, font écho au gouvernement brésilien et à sa politique de censure envers les musiques chantées. Flora décide alors que « son jazz » sera aussi composé de chansons de protestation pour défier le gouvernement répressif en place. Un rêve s’installe pourtant, celui de conquérir l’Amérique et de vivre de sa passion. Trois ans plus tard, la voici partant aux États-Unis, pour s’y installer et pratiquer la musique en Californie…


FLORA PURIM : 'WINDOWS' (album 'Encounter' - 1977)
Sur une composition de Chick Corea, l'expression du saxophone de Joe Henderson et le lyrisme de la voix de Flora Purim.

UNE CARRIÈRE LANCÉE AUX ÉTATS-UNIS

Mariée depuis peu au batteur/percussionniste Airto Moreira, le couple se rend à New York pour rencontrer leurs idoles, ce qui donnera l’occasion à Flora de travailler avec des musiciens comme Stan Getz et Gil Evans. C'est durant cette période que les premières vibrations d’un jazz électrique commencent à prendre place. Flora et Airto plongent aussitôt dans ce jazz émergent. La voix de la chanteuse semble si bien à l’aise que le jeune pianiste Chick Corea les invite tous deux à participer à l’ébauche de l’un des groupes majeurs du mouvement jazz-rock : 'The Return To Forever'. La formation dotée de superbes compositions tourne avec succès aux États-Unis. La voix de la chanteuse, resplendissante de pureté et de précision, alimente les mélodies de Corea d’une éclatante façon. Deux albums enregistrés en 1972 témoignent de cette réussite : Return To Forever et Light as a Feather.

Si le succès se présente, Flora Purim a toutefois des démêlés avec la justice. En 1971, elle est arrêtée une première fois aux États-Unis pour possession de drogue (cocaïne). Après avoir fait appel de la peine, elle est finalement arrêtée une seconde fois en 1974 et passe 18 mois en prison avec 12 ans en probation, sans pouvoir quitter le pays. Son cas déclenche des protestations auprès de la classe artistique qui tentera de faire pression pour sa libération. Mais rien n'y fera.

Durant son séjour en prison, la chanteuse réussira toutefois à organiser un concert en mars 1976 en invitant des amis musiciens venus de l’extérieur parmi lesquels figurent, outre son mari, le saxophoniste Cannonball Adderley, le claviériste George Duke, le bassiste Miroslav Vitous et le batteur Léon « Ndugu » Chancler. Son incarcération coïncide aussi avec sa nomination de ‘meilleure chanteuse de jazz des USA’ par le magazine DownBeat (un titre qui sera reconduit par le même magazine durant quatre années consécutives).


FLORA PURIM : 'OVERTURE' (album 'Everyday, Everynight' - 1978)
Une version revisitée du titre composé par Michel Colombier.

LA CARRIÈRE SOLO

En 1973, Butterfly Dreams est le premier véritable album solo de sa carrière. Aussitôt, sa réussite la place parmi les cinq meilleures chanteuses sur la liste du magazine de jazz DownBeat. Au cours des années 70, Buttefly Dreams sera suivi de plusieurs autres albums chez ‘Milestones record’ dont 500 Miles High (1974), Open Your Eyes You Can Fly (1976) et Encounter (1977).

Pochette du disque 'Encounter' (1977)

Tout en conduisant soigneusement sa carrière et en sélectionnant un répertoire éclectique où le jazz brésilien s’invite souvent, Flora Purim continue d’enregistrer avec quelques nouveaux complices dont le guitariste Carlos Santana, célèbre héros du rock latin qui appréciera, comme tant d’autres, sa remarquable capacité d'extension vocale et son expressivité durant les phases d'improvisation. Par ailleurs, Flora et son inséparable mari Airto s’impliqueront aussi dans la carrière du groupe uruguyen Opa.

Si les points culminant de sa longue carrière coïncident avec les années 70, pour autant, la chanteuse continuera d’expérimenter son art sans que pointe d’amères nostalgies. Dans les années 1980, alors qu'elle enregistre peu d'albums sous son nom, elle tourne avec l’orchestre ‘United Nations Orchestra’ du trompettiste Dizzy Gillespie, dont le point culminant interviendra avec le ‘Live at the Royal Festival Hall’ enregistré à Londres en 1989. L’expérience vécue pendant plusieurs années au sein de cette grande formation lui a surtout permis d’aborder un autre répertoire de jazz plus «  traditionnel » comme le bop.

