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MUSIQUE & SOCIÉTÉ.


LA MUSIQUE DISCO, HISTOIRE ET RÉVÉLATIONS

Le symptôme semble clair : boum - boum - boum. Nous voici en présence d’un mal mystérieux qui envahit la France des années 70. Le disco tourne en effet sur les platines des boîtes de nuit durant des heures. Le phénomène est contagieux et ne touche pas seulement les plus jeunes, mais toute la société…


LE DISCO DANS LA FRANCE DES ANNÉES 70

Le Disco : un vent de folie, une fièvre qui se développe à travers des mots simples comme liberté et plaisir. Avec le recul, des questions se posent, et dont la première serait de définir ce qu’est « Le Disco »… Un phénomène de société ? Sans aucun doute ! Une forme musicale ? Des critiques le prétendent. Un art de la « récupe » ? Certainement, car il est bien rare qu’un art majeur ou mineur ne trouve pas d’inspiration dans des idées appartenant au passé.

Depuis bien longtemps, chaque nouvelle génération a trouvé dans les « arts naissants » un prétexte pour s’opposer aux codes et principes établis. Dans ce sens, la musique a maintes fois prouvé son efficacité pour se libérer, pour nous permettre de nous « éclater » comme nous disons souvent, voire pour livrer quelques messages au passage. La musique disco n’échappe pas, elle aussi, à cette refonte des idées et des comportements tout en suivant le chemin des pistes de danse, sa place légitime.

© pixabay.com

En France, au cœur des années 70, cette échappatoire est salutaire. Le pays connaît en effet son premier choc pétrolier et le chômage de masse commence à faire parler de lui. La jeunesse, qui est en demande de changement moins de 10 ans après les événements de Mai 68, se trouve en face d'un avenir qui s'annonce morose et ombrageux. Au fond, tout ce qu'elle souhaite, c'est entrevoir un horizon plus radieux !

Le nouveau président en place, Valery Giscard d’Estaing, se veut moderne, réformateur. Durant son septennat, de 1974 à 1981, le volontaire rénovateur d’une France encore congestionnée fera de son mieux pour désamorcer de nombreux points délicats. À ses yeux, la jeunesse est prioritaire. Elle est « synonyme de gaieté et d’avenir », dira-t-il en autorisant le passage de la majorité de 21 ans à 18 ans dès son arrivée au pouvoir.

Alors que le rock’n’roll et les yéyés se sont éloignés, et que la France danse encore au son de l’accordéon dans les bals (mais si !), des artistes français vont se rapprocher de cette musique venue des States jusqu'à lui accorder une place toute particulière.

Désormais la musique s'écrit en cinq lettres magiques : D.I.S.C.O ; une musique simple et directe avec un rythme hypnotique et des mélodies entêtantes.



LA MUSIQUE, MAIS PAS SEULEMENT

Le disco ne sera pas seulement un phénomène musical, mais aussi vestimentaire. À la fin des années 70, les codes de la mode explosent. « Et à quoi reconnaît-on le parfait disco-man ou la jeune femme au look branché qui danse en discothèque ? » En fait, c’est assez simple ! Pour les femmes : un bustier à paillettes légèrement entrouvert, une courte robe, un short ou un pantalon moulant, des chaussures à grosses semelles épaisses, et de préférence une coupe en brosse pour les cheveux. Pour les hommes : un pantalon à « pattes d’eph » qui moule la taille, une chemise avec col « pelle à tarte » ouverte sur le torse et des chaussures à talonnettes pour gagner quelques centimètres.

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L’idée de ces tenues est de se faire remarquer en osant porter des strass, des vêtements de différentes couleurs qui brillent quand on danse sous les projecteurs de la piste de danse. Dans les années 70, les femmes se libèrent encore un peu plus, tandis que les homosexuels continuent de revendiquer leur liberté sexuelle. Bref, les mœurs évoluent. Patrick Juvet l’a bien compris quand il chante Où sont les femmes ? (1979) : « Elles portent un blouson noir / Elles fument le cigare / Font parfois un enfant / Par hasard / Et dès que vient le soir / Elles courent dans le néant / Vers des plaisirs provisoires. »



ET QUE VIVE LE DISCO !