Autre stratégie de carrière dans les années 90 : travailler sur des projets encore plus diversifiés. En 1992, elle chante sur l'album Planet Drum de l'ancien batteur du Grateful Dead, Mickey Hart ; album qui sera lauréat d'un Grammy Award la même année. Ensuite, pour le label 'B&W Records', elle publie plusieurs albums remarquables dont Speed of Light en 1995, et pour lequel sa fille Diana a contribué à l’écriture. Speed of Life s’articule autour d’un nouveau groupe dont la tournée mondiale, commencée au 'Ronnie Scott's Jazz Club' à Soho, voit la chanteuse s’entourer de quelques pointures : le batteur Billy Cobham, le claviériste George Duke et le bassiste Alphonso Johnson.

Un autre de ces projets sera de constituer un groupe de jazz latin. Appelé ‘Fourth World’, il se compose de son mari Airto (batterie), de Gary Meek (saxophone), José Neto (guitare), Jovino Santos-Neto (claviers) et de Gary Brown (basse). Plusieurs albums seront produits de 1992 à 1999 dont quelques singles : Encounters With the Fourth World, Fourth World, Last Journey. L’autre fait intéressant est la publication de l’album Return Journey constitué de remixes par quelques célèbres DJs.


FLORA PURIM : 'ENCONTROS E DESPEDIDAS' (album 'Flora Purim sings Milton Nascimento' - 2000)

LES ANNÉES DU MILLÉNAIRE

Le nouveau millénaire démarre avec la sortie d’un enregistrement essentiel, un hommage à l'un des grands compositeurs brésiliens : Flora Purim sings Milton Nascimento. Puis en 2002, lors d'une résidence au Ronnie Scott's à Londres, Flora et Airto collaborent avec le producteur britannique Darren Allison et le célèbre guitariste flamenco Juan Martin sur l'album Camino Latino de ce dernier, avant de retrouver quelque temps plus tard l’ancien chef d'orchestre du 'Return to Forever', Chick Corea, pour une nouvelle collaboration. La même année, la chanteuse se voit honorer de l'une des plus hautes distinctions du Brésil, l'Ordem do Rio Branco pour l'ensemble de son œuvre.

Pochette du disque 'Speed of Light' (1995)

Aujourd’hui, à 78 ans, la chanteuse est toujours en activité, même si sa présence est bien plus confidentielle que par le passé. Une de ses influences musicales majeures reste le musicien brésilien Hermeto Pascoal : « Il est l'un des musiciens les plus complets que j'aie jamais rencontré. » dit-elle encore. L’autre grande « dette » est sans aucun doute envers Chick Corea. Grâce à lui, la chanteuse brésilienne a découvert puis aimé le jazz fusion. C’est aussi grâce à son groupe, qu’elle a réussi à s’imposer magistralement en tant que chanteuse de jazz sur le sol américain.

Après avoir passé plus de 45 ans à Los Angeles et avoir vécu un court moment au Portugal puis en Angleterre, « la reine du jazz brésilien » a retrouvé son sol natal : « Je ne voulais pas vieillir aux États-Unis. Je ne suis pas satisfait de la politique conduite là-bas » confiait-elle en 2017 durant la présidence de Donald Trump . Celle qui a marqué le jazz américain par ses liens étroits qui la rattachent au Brésil est aussi une artiste remarquable par sa façon d’avoir su gérer sa propre carrière tout en contribuant à la réalisation de nombreux albums pour son mari Airto Moreira.

Par Elian Jougla (Cadence Info - 01/2021)

DISCOGRAPHIE SOUS SON NOM

  • 1964 - Flora E M.P.M. (RCA)
  • 1973 - Butterfly Dreams (Milestone)
  • 1974 - Stories to Tell (Milestone)
  • 1976 - 500 Miles High (Milestone)
  • 1976 - Open Your Eyes You Can Fly (Milestone)
  • 1977 - Encounter (Milestone)
  • 1977 - Nothing Will Be As It Was...Tomorrow (Warner Bros.)
  • 1978 - Everyday, Everynight (Warner Bros.)
  • 1978 - That's What She Said (Milestone)
  • 1979 - Carry On (Warner Bros.)
  • 1983 - Dafos with Mickey Hart, Airto Moreira (Reference)
  • 1985 - Humble People with Airto Moreira (Concord Jazz)
  • 1985 - Three-Way Mirror with Airto Moreira (Reference)
  • 1986 - The Magicians with Airto Moreira (Crossover)
  • 1988 - The Colours of Life with Airto Moreira (In+Out)
  • 1988 - The Midnight Sun (Venture)
  • 1989 - The Sun Is Out with Airto Moreira (Crossover)
  • 1992 - Queen of the Night (Sound Wave)
  • 1994 - The Flight (B&W Music)
  • 1995 - Speed of Light (B&W Music)
  • 2000 - Flora Purim Sings Milton Nascimento (Narada)
  • 2000 - Perpetual Emotion (Narada)
  • 2002 - Speak No Evil (Narada)
  • 2005 - Flora's Song (Narada)
  • 2012 - Live in Berkeley with Airto Moreira (Airflow)

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