Pour beaucoup de gens, le disco se résume à un rythme simple et carré qui fait boum - boum - boum… Il est si significatif que plusieurs artistes bataillent pour revendiquer la paternité. « Ne serait-ce pas le batteur Cerrone ? ». Oui, peut-être, toutefois expliquer ce qu’est la musique disco à travers la nature de son rythme est certainement insuffisant, car ce serait sous-évaluer la portée de tout le reste.

Même si quelques instrumentaux ont du succès, la musique disco place toujours en avant le chant, avec une accroche qui lui permet d’avoir toujours une longueur d’avance sur les musiques concurrentes. D’autre part, contrairement au rock’n’roll qui l’avait espéré vingt ans auparavant, la musique disco n’a jamais vraiment cherché à créer de rupture avec les codes de la société bourgeoise.

Tout dans le disco est une question de cadrage et de dosage. Les mélodies doivent s’habiller d’harmonie, de chœurs et d’arrangements sophistiqués. La rythmique doit groover comme pas deux avec un beat de batterie simple, très présent et accompagnée d’une basse qui fait corps. Tout doit converger pour donner envie de se lever et aller danser.


CERRONE : SUPER NATURE
Un titre déclencheur au rythme vraiment disco

Le signal le plus significatif et représentatif du phénomène disco interviendra en 1977 avec le film 'La fièvre du samedi soir' et sa BO. Outre la révélation d’un jeune acteur : John Travolta et d’énormes retombées à l’international, le film synthétise parfaitement la portée sociétale du phénomène : ses mœurs, ses vêtements, ses looks, jusqu’au mobilier coloré aux formes arrondis et si caractéristiques de l’époque. Quant à la BO - qui rapportera bien plus que le film (ce qui est très rare) -, on la doit en partie aux chansons des Bee Gees (Stayin’ Alive, Night Fever, You Should Be Dancing, etc.).


LE DISCO « MADE IN FRENCH »

Au milieu des années 70, le disco s’installe chez nous. La France n’échappe pas au raz de marée qui submerge radio, télévision et discothèque. Hypnotique, d’une folie communicative, jeunes et moins jeunes tombent sous le charme de cette musique venue des États-Unis.

Alors que des « artistes installés » comme Sardou ou Hallyday tournent le dos à cette musique qui, visiblement, ne les passionnent pas, Dalida sera la première à lancer le signal de l’offensive. Avec le disco, tout peut arriver, même l’adaptation de la célèbre chanson des années 30 chantée par Rina Ketty, J’attendrai, que la chanteuse interprètera dès 1975.

De son côté, Sheila, qui reste encore une artiste populaire dans le cœur des Français, revient en France après avoir séjourné aux États-Unis. Sous le nom de « Sheila B. Devotion », elle vient lancer sur les ondes sa chanson Love Me Baby en 1977. La chanteuse arrive transformée et au bon moment pour réussir son coup médiatique. La jeune femme totalement épanouie fera de ce titre chanté en anglais un de ceux qui se dansera le plus sur les pistes de danse cette année-là, en France, mais aussi à l’étranger.

Claude François, perfectionniste à souhait, appréhendera le genre avec plus de subtilités, notamment dans les textes. Cloclo ne pouvait pas, en effet, passer à côté de cette musique si symbolique des années 70 sans y apporter sa touche personnelle. Des chansons comme Magnolias for Ever, Je vais à Rio jusqu’à Alexandrie, Alexandra (qui sortira quelques semaines après sa disparition), deviendront des titres en puissance et démontreront tout le potentiel créatif et visionnaire de l’artiste disparu.

Derrière les paillettes, les décors « boîte de nuit », le rythme entraînant et les mélodies faciles, Dalida, Sheila et Claude François joueront leur rôle à fond en s’entourant de danseurs et danseuses. Pour ces artistes-là, les chansons à la sauce disco ne devaient pas être seulement de simples mélodies rythmées, mais bien plus, en offrant au public des chorégraphies aux pas de danse très étudiés.

Quant aux artistes de la nouvelle génération (Patrick Juvet, Patrick Hernandez, Karen Cheryl...), qui avaient construit leur envol au moment où le disco était à son apogée, tous ou presque verront leur carrière décliner dès que le mouvement perdra de sa vigueur au début des années 80.


UNE AUTRE FAÇON D’ÉCOUTER DE LA MUSIQUE

Du jeune artiste Patrick Juvet jusqu’à Line Renaud (Copacabana - 1978), plus que jamais le disco revendique son pouvoir attractif et commercial. Or, si le goût de certaines chansons ou de quelques reprises de rengaines oubliées sont parfois discutables - pour ne pas dire condamnables -, le disco apporte quelques transformations dans la façon d’écouter la musique. Ainsi, le fameux titre standardisé de « 3 minutes », si répandu, explose pour laisser place à des inflations dépassant les 10 minutes.

Le « maxi 45 tours » tourne désormais sur les platines des disc-jockeys. Pour le public, c’est une toute nouvelle manière d’écouter de la musique. La plupart des titres disco naissent avec une version courte et une autre plus longue destinée aux pistes de danse. On mixe et remixe jusqu’à outrance. D’autres musiques s’emparent du phénomène. Rappelons-nous le célèbre « Sex Machine » de James Brown qui semblait avoir atteint les limites avec ses 11 minutes.

Le principe reste simple : on fait le maximum… mais avec un minimum de « matériaux sonores » ! Depuis, cette façon de procéder n’a pas disparu, bien au contraire. La musique électronique des années 90 (la techno) va utiliser cette façon de procéder et prouvera qu’il est même possible d’en « jouer » jusqu’à plus soif, caricaturant en quelque sorte le procédé grâce aux séquences rythmiques qui tournent en boucle. Une sorte d’appauvrissement des idées par la base, en quelque sorte.


QUAND LE DISCO LARGUE SES AMARRES…

Si sur scène les chansons disco partagent leur sort entre tenue vestimentaire, chant et danse, pour que le produit prenne, le cocktail doit être explosif. La France n’a pas été la seule à capter toute l’importance de ce mouvement, l’Europe entière subira cette manne économique, notamment l’Italie et l’Allemagne qui ont largement contribué à son rayonnement.

Le groupe d'origine allemande Boney M avec leurs chansons Daddy Cool (1976), Sunny (1976) ou Rasputtin (1978) est le parfait exemple de cette réussite. Mais ici, l’exploit n’est pas tant dans le succès des chansons, mais dans la façon d’avoir mis en place un groupe monté de toutes pièces. Par exemple, contrairement aux apparences, la voix masculine de Boney M que l’on entend n’est pas celle du chanteur Bobby Farrell mais celle du producteur Frank Farian. Cette particularité, qui est loin d’être un cas isolé, restera un temps confidentiel (le stratagème sera révélé au public bien des années après) ; c’était une sorte de cuisine intra-muros que les studios d’enregistrement toléraient pour peu que cela aient des retombées économiques.

En fait, Boney M est un pur produit de marketing à 100 %, une nouvelle manière de fabriquer pour faire vendre et qui allait faire des émules dans d’autres productions de l’époque. Le groupe Village People, qui cherchera à jouer avec une image virile et précieuse, sera aussi une affaire de marketing ; chaque chanteur ayant un « rôle folklorique » à défendre, de l’ouvrier à l’indien en passant par le cow-boy ou le motard. YMCA en 1978 et Macho Man en 1979 seront leurs plus gros succès.

Venu de Suède, le groupe Abba portera en revanche un tout autre regard sur la musique disco. Fraîcheur, gaieté, spontanéité, amour, les quatre de Abba apportent un rayon de soleil venu tout droit du Nord de l’Europe. Deux ans après leur premier succès mérité Waterloo (prix Eurovision 1974), la chanson Dancing Queen tourne sur les platines et propose son doux parfum hérité du disco. Le groupe suit son bonhomme de chemin en ne renonçant pas à leur style basé sur des arrangements musicaux très soignés ; ceux-là même qui leur ont valu une réputation à l’international. Le groupe produira six albums avec le même souci du détail et autant de succès : Mama Mia (1975), Fernando (1976), Dimme Gimme Gimme, Take A Chance on Me et Voulez-vous (1979).



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